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Élections législatives : la décentralisation des soins, oui, mais comment ?


L’équipement des cabinets médicaux privés avec des appareils d’imagerie médicale (IRM, scanners, etc.), sans rattachement à un hôpital, est notamment prôné par le DP et le CSV. (photo archives LQ)

Les partis sont divisés quant au virage à prendre pour désengorger le système de soins de santé. Si la décentralisation de l’offre fait l’unanimité, la libéralisation du secteur extrahospitalier est contestée.

Les critiques des partis de l’opposition fusent. «Notre système de santé est fragilisé. Pendant des décennies, d’importantes décisions n’ont pas été prises ou ont été repoussées», constate le CSV dans son programme électoral, avec à la clé une pénurie de médecins, de longs délais d’attente et une médecine devenue «vétuste». L’ADR évoque un «immobilisme» de la part des ministres socialistes de la Santé successifs, ayant mis en place un système «rigide et centralisé». Le Parti pirate reproche le fait que le «système de santé longtemps performant» ait été affaibli par un «manque d’adaptation au développement économique et démographique». Le KPL déplore un «grave manque d’infrastructures» dû à un «manque d’investissements». Et le nouveau parti Liberté-Fräiheet s’offusque, lui, d’une «médecine étatique» et rappelle que la «grippe C» a failli «faire s’effondrer le système hospitalier».

Quelle «médecine à deux vitesses» ?

La décentralisation des services de santé est promue comme un des principaux remèdes pour lutter contre les maux énumérés. Le LSAP et les deux autres partis du gouvernement sortant (DP et déi gréng) ne cachent pas non plus le besoin d’agir pour améliorer la prise en charge des patients. Par contre, il existe d’importantes différences de vues sur la forme de la décentralisation à effectuer, surtout en ce qui concerne la libéralisation des cabinets médicaux privés.

Une querelle majeure existe aussi concernant une «médecine à deux vitesses». Le LSAP, soutenu par déi gréng, mais aussi par déi Lénk et le KPL, redoute qu’une plus grande liberté offerte au secteur extrahospitalier ne mette en danger l’accès équitable aux soins. Le DP, le CSV et l’ADR estiment, par contre, que cette «médecine à deux vitesses» est déjà une réalité, en présentant une autre définition. Selon eux, le manque de capacités au Luxembourg fait que des patients disposant de plus de moyens financiers partent déjà se faire soigner à l’étranger pour obtenir plus rapidement un accès à des soins spécifiques, tels que des examens IRM. Les patients moins bien lotis seraient contraints d’attendre de longs mois avant d’être pris en charge.

Les libéraux et les chrétiens-sociaux militent ouvertement pour permettre aux cabinets privés de s’équiper librement avec des appareils d’examens lourds, comme les IRM et les scanners. Pour le CSV, le lien «obligatoire» avec un hôpital pour exploiter ce type d’appareil doit être «limité à la coopération médicale». Le DP clame vouloir mettre fin à tout rattachement obligatoire à un hôpital pour exploiter ce type d’équipements. Le programme électoral reste cependant assez flou sur ce point. La promesse est de faire de l’ambulatoire un «pilier central» du système de soins de santé.

L’ADR évoque le besoin d’une autre planification territoriale des infrastructures de santé et se dit «ouvert» à d’autres formes de coopération entre plusieurs médecins qui souhaitent s’unir. La question du rattachement à un hôpital pour exploiter des équipements lourds n’est pas clairement tranchée dans le programme.

Libéralisation ne veut pas dire privatisation

Aucun parti ne souhaite toutefois que la libéralisation renforcée ne se traduise par une privatisation du système. Le financement des prestations en dehors des hôpitaux doit rester assuré par la Caisse nationale de santé (CNS). La nomenclature devrait être adaptée à ce virage ambulatoire plus étendu, avec un soutien financier élargi pour les médecins qui sautent le pas.

À l’image du LSAP, une extension du réseau des maisons médicales (ou centres médicaux locaux) – en plus grand nombre, avec plus de spécialistes et des heures d’ouverture élargies – tient plus largement la corde auprès des partis qui se disent opposés à une libéralisation étendue du secteur extrahospitalier (lire ci-dessous).

