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La Belle Étoile : l’histoire d’une petite «révolution»


Manu Konsbruck (à g.) est, depuis 2013, le directeur de la Belle Étoile. Auparavant, Alain Lauff (à dr.) a dirigé le centre commercial durant 40 ans. (photo Fabrizio Pizzolante)

Le centre commercial fête ses 50 ans cette année. L’occasion de revenir sur l’histoire de ce lieu qui a marqué plusieurs générations de Luxembourgeois.

Trois juillet 1974. Après onze mois de travaux, un nouveau centre commercial vient de sortir de terre. Son nom : Belle Étoile. C’est le deuxième du genre à ouvrir ses portes dans le pays. Le premier, le City Concorde, situé à quelques kilomètres de là, a été présenté au public deux mois à peine auparavant. Mais ce nouveau «shopping center», implanté lui aussi à Bertrange, est encore plus novateur.

Dans le magasin qui sent encore la peinture fraîche, Alain Lauff, 24 ans à peine, saisi par le stress, doit tenir le discours inaugural. Devant le directeur, des milliers de personnes et 600 invités attendent avec impatience l’ouverture des lieux. Autour de lui, les premiers commerçants s’apprêtent à rejoindre leurs locaux flambant neufs et cette aventure un peu «folle».

Alain Lauff à l’inauguration de la Belle Étoile, le 3 juillet 1974. Photo : alain lauff

Dans ce nouveau centre, on trouve, outre l’emblématique supermarché Cactus, qui ne propose à l’époque que des produits alimentaires, 17 magasins. Habillement, ameublement, décoration, services, bijouterie… Tout le nécessaire est présent. «Notre but était de combler les désirs de chacun», raconte Alain Lauff, l’ancien directeur de la Belle Étoile. Et parmi l’offre commerciale figure aussi un concept innovant pour l’époque : un restaurant self-service. «Au départ, il y avait un service le dimanche, mais on a vite abandonné pour ne faire que du self», explique-t-il.

Cette ouverture est aussi perçue comme une petite «révolution» dans le Luxembourg des années 1970 qui commence à découvrir les temples de la consommation inspirés de ceux des États-Unis. «D’ailleurs, l’architecte qui a imaginé la Belle Étoile était américain», sourit l’ancien directeur. Mais, pour lui, c’est l’implantation même du lieu qui a été le plus marquant. «À cette époque, il n’y avait que des champs et très peu de maisons. Il fallait avoir l’audace de faire quelque chose ici. Mais le directeur de Cactus trouvait que la ville de Bertrange était un lieu stratégique, situé au centre du Luxembourg.»

Le rendez-vous des familles heureuses

Mais, après l’effervescence de l’ouverture, le centre commercial doit encore faire ses preuves, notamment auprès des commerçants. «C’était quelque chose d’inédit pour eux comme pour nous», se souvient Alain Lauff. La Belle Étoile doit aussi faire face au mécontentement des professionnels des centres-villes et de la capitale. Cela n’empêche pas que quelques mois plus tard, la fréquentation commence à être satisfaisante.

Des familles de tout le Luxembourg, mais aussi de Belgique et de France, viennent découvrir ce centre commercial. Une balade qui ressemble presque à une «excursion». «Tout le monde voulait voir ça. Notre objectif de départ était aussi que la Belle Étoile devienne le rendez-vous des familles heureuses. Nous faisions, et c’est le cas encore aujourd’hui, de nombreuses animations pour les enfants, mais aussi des expositions sur différents pays», raconte Alain Lauff.

De 18 enseignes en 1974 à 105 aujourd’hui

Sept ans après l’ouverture, en 1981, les premières transformations vont avoir lieu à la Belle Étoile. Cette année-là, le supermarché Cactus agrandit sa surface non alimentaire de 2 500 m². «Pendant environ un an, à cause d’une loi, le supermarché était divisé en plusieurs enseignes. L’une pour le non alimentaire et l’autre pour la boucherie. Je me souviens que l’on devait mettre des barrières, mais heureusement, ça n’a pas duré», se remémore Alain Lauff.

