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Digitalisation de la santé : le papier fait de la résistance


Le nouveau président, Marc Hostert (à d.), et le nouveau directeur général, Ian Thewes, se sont montrés confiants, mercredi, quant à l’avenir de l’agence eSanté et de la digitalisation de la santé.  (photo Fabrizio Pizzolante)

Outil phare de la digitalisation de la santé, le dossier de soins partagé voit son utilisation enfin progresser. Des soins intensifs restent toutefois à dispenser pour numériser le secteur des soins.

La pandémie de covid a permis à un plus grand nombre de personnes de découvrir les avantages de la digitalisation de la santé. En cas de symptômes, les patients pouvaient recourir à la téléconsultation d’un médecin. L’ordonnance pour faire effectuer un test de dépistage était envoyée électroniquement. Comme dans d’autres domaines, la crise sanitaire est venue accélérer certaines démarches. Malgré ces avancées, réalisées en un temps record, les outils «eSanté» peinent toujours à convaincre patients et médecins, en dépit des importants efforts entrepris depuis plus de 10 ans par la plateforme publique compétente.

«Le bilan reste plus ou moins mitigé», note ainsi l’ancien président de l’agence eSanté dans le rapport annuel 2022. Le dossier de soins partagé (DSP) demeure le fer de lance de la digitalisation du secteur de la santé. Lancé début 2020, cet outil numérique commence à présenter des «chiffres prometteurs», même si le bilan est à relativiser. Le même constat vaut pour d’autres outils de l’arsenal développé par l’agence. La prescription électronique généralisée patine, le paiement immédiat direct (ou tiers-payant) peine à décoller, tandis que le Certificat de vaccination électronique voit son nombre d’utilisateurs augmenter.

La clé du succès est une meilleure adhésion des assurés, mais aussi des médecins et autres professionnels de santé, aux différents outils, censés faciliter la prise en charge des patients et le travail du personnel médical. «Leur adhésion est indispensable pour favoriser le développement du numérique de la santé qui a le potentiel pour apporter des réponses significatives aux besoins du progrès médical et pour faciliter la transformation du système de santé», écrit encore Christian Oberlé.

Une volonté démontrée

Cette mission incombe désormais à Marc Hostert, le nouveau président de l’agence eSanté, et Ian Thewes, le nouveau directeur général. Mercredi, ils ont présenté plus en détail le bilan et les perspectives d’un acteur censé faciliter l’échange de données de santé. «Avant de pouvoir déployer un service, il faut que divers éléments fonctionnels, techniques et réglementaires soient en place. Le succès d’un service eSanté ne dépend donc pas uniquement de l’Agence, mais est souvent tributaire des actions requises de la part des autres acteurs de l’écosystème de la santé», souligne dans ce contexte le successeur de Christian Oberlé.

Il est en effet à constater qu’un nombre encore assez limité de 179 000 assurés utilisent activement leur DSP. La création d’office d’un tel dossier fait toutefois que plus de 10 millions de documents ont déjà été enregistrés. «Les statistiques démontrent une nette croissance, autant au niveau du dépôt de documents qu’au niveau de leur consultation par les patients et professionnels de santé», tient à mettre en avant Ian Thewes. Quelque 3 400 médecins et autres acteurs ont entretemps été intégrés dans les cercles médicaux de confiance des patients. «Cela démontre clairement leur volonté de partager leurs données de santé avec les divers professionnels de santé qui les prennent en charge», ajoute-t-il.

Encore du chemin à parcourir

Le nouveau directeur général se dit toutefois conscient qu’«il reste encore une grande marge d’amélioration». Cela vaut aussi pour les praticiens, avec une Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) qui a décidé il y a un an de démissionner du Conseil de gouvernance de l’agence eSanté. Le dialogue a été renoué en mars de cette année, mais les concessions faites par les ministères de la Santé et de la Sécurité sociale pour soutenir notamment l’installation d’un logiciel développé par l’AMMD restent insuffisantes aux yeux de la corporation.

Malgré l’intégration d’une transmission sécurisée de documents numériques, de la signature électronique ainsi que de la procédure du paiement immédiat dans la convention entre la Caisse nationale de santé (CNS) et l’AMMD, les médecins demeurent très réticents à sauter le pas, peu importe les solutions numériques proposées. L’incitation financière de 625 euros par installation n’a pas encore permis d’accélérer la digitalisation. 

Il reste donc encore un important chemin à parcourir pour profiter des opportunités qu’offre la digitalisation de la santé, à la fois aux assurés, aux prestataires de soins de santé et aux administrations impliquées.

Les dossiers se remplissent,
le nombre d’utilisateurs reste limité

À première vue, les chiffres sont impressionnants. Au 31 décembre dernier, un peu plus d’un million de dossiers de soins partagés (DSP) étaient activés, avec, jusqu’à fin octobre de cette année, l’enregistrement de plus de 10,8 millions de documents. Parmi les DSP activés, 689 819 contenaient au moins un document (66 %). Il s’agit majoritairement de résultats d’analyses biologiques (environ 7,5 millions), suivis de documents d’imagerie médicale (environ 3 millions), qui ne nécessitent pas de consentement préalable.

Il existe néanmoins un fossé entre le nombre de DSP activés et le nombre réel d’utilisateurs. En effet, seuls 179 000 patients ont jusqu’à présent validé leur compte «eSanté», étape nécessaire pour pouvoir gérer activement son DSP (octroi d’accès à des médecins, enregistrement de documents, etc.). Cet outil numérique phare, lancé début 2020, est d’office ouvert. Les patients qui ne souhaitent pas bénéficier de la centralisation de leurs documents médicaux doivent faire une démarche pour fermer leur DSP. Le taux se situait fin 2022 à 0,19 %.

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