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Pour Protransplant, «le don d’organes et la mort sont tabous»


Le pays est parmi les moins performants alors que les Luxembourgeois sont présumés donneurs depuis la loi de 1982 sur le prélèvement d'organes. (illustration Editpress)

En vue de la journée mondiale mardi prochain, l’ASBL Protransplant.lu lance une nouvelle campagne afin de promouvoir le don d’organes. Un sujet loin de faire l’unanimité au Luxembourg.

À l’occasion de la journée mondiale du Don d’organes mardi prochain, l’ASBL Protransplant.lu lance une nouvelle campagne de promotion pour le don. Affiliée à l’organisation internationale sans but lucratif Eurotransplant, l’association luxembourgeoise réalise des opérations de sensibilisation et de promotion, ainsi qu’un accompagnement pour les transplantés, actuels ou en devenir, et leurs proches.

Fille d’un père transplanté, Christiane Bourg est l’une des membres fondatrices et préside l’ASBL depuis un an. Avec cette campagne, elle souhaite lancer une nouvelle dynamique afin de réaliser un travail majeur, tant le nombre de donneurs reste inférieur au besoin mais qui reste entravé par certains obstacles.

A-t-on assez de dons d’organes au Luxembourg ?

Christiane Bourg : Il manque des donneurs mais comme dans le monde entier. Ce n’est pas un problème purement luxembourgeois. C’est vrai qu’il y a des pays qui sont plus ouverts que le Luxembourg. Il faut tout de même dire qu’en 2022 et cette année, le nombre de donneurs décédés a augmenté donc ça va un peu mieux.

L’année dernière, il y a eu 8 donneurs. Ce qui semble peu mais pour le don d’organes, il faut que le donneur soit en mort cérébrale et, en moyenne, cela concerne 50 personnes sur un million d’habitants. Ici, c’est environ 35 personnes par an. C’est donc 8 donneurs sur 35 décès. Cela reste peu mais si on le calcule sur un million d’habitants, ça fait 12,4 donneurs et la moyenne du groupe Eurotransplant c’était 13,8 en 2022.

L’ASBL Protransplant.lu et sa présidente, Christiane Bourg, réalisent une nouvelle campagne pour le don d’organes dont le passeport de vie, la carte de donneur officielle du ministère de la Santé.

Avez-vous un chiffre idéal de donneurs à atteindre ?

Notre objectif ultime, c’est qu’aucun patient ne meure faute de dons. Sur la zone d’Eurotransplant (NDLR : Autriche, Belgique, Croatie, Allemagne, Hongrie, Luxembourg, Pays-Bas et Slovénie) qui compte 138 millions d’habitants, quatre personnes meurent chaque jour car elles n’ont pas eu de greffe. Aujourd’hui, pour Eurotransplant, il y a 13 500 personnes sur liste d’attente et, en moyenne, seule la moitié reçoit une greffe.

Au Luxembourg, il y a un chiffre officiel de patients en attente mais il est plus bas que la réalité. Au Luxembourg, on ne réalise pas de transplantation, donc les patients qui sont en attente vont aller à l’étranger. Et comment est-ce que ça se passe ? Le plus souvent, le médecin traitant transfère son patient dans le pays où il a fait ses études, en Belgique ou en Allemagne. Sinon, certains vont en France et sont sur liste d’attente française. Donc, on a une place un peu favorisée par rapport aux autres pays.

Certains hôpitaux ne veulent pas faire d’explantations

Que faudrait-il faire afin d’augmenter le nombre de dons au Luxembourg ?

C’est une question de volonté. D’une part du niveau politique, avec des règlements qui ne statuent pas encore officiellement sur le don après un décès. Puis, certains hôpitaux ne veulent pas faire d’explantations. Il y a des chiffres qui le prouvent : certains ne font pas d’explantations et ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de morts cérébrales. Le « problème« , c’est que les explantations ont lieu la nuit, car les salles d’opération sont prises en journée et qu’il faut donc mobiliser des équipes la nuit.