Quelques années plus tard, en 1988, le magasin d’ameublement déménage à côté du centre commercial. Grâce à cette surface libérée, 17 nouveaux magasins ouvrent leurs portes. «Il y avait notamment une librairie. Il était important à l’époque d’en proposer une dans un centre commercial. C’était l’un des créneaux qui nous manquaient», se souvient l’ancien directeur. Le centre commercial compte alors au total 45 boutiques. «Notre regret est de n’avoir jamais pu implanter une pharmacie, car à cause de la loi, on n’a jamais eu le droit de le faire», ajoute-t-il.

En 1996, un nouveau projet vient de se terminer. Le supermarché Cactus s’agrandit et une trentaine de magasins s’ajoutent à la galerie marchande. Puis, quelques mois plus tard, l’aile Est est inaugurée et de nouvelles boutiques rejoignent le centre commercial. Les projets d’agrandissement s’achèveront en 2013. La Belle Étoile compte désormais 105 magasins et devient le plus grand centre commercial de la Grande Région.

Cette année-là est aussi celle du départ d’Alain Lauff, après quarante années passées à la direction de la Belle Étoile. S’il reconnaît que le centre commercial d’aujourd’hui ne ressemble guère à celui des années 1970, pour l’ancien directeur, âgé de 73 ans, l’ambiance est restée intacte.

«C’est toujours un lieu de rencontre. Même si je suis à la retraite, je continue à m’y rendre deux fois par semaine. Finalement, je ne l’ai jamais vraiment quitté», sourit-il. Tout comme de nombreux Luxembourgeois qui continuent, génération après génération, à le fréquenter. «On est un peu un morceau du Grand-Duché», glisse Manu Konsbruck, le directeur actuel.

«Nous n’allons plus agrandir le centre commercial»

Le directeur de la Belle Étoile, Manu Konsbruck, évoque les projets à venir.

Quels sont les prochains projets pour la Belle Étoile ?

Manu Konsbruck : Une chose est déjà certaine, nous n’allons plus agrandir le centre commercial, qui est déjà assez grand comme cela. Et de toute façon, nous n’avons plus assez de place. De plus, ce n’est plus dans les coutumes actuelles d’agrandir les centres commerciaux. Néanmoins, nous avons un projet en tête depuis longtemps et que nous voulons absolument réaliser, c’est le renouvellement de l’ancienne partie de la galerie qui date des années 1970. Et en même temps, nous souhaiterions un relooking complet du supermarché. Je ne pourrai pas donner une date, car c’est un très gros projet, et vu la taille du centre commercial, ce n’est pas quelque chose qui se fera du jour au lendemain.

Le développement de nouveaux centres commerciaux à travers le pays a-t-il eu un impact sur votre fréquentation ?

Au fil des années, le marché a évolué. On pensait au départ que cela allait avoir un impact négatif, et finalement non. Nous sommes toujours très satisfaits de notre fréquentation. Nous avons environ 100 000 clients par semaine et 5,6 millions de visiteurs par an. Cette situation s’explique aussi parce que ce n’est pas la même clientèle en fonction des centres. Ici, nous avons conservé nos historiques familles populaires, même si on note des évolutions par rapport aux années 1970. Avec l’agrandissement de la nouvelle aile en 2013, nous avons eu davantage de personnes jeunes et internationales. Il faut dire aussi que la construction du lycée de Mamer et de l’école européenne a permis de rajeunir notre clientèle.

La crise sanitaire a entraîné des répercussions importantes pour les centres commerciaux. Qu’en est-il pour la Belle Étoile ?

Malgré les quelques mois de fermeture, nous avons, après la pandémie, très bien repris les affaires. Cette année et l’année dernière, nous avons retrouvé les niveaux de fréquentation et un chiffre d’affaires d’avant la crise sanitaire. Ce sont les commerçants du centre qui ont le plus souffert, car le supermarché, qui était le seul autorisé à ouvrir, a très bien fonctionné. Il a même fait des années record pendant ces années covid. Mais, de manière générale, on a su maîtriser et traverser cette crise, qui a quand même laissé et laisse encore aujourd’hui des traces.

Ressentez-vous des changements au niveau de la consommation des clients avec l’inflation ?

Cela a impacté leur portefeuille, c’est certain. Aujourd’hui, les gens sont plus prudents et leurs priorités d’achat ont changé. Nous ne sommes plus dans des comportements impulsifs où, par exemple, ils vont se lever le matin pour acheter une télévision. C’est beaucoup plus réfléchi.

Recueilli par E. D.

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