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[Gardiens de la nature] Au chevet de l’eau souterraine


Grâce à plus de 150 installations dans tout le pays, le niveau des nappes phréatiques du Grand-Duché est parfaitement connu. (Photos : administration de la gestion de l’eau)

Depuis le mois d’août, il pleut, c’est peu de le dire… Mais essayons de nous réjouir, car ces précipitations permettent de remplir les nappes phréatiques, comme nous l’explique l’hydrogéologue Magali Bernard.

Carte d’identité

Nom : Magali Bernard
Âge: 37 ans
Fonction : hydrogéologue à l’administration de la Gestion de l’eau
Profil : Magali Bernard a obtenu un diplôme d’ingénieur à Strasbourg avant de réaliser un master 2 en hydrogéologie à Paris. Après avoir commencé sa carrière dans la capitale française, elle a rejoint l’administration de la Gestion de l’eau il y a huit ans.

Alors que les effets du changement climatique sont déjà sensibles et que les températures ne cessent de s’élever, garantir des ressources suffisantes en eau potable est devenu un enjeu capital. Au Luxembourg, le sous-sol est plutôt généreux en la matière. «Nous avons la chance d’avoir une géologie favorable à la présence de nappes phréatiques, soutient Magali Bernard, hydrogéologue à l’administration de la Gestion de l’eau. Nous pouvons compter sur plus de 300 captages d’eau souterraine, ce qui représente environ 50 % de l’eau potable dans le pays. Un pourcentage qui est très important.»

Tout comme les eaux de surface (celles du barrage du lac de la Haute-Sûre), les eaux souterraines sont placées sous haute surveillance par le ministère de l’Environnement. Il est essentiel de connaître leur qualité, mais aussi leur niveau. Et puisque, par définition, les nappes sont en sous-sol, il faut mettre en place des systèmes pour obtenir ces informations.

Selon les contextes, plusieurs méthodes sont utilisées pour vérifier le niveau de remplissage des aquifères. Plus de 150 points de contrôle sont étudiés très régulièrement dans tout le pays. «Nous pouvons parfois le calculer en observant le débit de sa source, qui est une résurgence de la nappe. En constatant le temps qu’elle mettra à remplir un récipient donné, nous saurons combien d’eau elle contient.»

Une bonne connaissance des réserves en eau

Autre possibilité : «Certaines nappes sont équipées de piézomètres, qui sont des petits forages exécutés à partir de la surface par lesquels passent des sondes mesurant la fluctuation du niveau de l’eau», souligne Magali Bernard. Ces sondes sont remontées parfois plusieurs fois par mois et les données récoltées sont étudiées et analysées. La profondeur des nappes est très variable, de quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres.

Grâce aux cartes réalisées et actualisées depuis bien longtemps par le service géologique de l’État et aux travaux effectués par l’administration de la Gestion de l’eau, la connaissance des réserves en eau du sous-sol du Grand-Duché est très bonne. «Les emplacements de la majorité des nappes sont bien connus, relève Magali Bernard. En croisant la localisation des sources d’où s’écoule l’eau des aquifères avec les caractéristiques des couches géologiques (perméabilité, fissuration de la roche…) et les résultats des forages, nous avons une vue d’ensemble très complète.»

Certaines régions, toutefois, font encore l’objet d’études qui permettront de définir la possibilité de prélèvements futurs. C’est le cas du centre géographique du pays, autour de Bissen, Bettendorf, Diekirch ou Ettelbruck, par exemple. «Dans cette zone, Ettelbruck exploite déjà des forages, mais il n’est pas impossible que d’autres puissent être installés en cas de nécessité.»

D’une manière globale, les niveaux des nappes luxembourgeoises sont assez stables. «Il n’y a pas eu de diminution catastrophique ni de remplissage extraordinaire», synthétise l’hydrogéologue. L’été très sec de l’an passé, toutefois, s’est bien fait remarquer. «Normalement, la période de recharge des nappes s’étend d’octobre à mars, lorsque la végétation est endormie, qu’il y a davantage de précipitations et que les sols sont saturés en eau. Mais là, ils étaient tellement secs en profondeur qu’il a fallu attendre la fin du mois de décembre pour que l’eau commence à s’infiltrer. Cela a forcément eu un impact négatif sur le remplissage des nappes, d’autant qu’il n’y a pratiquement pas eu de précipitations en février 2023 non plus.»

Ces pluies pourront mettre plusieurs années avant de parvenir dans les nappes phréatiques

Alors, qu’il pleuve beaucoup depuis plusieurs mois est une nouvelle très positive pour la nature. «Si cette météo n’est pas bonne pour notre moral, elle est idéale pour nos nappes phréatiques, sourit Magali Bernard. Ces pluies régulières, qui ne provoquent pas d’inondations, pénètrent dans le sol et finissent leur parcours dans les aquifères. Selon les configurations, elles pourront mettre plusieurs années avant d’y parvenir. Et s’il pouvait neiger cet hiver, ce serait encore mieux. En fondant nettement, le manteau neigeux donne le temps à la terre d’absorber une grande quantité d’eau.»

Cette année, le démarrage de la période de recharge des nappes est qualifié de très bon. Il faudra toutefois attendre le printemps pour voir si cette tendance se confirme. Et peut-être que finalement, après plusieurs années de légères baisses, le niveau des nappes phréatiques luxembourgeoises va repartir à la hausse. «Cela ne nous donnerait pas le droit de gâcher l’eau pour autant, prévient l’hydrogéologue. Au contraire, c’est justement la bonne gestion de ces moments qui permettra d’éviter les pénuries futures.»

Quelle est la qualité des eaux souterraines?

On peut la qualifier d’inégale. Très inégale, même. «Dans certains endroits, elle est excellente, se félicite Magali Bernard. À tel point qu’elle est directement consommable, sans avoir besoin d’y toucher.» Cette situation rare se rencontre surtout là où 100 % de l’aire d’alimentation du captage se trouve sous un couvert forestier.

Dans les zones agricoles, le constat est parfois bien différent. Les doses de nitrates, d’herbicides et de pesticides peuvent rendre l’eau impropre à la consommation. «Certains de nos captages sont hors service pour ces raisons, souligne l’hydrogéologue de l’administration de la Gestion de l’eau. Quand la région a besoin de cette ressource, on peut toutefois construire une station de traitement.» Les zones de protection des sources permettent d’aider les agriculteurs à modifier leurs habitudes, afin de réduire la pollution des eaux souterraines.

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