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[Littérature] Double hommage pour Alain Robbe-Grillet


En quarante-cinq chapitres de longueur inégale, Benoît Peeters raconte donc Alain Robbe-Grillet et aussi l’aventure du Nouveau Roman. (Photo Flammarion)

Alors que l’on fête cette année le centenaire d’Alain Robbe-Grillet, Benoît Peeters sort deux livres à son sujet : Robbe-Grillet. L’Aventure du Nouveau Roman et Réinventer le roman.

Écrivain et critique, scénariste de BD et tout prochainement invité du Collège de France où il a été élu à la chaire de création artistique, Benoît Peeters précise d’emblée : «C’est à la fois une biographie, le portrait d’un homme que j’ai connu, admiré et dont j’ai exploré les archives, et à travers lui, une grande aventure littéraire. Peut-être la dernière grande aventure littéraire française. Il y a eu le surréalisme après la Première Guerre mondiale, il y a eu le Nouveau Roman après la Seconde».

Et parce que, selon Peeters, cet homme – dont on a fêté le centenaire de la naissance cette année – apparaît comme le pivot de cette aventure, il lui consacre deux livres : une biographie  (Robbe-Grillet. L’Aventure du Nouveau Roman) et un recueil d’entretiens inédits (Réinventer le roman). On lit, en ouverture de la biographie : «Il dérangea, fascina, exaspéra. Il suscita, des années durant, plus d’articles méprisants ou haineux qu’aucun de ses contemporains. Et il s’en félicitait. « J’ai eu de bons ennemis. Je veux dire des ennemis acharnés », reconnaissait Alain Robbe-Grillet lorsqu’on l’interrogeait sur sa célébrité persistante, en l’absence de tout grand prix littéraire».

Dix romans et dix films

Né le 18 août 1922 à Saint-Pierre-Quilbignon (un village qui a intégré la ville de Brest en 1945), après avoir été ingénieur agronome, il se consacre à la littérature, écrit en 1949 un premier texte, Un régicide (1978), arrive en librairies avec un premier roman, Les Gommes (1953). Après Le Voyeur (1955), c’est La Jalousie (1957), «le plus beau roman d’amour depuis Proust», selon Vladimir Nabokov. Au fil des années, il y aura sept autres romans : Dans le labyrinthe (1959), La Maison de rendez-vous (1965), Projet pour une révolution à New York (1970), Topologie d’une cité fantôme (1976), Souvenirs du triangle d’or (1978), Djinn (1981) et enfin La Reprise (2001).

J’aime bien agacer les gens, mais j’aime pas qu’on m’emmerde!

Pour le cinéma, il réalisera dix films dont le culte Glissements progressifs du plaisir (1974), écrira cinq scénarios dont celui de L’Année dernière à Marienbad (1961, Lion d’or à Venise) et fera même deux fois l’acteur pour Alain Resnais et Raul Ruiz. Élu en 2004 à l’Académie française où il n’a jamais siégé, il meurt d’une crise cardiaque en février 2003. Dans les livres de l’histoire de la littérature française, il est tenu, avec Nathalie Sarraute, pour le chef de file du Nouveau Roman.

Un personnage quasi attachant

En quarante-cinq chapitres de longueur inégale, Benoît Peeters raconte donc Alain Robbe-Grillet et aussi l’aventure du Nouveau Roman. Dans Souvenirs du triangle d’or, Robbe-Grillet se demandait : «Qu’ai-je dit? Qu’ai-je fait?». Comme en écho, Peeters lui répond. En dessinant le portrait d’un écrivain et cinéaste assez éloigné de ce qu’il voulait bien laisser paraître, dans la sécheresse de ce Nouveau Roman, tant décrié, tant raillé, tant méprisé. Ainsi dans Robbe-Grillet. L’Aventure du Nouveau Roman, apparaît un personnage quasi attachant, qui fut «l’enfant tourmenté, l’ouvrier, l’ingénieur agronome, le ciseleur de phrases, le sentimental secret, l’éditeur audacieux, le brillant pédagogue et l’infatigable voyageur».

On y ajoutera l’érotomane spirituel, le mari depuis 1951 de Catherine – également écrivaine qui signa des romans BDSM (la rumeur assure que ces livres étaient en fait écrits par Robbe-Grillet lui-même). Cornaqué par l’éditeur Jérôme Lindon et Alain Robbe-Grillet, le Nouveau Roman a mis en lumière les œuvres de Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Claude Simon, Michel Butor, Bernard Pinget ou Claude Ollier. «Ce fut une opération particulièrement réussie», écrit Benoît Peeters. «Une association de malfaiteurs», disait souvent Nathalie Sarraute. Une aventure littéraire menée par Alain Robbe-Grillet qui prenait plaisir à répéter : «J’aime bien agacer les gens, mais j’aime pas qu’on m’emmerde!».

Benoît Peeters, Robbe Grillet. L’Aventure du Nouveau Roman / Réinventer le roman. Champs / Flammarion

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