Ce qui manque aussi, c’est au niveau de la nomenclature des actes médicaux. L’acte de l’explantation n’est pas prévu, donc les hôpitaux ne connaissent pas leur indemnité. Bon, bien sûr, on ne veut pas parler d’argent quand on parle de don d’organes, mais quand même. Il faut qu’ils aient droit à des indemnités.

Pensez-vous qu’un jour il y ait des transplantations au Grand-Duché ?

On est absolument en faveur de cela et c’est une de nos revendications auprès du ministère. On est persuadés que s’il y a des transplantations au Luxembourg, cela va favoriser la volonté de vouloir donner parce qu’on parlera plus du sujet. Par contre, ce n’est que notre sentiment, c’est une estimation subjective.

D’ailleurs, pendant un certain nombre d’années, il y a eu des transplantations de reins au CHL faites par le Pr Lamy. Et pendant ce temps-là, justement, le nombre de dons était plus élevé qu’il ne l’était ces dernières années. Malheureusement, le Prr Lamy a raté le moment précieux pour prendre un deuxième médecin à ses côtés afin de prendre sa suite

Mais nous savons qu’il y a plusieurs médecins, ici au Luxembourg, qui ont fait des transplantations à l’étranger. Et qui donc seraient capables et aussi de volonté de faire des transplantations. Maintenant, c’est plutôt la volonté au niveau ministériel et au niveau des hôpitaux qui manquent. Après, eux, ce qu’ils disent aussi, c’est qu’il n’y en aurait pas assez pour avoir une certaine routine. Mais est-ce que c’est vraiment le cas?

Avez-vous des discussions avec le ministère de la Santé ? 

Nous n’avions pas de rendez-vous avec la ministre actuelle. C’est Luxembourg Transplant (NDLR : l’organisme de gestion des dons) qui était en réunion avec elle. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne connaissait pas le dossier comme il le faudrait pour une ministre de la Santé.

Il y a un changement d’attitude avec les générations plus jeunes

Concrètement, en quoi consiste votre accompagnement des transplantés ?

On fait des rencontres de temps en temps, mais c’est surtout via notre infoline que les gens nous contactent afin de parler à quelqu’un qui a traversé le chemin qui les attend. Le médecin traitant peut donner plein d’explications, mais ce n’est pas pareil. Là, la personne en face connaît les craintes, l’espoir et le désespoir.

Souvent, ça encourage les patients à se décider, car des questions sur la technique se posent mais aussi psychologiques. Il faut se questionner sur sa mort mais aussi sur celle du donneur potentiel. C’est vraiment lourd, certains ont peur de dire oui.

Lors de vos campagnes ou actions de sensibilisation, quelles sont les réactions des gens sur le don d’organes ?

Quand on parle aux gens, on ressent qu’il y a un changement d’attitude avec les générations plus jeunes. Ils ont plus d’aisance pour parler de leur décès, de leur rapport avec leur corps et ce qui doit se passer après la mort. Et on ressent aussi qu’ils sont beaucoup plus ouverts aux dons. Parce que le don d’organes et la mort sont tabous.

Bien sûr, ce n’est pas agréable de penser à sa propre mort, quand on est jeune ou lorsqu’on est proche de la mort. Justement, nous, on pose toutes ces questions par rapport à la mort : l’assistance à la mort, être enterré ou incinéré, l’euthanasie, etc. C’est un tout.

Il faut répondre à la question du don d’organes. C’était une de nos demandes auprès du ministère que dans le dossier de soins partagé il y ait la question sur le don, à laquelle il faut obligatoirement répondre oui ou non. Là où l’on lutte encore, c’est qu’une fois que la personne a coché oui, que le don soit fait et que les proches ne puissent plus interférer. Mais, à plusieurs niveaux, ça ne marche pas encore ainsi.

Tél. de Protransplant : 691 53 53 53. Site internet : protransplant.lu

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