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La rétention des réfugiés facilitée ?


La nouvelle loi pourrait faciliter la mise en rétention des migrants. (photo archives LQ/Hervé Montaigu)

Mardi dernier, les députés ont voté deux projets de loi qui témoignent d’un durcissement des mesures prises à l’encontre des réfugiés, lesquels font face à un risque accru d’être privés de liberté, déplore le LFR.

Alors que l’on s’apprête à célébrer la journée mondiale des Réfugiés, qui aura lieu ce mardi, le pays vient de voter un projet de loi [n° 8014] qui pourrait augmenter le risque pour les demandeurs d’asile d’être privés de liberté et qui marque «une baisse des standards luxembourgeois en matière de respect des droits humains», regrette dans un communiqué le Lëtzebuerger Flüchtlingsrot (ou Collectif réfugiés Luxembourg, LFR).

Tout est parti d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui, à l’origine, visait à éviter la mise en rétention systématique des «dublinés», telle que pratiquée par certains États membres, sous prétexte qu’il y aurait un «risque de fuite» du demandeur de protection internationale (DPI) pendant la procédure de transfert vers un autre pays. Pour rappel, le règlement de Dublin est l’un des textes européens qui fixe le cadre général de l’UE en matière de politique migratoire. Il prévoit que le premier pays européen dans lequel arrive un migrant ou un DPI est le responsable du traitement de la demande d’asile.

«Par exemple, un réfugié syrien vient au Luxembourg après être arrivé par l’Italie : le Luxembourg peut considérer que ce n’est pas à lui de traiter la demande d’asile, mais à l’Italie. Il peut alors décider de mettre le réfugié en rétention avant de procéder à son renvoi vers l’Italie s’il estime qu’il risque de fuir pendant la procédure de transfert», illustre Sérgio Ferreira, directeur politique de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI).

Selon lui, loin d’éviter la mise en rétention systématique des migrants et des DPI comme le voulait l’arrêt de la CJUE – mise en rétention contre laquelle est opposée le LFR par principe – ce projet de loi fournit au contraire «une plus grande marge de manœuvre» aux autorités pour permettre cette rétention. Outre le fait que la loi s’appuie sur «une présomption de risque non négligeable de fuite», dont le double emploi de termes flous (présomption, risque) est «imprécis d’un point de vue jurdique» et laisse donc la porte ouverte à de nombreuses interprétations, la liste des neufs cas «exceptionnels» établie par le gouvernement justifiant une mise en rétention recouvre «presque toutes les situations dans lesquelles se trouvent les DPI au Luxembourg», estime Sérgio Ferreira, avant d’ajouter : «Ce projet de loi est de surcroît en contradiction absolue avec le programme de coalition de 2018, qui prévoyait des alternatives à la rétention et la mise en place de maisons retour».

Choisir le sécuritaire au lieu de l’intégration

Pour le LFR, cette loi est la marque d’une dérive sécuritaire. «On vit quand même dans un État de droit. Or cette loi, c’est l’exact contraire de notre narrative, celle d’un pays ouvert et progressiste. Bien évidemment, on s’attend à ce que la direction de l’Immigration, comme à son habitude, dise « on ne va pas l’appliquer ainsi« . Mais dans ce cas, pourquoi mettre ces dispositions dans la loi?», s’exaspère Sérgio Ferreira.

La même journée, un autre projet de loi a été voté [n° 8131], relatif au financement du gardiennage et des services de restauration notamment, au sein des structures d’hébergement des réfugiés gérés par l’Office national de l’accueil (ONA). Le budget prévisionnel nécessaire s’élève à 120 millions d’euros pour les quatre prochaines années. Pour le LFR, le gouvernement fait là encore fausse route en choisissant de «dépenser dans le sécuritaire» au lieu «d’investir dans l’intégration et dans l’accompagnement psychologique et socio-éducatif individualisé».

Ce durcissement sécuritaire à l’encontre des migrants est un phénomène présent depuis quelques années au Luxembourg, alerte Sérgio Ferreira : «Il y a un mois et demi, le Parlement a adopté un projet de loi qui permet de mettre en rétention des citoyens de l’UE. En 2017, il avait aussi élargi la durée de rétention des mineurs accompagnés de leur famille de 72 heures à une semaine». Pour lui, cette position relève d’un «retour en arrière flou» : «On ne fait pas des retours en arrière comme les Grecs, mais on fait tout pour durcir les conditions de vie pour que les migrants ne viennent pas, contrairement à l’image que l’on veut donner à l’international».

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