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Le gel a durement frappé les vignes luxembourgeoises


Les vignerons de Rosport, comme Georges Schiltz, ne récolteront pas beaucoup de raisins cette année… (Photos : erwan nonet)

Cela faisait longtemps que les dégâts causés par des gelées tardives n’avaient pas été aussi importants. Celles des nuits du 21 au 24 avril ont été fatales à beaucoup de vignes et à des vergers.

Avec un 1er mai gorgé de soleil où le thermomètre dépasse allègrement les 20 °C, on a peine à croire qu’il y a une dizaine de jours seulement, les nuits étaient glaciales. Dans l’est du pays, les dégâts ont pu être très importants et, comme souvent, absolument imprévisibles. Certains secteurs ont été très durement touchés, tandis que d’autres, pourtant parfois tout proches, sont restés pratiquement intacts.

«Je ne suis pas sûr que cela vaille le coup de vendanger», souffle, dépité, René Krippes, vigneron à Rosport dans le très beau terroir de la Hoelt, un méandre de la Sûre. «Cela arrive fréquemment que le bas du coteau soit gelé, mais là, c’était même le haut, a-t-il constaté. Il n’y avait vraiment rien à faire, on ne peut pas lutter… Ça va être dur de trouver la motivation après ça. Il faut continuer à travailler, parce que la vigne va poursuivre sa croissance, mais il n’y aura presque aucune récompense au bout. Je pourrai peut-être juste faire un vin en mélangeant mon auxerrois et mon pinot blanc…»

Il n’y avait vraiment rien à faire… Ça va être dur de trouver la motivation après ça

Son voisin Georges Schiltz (domaine Fru, également à Rosport) dresse le même constat. «Le nord de la Moselle et la Sûre, entre Mertert, Wasserbillig et Rosport, ont beaucoup souffert, précise-t-il. Il est toujours compliqué d’évaluer les dégâts aussi tôt, mais je dirais qu’entre 40 et 60 % de mes vignes et de mes vergers sont touchés.» Il est confiant pour la production de quetsches et de poires, moins pour les pommes, «ça dépend beaucoup des parcelles».

Il relève que la différence s’est sans doute opérée davantage sur la localité que sur le type de culture. «Contrairement à d’habitude, il a gelé deux, voire trois nuits de suite, explique-t-il. Dans celle du dimanche au lundi, c’est le vent qui était vraiment très froid, tandis que pour les suivantes, c’était plus classique, avec une nappe de froid qui est restée bloquée près du sol.» La durée de l’épisode était tout aussi inhabituelle : «En général, le moment le plus froid de la nuit se trouve juste avant le lever du soleil, mais la température était déjà nettement négative à minuit, donc le froid a eu le temps de faire des dégâts», a-t-il observé.

Devant une telle séquence, Georges Schiltz le confesse : «Il n’y a rien à faire pour éviter ces gelées. Non seulement les appareils sont très chers, mais ils sont inefficaces. D’autant plus que les lieux qui ont gelé ne sont pas ceux qui souffrent d’habitude…» Les éoliennes mobiles ou les chauffages sont effectivement très rares au Luxembourg. Certains arboriculteurs en ont, mais ils consomment beaucoup d’énergie et leur utilité est, finalement, très aléatoire. Quand on ne les place tout simplement pas au bon endroit, la répartition du froid étant souvent déroutante.

Un effet du réchauffement

À Ahn, Bob Max (domaine Max Lahr) a lui aussi constaté des dégâts très localisés. «Le fond du Palmberg, du côté de la route de Niederdonven, a beaucoup souffert : il y a de 90 à 100 % de pertes. Ce n’est pas classique… Je n’ai pas le souvenir que ces parcelles aient déjà été touchées comme ça. Les ceps situés près du ruisseau ont été aussi très marqués par le gel, mais ça, c’est plus normal, puisque l’air y est plus humide et que les arbres empêchent sa circulation.»

L’expérimenté vigneron ne cache pas une certaine perplexité. «Il s’est passé des choses un peu bizarres par endroits, souffle-t-il. On trouve quelques pieds gelés au milieu de parcelles pratiquement intactes par exemple, c’est étonnant.» Il remarque aussi que les vignes plus au nord, vers Mertert et Wasserbillig, ont été fortement gelées. «Il a plu juste avant le froid, sans doute que cette humidité a joué.»

Plutôt que de subventionner ces machines, l’État a choisi de soutenir les agriculteurs dans le paiement des primes d’assurance. L’aide est significative, le concept très pragmatique, mais la récurrence des épisodes de gel et des indemnisations ces dernières années a fait monter les tarifs tout en augmentant le nombre de clauses limitant les remboursements. Les assureurs ne sont pas des philanthropes.

Cette vague de froid printanière a été l’une des plus dures de ces dernières décennies. Georges Schiltz avoue n’en avoir pas connu de similaire depuis qu’il a commencé, en 2016. «Les anciens m’ont dit que ça arrivait dans les années 1980», glisse-t-il. Bob Max, plus ancien, n’en a noté que «deux ou trois semblables dans les trente dernières années».

La nature reprend plus tôt qu’avant, c’est le problème

Bien que cela puisse être contre-intuitif, particulièrement cette année, c’est le dérèglement climatique qui en est le premier responsable. Ce ne sont pas les températures printanières négatives qui posent problème, il y en a toujours eu et elles ne sont pas hors normes, mais plutôt la reprise végétative toujours plus précoce des vignes et des arbres fruitiers, causée par des mois d’hiver toujours plus chauds. «La nature démarre plus tôt qu’avant, c’est le problème, avance Georges Schiltz. Et plus les bourgeons et les feuilles sortent tôt, plus le risque de les voir souffrir du gel est important…» Le réchauffement accroît donc le risque de gel et il n’y a malheureusement pas grand-chose à faire contre cela.

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