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Élection russe au Luxembourg : «Les pires scénarios sont devenus une réalité»


RUHelp a protesté silencieusement contre Poutine lors de l’élection de dimanche. (photo Didier Sylvestre)

Du jamais vu au Luxembourg : un millier de personnes ont fait le déplacement pour voter à l’élection présidentielle russe. La plupart pour marquer leur opposition au maître du Kremlin, dont le sacre était attendu.

Dimanche, les opposants à Poutine ont lancé l’opération «Midi contre Poutine» : à l’occasion de l’élection présidentielle russe, ils ont appelé les électeurs russes du monde entier à se rendre aux urnes et à former à midi pile de longues files d’attente devant les bureaux de vote en signe de protestation. L’action a été particulièrement suivie au Luxembourg, où environ un millier de personnes se sont rassemblées devant l’ambassade de Russie à Dommeldange. Du jamais vu. Sergey Terentyev, le cofondateur de l’ASBL RUHelp – Russians against the war (les Russes contre la guerre), a protesté devant l’ambassade. Il commente cette élection.

Qu’avez-vous pensé de l’ampleur du rassemblement devant l’ambassade russe du Luxembourg?

Sergey Terentyev : C’était incroyable, je n’avais jamais vu cela! En 2018, à l’heure de pointe, il y avait une trentaine de personnes. C’était déjà beaucoup! Dimanche, toute la rue Cyprien-Merjai était bloquée! Certes, tout le monde n’est pas forcément venu pour manifester, certains sont juste venus voter, puisque contrairement à la Russie, où l’élection s’est déroulée sur trois jours, à l’étranger, on ne pouvait voter que dimanche. Dans la foule, il y avait aussi des pro-Poutine, il y en a toujours. Mais la majorité a fait en sorte d’être présente à midi pile et beaucoup arboraient des slogans contre Poutine et pour la paix.

Il y avait en outre beaucoup de Russes de la Grande Région, notamment des Allemands, qui n’ont pas hésité à faire plusieurs heures de route pour venir voter. Car le gouvernement russe a eu une idée « géniale » pour empêcher des votes : ne pas ouvrir tous les bureaux habituels. Par exemple, en Allemagne, on ne pouvait voter qu’à Bohn et à Berlin, alors qu’habituellement, les grandes villes ont un bureau.

Environ un millier de personnes se sont déplacées pour l’élection au Luxembourg. Photo : didier sylvestre

Poutine a recueilli plus de 87 % des suffrages. J’imagine que vous n’êtes pas surpris par les résultats…

Lundi soir, les résultats annonçaient une victoire de Poutine à plus de 90 %. Mais ils ont sans doute trouvé que c’était peut-être un peu trop, que ça ressemblait trop à la Corée du Nord! Les bureaux avaient reçu des consignes avec les chiffres à atteindre. Mais certains ont fait de l’excès de zèle. Ils ont donc bricolé les résultats pour arriver à un chiffre plus « plausible », 87 %. Il était très clair que les résultats de cette élection seraient faux. Pourtant, les gens se sont massivement déplacés! La majorité de ceux que je connais à Luxembourg ont voté pour Vladislav Davankov ou blanc. Les résultats officiels diront qu’il y en a juste eu un ou deux!

Pensez-vous que le peuple russe va se révolter contre ces résultats ?

Il est important de considérer la tranche d’âge moyenne. Quand il y a eu le printemps arabe, le citoyen moyen était un homme très jeune. Ce genre de mouvement est en effet possible quand on a de l’énergie, rien à perdre, pas d’enfants, pas d’hypothèque. En Russie, le citoyen moyen est une femme d’une quarantaine d’années, célibataire et avec enfants. Ce n’est pas le modèle de société qui veut se révolter ni faire une guerre. Une rébellion spontanée ne sera pas possible selon moi.