Peu importe le modèle qu’ils soutiennent pour rendre le système de soins de santé plus performant, tous les partis en lice se disent au moins conscients d’un besoin majeur : recruter suffisamment de médecins et d’autres professionnels de santé pour mettre en place davantage d’infrastructures et assurer plus de services. Il s’agit probablement d’un défi plus grand que celui de la mise en place d’une décentralisation, plus ou moins accentuée.

Dans les programmes

LSAP

Le LSAP veut des centres médicaux locaux pluridisciplinaires (pédiatrie, santé mentale, gériatrie) aux heures d’ouverture étendues. La collaboration avec les hôpitaux est encouragée. Elle restera obligatoire pour l’exploitation d’équipements lourds (IRM, etc.). Des «maisons pédiatriques» (Nord et Sud) sont envisagées.

DP

La prise en charge ambulatoire doit, aux yeux du DP, devenir le nouveau «pilier central» du système de santé. La décentralisation des cabinets médicaux est une priorité afin d’offrir un meilleur accès aux soins. La création d’une maison médicale pour enfants dans le Nord et de maisons de naissance est envisagée.

déi gréng

Déi Gréng veulent encourager les cabinets de groupes multidisciplinaires aux heures d’ouverture prolongées et créer une maison médicale dans l’Est. Le parti revendique en outre un service pédiatrique pour le Nord et une meilleure offre pour les soins psychothérapeutiques et psychiques (ambulatoire et décentralisée).

CSV

Le CSV souhaite développer un réseau étendu de maisons médicales ouvertes 24 h/24, des cabinets médicaux extrahospitaliers, multidisciplinaires et équipés d’appareils lourds (IRM, etc.), mais «sans entraver l’attractivité des hôpitaux». Un renforcement et une réorganisation des services d’urgence sont également envisagés. 

déi Lénk

Déi Lénk veut la décentralisation des soins primaires et actes chirurgicaux non complexes vers des centres hospitaliers régionaux. Des «maisons de santé» devraient être rendues obligatoires dans chaque quartier et localité de plus de 1 000 habitants. Les équipements lourds (IRM, etc.) doivent rester rattachés à un hôpital.

ADR

L’ADR veut étendre et renforcer le réseau des maisons médicales (Est-Nord), services pédiatriques inclus. Même chose pour les services d’urgences dentaires (week-end, jours fériés). Le parti plaide aussi pour la création d’un Centre national de dépistage (mammographie, coloscopie, etc.) et d’un hôpital militaire.

Fokus

Pour réduire les temps d’attente, Fokus compte étendre et «rénover» le réseau de maisons médicales. Pour ce qui est des appareils lourds (IRM, scanners, etc.), le parti réclame une «surveillance étroite». La création d’un hôpital universitaire est également mis en perspective, aussi pour attirer davantage de médecins.

Pirates

Les pirates plaident pour plus de services extrahospitaliers, des maisons médicales avec heures d’ouverture étendues et la création de cabinets à proximité des hôpitaux. Davantage d’IRM devraient aussi être rendues «plus rapidement» disponibles. Il n’est pas précisé si ces appareils doivent être rattachés à un hôpital. 

Volt

Volt dresse le constat qu’il n’existe pas assez de grands hôpitaux en dehors de la capitale. Partant de cela, le parti plaide pour la construction d’au moins un grand centre hospitalier dans l’Est et d’un second hôpital majeur dans le Nord, qui viendrait s’ajouter au CHdN (Ettelbruck, Wiltz) existant.

KPL

Le KPL veut créer un hôpital régional à Grevenmacher et une polyclinique à Redange. Devraient s’ajouter des services pédiatriques au CHEM et au CHdN, ainsi que des maisons médicales pédiatriques à Differdange et Wiltz. Un veto formel est émis contre toute privatisation, y compris pour les équipements lourds (IRM, etc.)

Déi Konservativ

Déi Konservativ plaident pour une décentralisation du système de santé afin de le rendre plus efficient. Il est proposé de créer des maisons médicales de proximité, dans le Nord et dans les autres régions plus rurales. Aucune précision n’est donnée sur les équipements (IRM, etc.) autorisés dans ces nouvelles entités.

Liberté

Liberté pense qu’«uniquement un renforcement de la médecine libérale» permettra d’améliorer la prise en charge des patients. «Partout dans le pays», de nouveaux hôpitaux, maisons médicales, maternités et pédiatries devraient voir le jour. Des cabinets extrahospitaliers, équipés d’IRM et d’autres appareils, sont validés.

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