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Fusillade à Remich : les zones d’ombre de l’enquête


Le prévenu va livrer sa version des faits ce matin. (Photo : Sophie Kieffer)

Que s’est-il passé au pied du pont frontalier de Remich le soir du 24 novembre 2020 ? Les éléments de preuve manquent pour expliquer le geste du prévenu envers son compatriote.

Une tentative de drague a mis le feu aux poudres entre trois hommes issus de la communauté albanaise, le soir du 24 novembre 2020 à Remich. Plusieurs coups de feu ont été tirés et une personne a été blessée avant que le tireur ne disparaisse pendant un an avant d’être arrêté à Bruxelles et livré aux policiers luxembourgeois. «Il est tout à fait possible que la victime et son ami aient dragué les trois jeunes femmes. Sur les images de vidéosurveillance du café, on les voit les aborder et on observe une discussion se nouer entre Jürgen et Aldo», a résumé l’enquêteur de la section homicides de la police judiciaire. «La serveuse a confirmé que les deux hommes ont voulu offrir des shots aux jeunes femmes dont l’une était la compagne du prévenu à l’époque.»

Selon lui, ce qui s’est passé à l’intérieur du Seven est «absolument crédible». Les récits faits par les protagonistes de ce qui s’est joué dans les minutes qui ont suivi à l’extérieur du café et près de pont frontalier le seraient moins. Faute de preuves, «je ne peux pas les confirmer», regrette le policier. Aldo, le prévenu âgé de 33 ans, et les deux autres hommes ont quitté l’établissement après «la prise de bec». «Nous supposons que c’est à ce moment-là qu’il est allé chercher son pistolet dans la chambre qu’il louait à l’étage», note l’enquêteur. «Nerveux», il est ensuite retourné au café. «Un témoin et une serveuse affirment que quelqu’un à l’extérieur lui a demandé de sortir. Aldo aurait obtempéré en pointant son arme vers le sol.»

Aldo serait alors tombé dans «un guet-apens» tendu par une demi-douzaine d’hommes armés de matraques et de couteaux. L’un d’entre eux, sa victime, l’aurait planté dans la jambe. C’est à ce moment que le grand jeune homme aurait tiré à trois ou quatre reprises. Un médecin légiste a bien trouvé une cicatrice, mais son ancienneté, près de deux ans après les faits, ne lui a pas permis de confirmer la version du prévenu. Endrit, lui, s’est fait tirer dans le mollet. Une autre balle a traversé sa chaussure alors qu’il s’enfuyait. Le prévenu, accusé de tentative d’assassinat ou de meurtre, se défend d’avoir voulu le tuer. Il aurait tiré en état de légitime défense. «Je me demande s’il n’a fait que viser ses pieds», doute le policier. Des impacts de balle ont été retrouvés à hauteur d’homme dans la façade du café.

Aldo «paraissait nerveux»

Le déroulement exact des faits est difficile à retracer. Les images de vidéosurveillance de différents commerces aux alentours ne permettent pas de gommer toutes les zones d’ombre et certains témoignages sont lacunaires quand ils ne se contredisent pas. «Il est possible que des personnes à l’extérieur pouvaient en vouloir à Aldo», confirme l’enquêteur qui ne peut cependant pas le prouver. «Sur les images, on voit que beaucoup de gens circulaient ce soir-là, mais il m’est difficile de les mettre en relation les uns avec les autres.» Il était quelques minutes avant le couvre-feu et les badauds se sont dispersés après avoir entendu les coups de feu.

Les policiers auraient préféré qu’Aldo vienne les trouver pour éclaircir la situation plutôt que de prendre la fuite pour Bruxelles, puis l’Albanie dès le lendemain des faits. Sa victime assure ne pas avoir été armée et ne pas l’avoir attaqué. Elle pensait, après avoir entendu un premier coup de feu, que Jürgen avait pu être touché et s’est précipité dans la direction du tireur. À la barre de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, elle a affirmé ne pas avoir vu de groupe d’individus armés. Le cousin de Jürgen aurait cependant reconnu lors d’un appel téléphonique à Aldo en prison que la victime et son cousin étaient venus s’armer à son domicile avant de repartir en direction du café Seven.

Qui dit vrai et quelle crédibilité accorder à l’appel téléphonique passé en prison? L’affaire donne le tournis. Aldo prétend s’être trouvé à Remich depuis une semaine pour louer un local en vue d’y établir son restaurant. Une explication tout à fait plausible. Le président de la chambre criminelle s’est toutefois demandé si le «guet-apens» ou règlement de comptes n’aurait pas davantage eu lieu sur fond de vente de stupéfiants. Le jeune Albanais reconnaît des démêlés avec la justice depuis sa majorité et sa victime, elle aussi d’origine albanaise, a prévenu les policiers d’entrée de jeu qu’elle ne dénoncerait pas son agresseur «pour ne pas mettre sa famille en danger».

Quant à Aldo, «il savait, parce qu’il connaît le milieu albanais, que la situation n’en resterait pas là» sous prétexte qu’il avait offert un verre aux deux hommes pour calmer le jeu, a répondu le policier au procureur qui lui demandait pourquoi le prévenu «paraissait nerveux». Ce dernier livrera sa version des faits ce matin. Puis le procès sera interrompu pendant quelques semaines pour permettre à sa défense de visionner les 134GB d’images de vidéosurveillance.

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