En 2011, il y avait encore des possibilités, car il n’y avait pas ce contrôle total, autant de pouvoir, autant de policiers, autant de mesures coercitives. À Moscou, aujourd’hui, il y a des caméras à chaque mètre, avec un programme de reconnaissance faciale. Des gens qui ont simplement participé aux commémorations de Navalny se font désormais interroger par la police, qui a toutes les informations sur eux. On a perdu toutes les options.

Je tiens cependant à rappeler qu’il y a quand même eu des protestations, mais elles ont été systématiquement réprimées.  Créer une forme d’organisation peut conduire à la prison, tout comme un commentaire sur Facebook. La condamnation peut aller de cinq à dix ans de prison, c’est plus que pour avoir tué quelqu’un. C’est désespérant.

Le jour où Poutine sera obligé d’arrêter la guerre, ce sera la fin de son pouvoir

Que va-t-il se passer désormais selon vous ?

Les autorités vont aller encore plus loin dans les mesures impopulaires, en le justifiant par les résultats de l’élection : « Vous voyez, 90 % de la population soutient notre glorieux leader national et ses politiques très glorieuses ». Ils vont pousser encore plus loin le discours qui veut que la Russie soit en lutte contre tout le monde, qu’elle n’est pas en guerre avec l’Ukraine, mais avec l’OTAN. Je pense qu’il y aura beaucoup plus de violences de la part de la police et des agences de l’État envers les gens qui ne sont pas d’accord avec la politique actuelle. Il y aura encore plus de prisonniers politiques.

Ce qui est clair, c’est que Poutine, c’est la guerre et la guerre, c’est Poutine. Il n’y a pas d’autre raison de continuer cette guerre, en dehors de la seule volonté de Poutine de la poursuivre. Le jour où il sera obligé d’arrêter la guerre, ce sera la fin de son pouvoir et, j’en suis sûr à 99 %, la fin de sa vie. Il va se battre jusqu’à la fin, c’est la seule possibilité pour lui de rester vivant.

On ne peut pas être optimiste dans ces conditions. D’autant que les pires scénarios sont devenus une réalité. Au début, seuls les pessimistes pensaient qu’il allait vraiment y avoir une guerre. C’était une position marginale. Les scénarios les plus improbables se sont déroulés : des empoisonnements, la mort de Navalny en prison, Prigojine tué dans son avion – et avec lui, le personnel de bord, sans qu’on y attache aucune importance. Le cercle de violence devient de pire en pire. C’est incroyable ce qui se passe.

Nous allons appeler officiellement le gouvernement luxembourgeois à ne pas accepter ces résultats

Quelles sont les prochaines actions de RUHelp ?

Au début, RUHelp a été créée essentiellement pour agir dans l’urgence et venir en aide aux réfugiés. Maintenant, nous allons davantage nous consacrer au partage de l’information et nous engager davantage comme les autres organisations russes à l’étranger – on réfléchit encore au procédé, mais nous allons appeler officiellement le gouvernement luxembourgeois à ne pas accepter ces résultats. Nous allons également essayer de faire venir la veuve d’Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa. On veut faire entendre la voix russe, montrer qu’il y a une importante communauté russe au Luxembourg qui ne supporte ni la guerre, ni le régime de Poutine.

Je pense que l’Union européenne et le gouvernement du Luxembourg ne doivent pas se gêner pour dire que ce n’est pas une élection démocratique, que le vote du peuple n’a pas été pris en compte, que le pouvoir russe actuel ne représente pas le pays et que c’est une vraie dictature médiévale. Surtout, dans cette situation, il ne faut jamais essayer de pousser l’Ukraine vers des négociations, parce que c’est impossible. Ça a été fait et ça n’a rien donné.

 

2 plusieurs commentaires

  1. Drole d argumentation de ce personnage.
    Il dit que poutine est la guerre et qu il ne pourra rester au pouvoir que si la guerre continue.
    A la fin il raconte que l ukraine ne doit pas negocier ce qui signifie l eternisation de la guerre.
    Serait il donc pro poutine?😀

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