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Hépatite C : ce médicament miracle qui coûte des millions au Luxembourg


Paul Delaunois (à d., à côté du Dr Vic Arendt) espère que le brevet protégeant le sofosbuvir en Europe sera cassé, permettant ainsi à des milliers de malades de se soigner, et d'éradiquer la maladie. (photo Fabrizio Pizzolante)

Depuis quelques années, un médicament, le sofosbuvir, fait des miracles contre le virus de l’hépatite C. Mais son prix (52 000 euros au Luxembourg) est un véritable hold-up sanitaire. La résistance s’organise : comme une trentaine d’autres ONG dans le monde, Médecins sans frontières (MSF) Luxembourg appelle à casser le brevet protégeant ce médicament miracle en Europe.

Pour les malades, le sofosbuvir vaut de l’or. Simple à prendre, traitement court (entre huit et douze semaines), pas d’effets secondaires, et un taux d’efficacité de 95  %. Rien à voir avec les anciens médicaments qui promettaient bien plus de désagréments pour moins de résultats.

Problème  : chaque gramme de ce médicament miracle contre l’hépatite C vaut effectivement de l’or. Même davantage  : « Oui, c’est un bon médicament. Mais il ne sert à rien s’il n’est pas accessible. Au Luxembourg, ce traitement coûte 52  000  euros  : 1 gramme du médicament vaut 67  fois plus cher qu’un gramme d’or! », résume Paul Delaunois, le directeur de MSF Luxembourg.

Le sofosbuvir (commercialisé sous le nom de Sovaldi) est la «cash machine» de la firme américaine pharmaceutique Gilead. Avec d’autres «antiviraux à action directe» arrivé sur le marché depuis quelques années, il a amélioré considérablement la guérison contre ce virus tueur s’attaquant au foie, et qui fait près de 400  000  victimes chaque année dans le monde.

Mais un brevet sur le sofosbuvir « garantit une situation de quasi-monopole à Gilead et empêche l’accès à des traitements abordable, y compris par des versions génériques du médicament, en Europe et ailleurs », déplore Paul Delaunois.

Ainsi, en Europe, les prix pratiqués par Gilead atteignent jusqu’à 55  000  euros, et 84  000  dollars aux États-Unis. Mais ailleurs dans le monde, certains pays ont estimé que ce brevet n’avait aucune légitimité et ont forcé Gilead à négocier des accords de licence permettant la production et la distribution de génériques. Résultat, en Inde, on peut se procurer le traitement complet pour moins de 300 euros!

De quoi corroborer les accusations de hold-up sanitaire  : « La firme a déjà largement amorti ses coûts de recherches. Or, des études ont montré que le coût de production d’un comprimé de sofosbuvir est inférieur à un euro », s’indigne-t-il.

Il coûte des millions au Luxembourg

Quant au mérite du géant pharmaceutique d’avoir créé ce médicament, il est tout aussi discutable  : « Le brevet du sofosbuvir est attaquable car les connaissances scientifiques qui ont permis sa mise au point ne sont pas nouvelles. Pour faire simple, il s’agit de l’assemblage de deux molécules connues, ce qui n’est pas d’une grande originalité. »

Comme une trentaine d’autres ONG, MSF a donc déposé en mars dernier un dossier d’opposition au brevet de ce médicament auprès de l’Office européen des brevets.

Car en ayant verrouillé tous les composants clés de son médicament hors de prix, la firme fait peser un poids considérable sur les systèmes de santé (on parle de plusieurs millions d’euros au Luxembourg, et d’un demi-milliard en France), tout en empêchant les plus pauvres d’accéder au traitement, et donc, in fine, d’éradiquer la maladie…

MSF espère donc que l’Office européen des brevets va révoquer ou raccourcir la durée de validité de celui du sofosbuvir, pour permettre l’arrivée de génériques et la réduction drastique des prix.

Gilead doit répondre à cette opposition d’ici janvier 2018, et l’ensemble de la procédure devrait durer jusqu’à fin 2018.

Ce combat de la société civile porte en tout cas déjà ses fruits. Il pousse les États à prendre des mesures, comme vient de le faire la France qui a renégocié les prix du médicament avec Gilead. Comme souvent, la dynamique vient d’en bas…

Romain Van Dyck

Près de 4 000 personnes touchées au Luxembourg

Le virus de l’hépatite C, transmis par le sang, touche près de 71  millions de personnes dans le monde, rapporte le Dr Vic Arendt, président de la Fondation MSF pour la recherche humanitaire. Au Luxembourg, on estime que plus ou moins 1  % de la population est atteinte, soit entre 3  500 et 4  000  personnes, précise-t-il.

La majorité des patients infectés par ce virus vont développer une hépatite C chronique, qui peut entraîner une fibrose pouvant mener dans les 20 à 30  ans à une cirrhose ou à une maladie hépatique en phase terminale.

Près de 400  000  personnes en décèdent chaque année, en majorité dans les pays pauvres.

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