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État des habitats et espèces au Grand-Duché : « La situation est alarmante »


L'Observatoire de l'environnement naturel estime que 80 % des espèces se trouvent dans un «état précaire». (Photo : archives lq/Didier Sylvestre)

L’Observatoire de l’environnement naturel tire la sonnette d’alarme. La biodiversité est hautement menacée.

Le constat suivant est dressé par le ministère de l’Environnement : «Malgré la surface réduite de son territoire, le Luxembourg possède une biodiversité considérable et des paysages variés en raison d’une diversité géologique et microclimatique importante.» Idyllique, non? Pour dire toute la vérité, le même ministère ajoute sciemment que «cette biodiversité est en déclin depuis plus de quarante ans, au niveau des espèces, des habitats et des écosystèmes». Mercredi, l’Observatoire de l’environnement naturel est venu chiffrer l’état inquiétant de la diversité naturelle au Grand-Duché.

Un audit scientifique, à soumettre tous les 6 ans à la Commission européenne, estime que «la situation est désormais alarmante». Deux tiers des habitats naturels se trouvent dans un état de conservation «défavorable» ou «mauvais». L’état des lieux dressé au niveau des espèces (animaux et plantes) est qualifié d’«encore plus dramatique». L’Observatoire estime que 80 % des espèces se trouvent dans un «état précaire» (voir graphiques ci-contre) . Dans les deux cas, la dégradation des zones humides et des habitats des paysages ouverts est citée comme étant à l’origine de cette évolution inquiétante. Les chauvessouris, les papillons, de nombreux amphibiens et des espèces aquatiques figurent parmi les spécimens les plus menacés. La liste rouge dressée par l’Observatoire comprend notamment le crapaud accoucheur et la moule d’eau douce.

«De nombreuses espèces risquent de s’éteindre»

Bildschirmfoto 2020-09-10 um 08.08.06« L’état de conservation actuel des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages est hautement inquiétant. En l’absence de mesures rapides pour contrer la tendance, de nombreuses espèces vont s’éteindre au Luxembourg », souligne François Benoy, le président de l’Observatoire de l’environnement naturel. Un appel pressant est lancé au gouvernement (lire également ci-dessous).

L’audit sur la préservation de la nature s’inquiète plus particulièrement du sort des oiseaux. Plus d’un quart des espèces domestiques ont enregistré ces dernières années un «recul dramatique» de leur population. Pire : certains oiseaux ont presque entièrement disparu des plaines et forêts luxembourgeoises. La perdrix ou la pie-grièche grise sont à citer parmi les espèces éteintes. Autre exemple: sur le territoire grand-ducal, l’Observatoire de l’environnement naturel dénombre de moins en moins de couples reproducteurs auprès des chouettes (entre 12 et 24 exemplaires). Ce rapace reste ainsi considéré comme «fortement menacé», même si des mesures ciblées ont permis de freiner le recul de la population.

Les raisons de la rapide détérioration de l’environnement naturel au Luxembourg ne changent pas : l’impact négatif de l’agriculture intensive arrive loin devant la fragmentation des paysages due à l’expansion des agglomérations urbaines. «Le changement climatique a actuellement encore peu de répercussions sur la biodiversité. Son impact s’accroît toutefois d’année en année», précise l’Observatoire dans son audit, qui souligne encore la nécessité «de travailler avec et non pas contre la nature».

Une agriculture plus biologique d’où les pesticides et autres produits toxiques sont bannis, le maintien de terres agricoles, l’extension des zones naturelles et la réduction d’une urbanisation opérée aux dépens de la nature figurent parmi les principaux remèdes soumis au ministère de l’Environnement.

David Marques

Un «pacte nature» pour avancer

Le Luxembourg s’est doté en 2017 d’un plan national de protection de la nature. Ce cadre législatif viendra à échéance en 2021. Dans les conclusions de son audit, présenté mercredi, l’Observatoire de l’environnement naturel revendique une «mise en œuvre cohérente» de ce plan national.

Sur le papier, les objectifs sont multiples : rétablissement des écosystèmes, défragmentation des paysages, accélération de la mise en place des différentes zones de protection, protection par l’achat d’espaces naturels protégés de grande valeur ou encore amélioration de l’information et de la communication sur les aspects «protection de la nature» envers tous les acteurs concernés (communes, agriculteurs, citoyens, etc.). Le plan national de protection de la nature comprend une «Stratégie nationale biodiversité». «D’ici à 2020, les écosystèmes (…) seront préservés et améliorés grâce à la mise en place d’une infrastructure verte et au rétablissement d’au moins 15 % des écosystèmes dégradés», est un des engagements repris dans le document. Il faudra attendre l’année prochaine pour en savoir plus sur les accomplissements (ou échecs) du plan doté de 94,6 millions d’euros, dont 20,6 millions d’euros pour cette année 2020 et 19,3 millions d’euros pour 2021.

Aujourd’hui, la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, s’apprête à finaliser le «pacte nature», prévu dans l’accord de coalition. L’instrument vise à encourager les communes à s’engager davantage dans la protection de l’environnement. Un projet de loi a été déposé début août à la Chambre.

(Photo : archives le/Fabrizio Pizzolante)

Deux tiers des habitats naturels se trouvent dans un état de conservation «défavorable» ou «mauvais». (Photo : archives le/Fabrizio Pizzolante)

Une enveloppe de 32 millions d’euros

L’Observatoire de l’environnement réclame une transposition rapide du texte afin de stopper la dégradation de la biodiversité. «Les communes sont propriétaires de 33 883 hectares, correspondant à environ 13 % du territoire national, sur lesquels des actions en faveur de la biodiversité ont eu lieu ou pourront avoir lieu», peut-on lire dans l’exposé des motifs du projet de loi. «Il en résulte que les communes sont des partenaires essentiels de l’État dans le domaine de la protection de la nature et des ressources naturelles. Grâce à leurs choix politiques, elles peuvent contribuer significativement à améliorer la situation de la biodiversité.» Plus concrètement, l’État vise à offrir aux communes, à travers le «pacte nature», un cadre de référence législatif, financier et technique pour mieux lutter contre le déclin de la biodiversité. Du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2030, une enveloppe de quelque 32 millions d’euros sera mise à la disposition des communes.
D. M.

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