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Destruction du Jean-Monnet : un projet pilote de l’économie circulaire


Le bâtiment européen du Jean-Monnet a souvent été au coeur de débat houleux quant à la présence d'amiante. Le défi de le «recycler» est donc d'autant plus fort (Photo : Erwan Nonet).

Le vieux bâtiment Jean-Monnet, qui abritait 2 000 employés de la Commission européenne, est en train d’être détruit selon de toutes nouvelles procédures prônant l’économie circulaire.

Avec le bâtiment Robert-Schuman, situé de l’autre côté du boulevard Kennedy, le Jean-Monnet est un des immeubles iconiques de ce Luxembourg, capitale européenne. L’un comme l’autre ont toutefois du mal à supporter le temps qui passe. Le Robert-Schuman devrait être détruit (seul l’amphithéâtre, premier hémicycle de l’histoire du Parlement européen, pourrait être conservé), tandis que le Jean-Monnet sera rayé de la carte.
Il faut dire qu’il n’avait plus grand- chose pour lui (lire ci-dessous)… Bâtiment maudit et amianté, labyrinthe aux couloirs sombres et aux bureaux minuscules (et ce n’est pas la piscine en sous-sol qui sauve l’ensemble), ses 2 000 anciens employés ne le regretteront pas. Il se prête donc parfaitement à un projet pilote qui va permettre de le faire disparaître par la grande porte.
Le Jean-Monnet, ainsi, ne sera pas détruit mais déconstruit et il ne s’agit pas que d’une nuance sémantique. Claude Turmes, secrétaire d’État au ministère du Développement durable et des Infrastructures, explique le concept : «L’idée est de ne pas gâcher les bonnes ressources qui sont dans le bâtiment à déconstruire, nous mettons ici en place un projet pilote qui permettra de créer une procédure transposable à toutes les démolitions.»

Un cas d’école pour le LIST
Par cette démarche qui vise la systématisation du tri à la destruction, le Grand-Duché se place en pionnier européen et sans doute mondial. Le MDDI a même convoqué le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) pour piloter le projet. «La procédure compte trois étapes, note Carole Lacroix, ingénieure au LIST. Le premier est l’analyse des informations collectées autour du bâtiment, les plans, les rénovations, les transformations, l’usage… Le second est l’identification des matériaux de construction, avec la possibilité d’effectuer des tests en laboratoire pour confirmer ou infirmer la présence de polluants ou leur aptitude au recyclage. Et le troisième est la recherche des polluants, amiante, métaux lourds, ou pollutions liées à l’usage du bâtiment.»
Sur le terrain, les différents matériaux sont séparés et triés, ce qui demande un travail de fourmi souvent réalisé avec de petits outils. Heureusement, le bâtiment est très répétitif : tous les éléments qui le composent se répètent. Il n’y a donc pas beaucoup de surprises. Lorsque ce travail laborieux est achevé sur un secteur, les matériaux sont évacués par des bennes passant par la façade éventrée.
Le jeu en vaut la chandelle puisque les matériaux récupérés permettent de faire tourner l’économie locale. «L’aluminium part dans une entreprise de Clervaux (NDLR : environ 400 tonnes, entreprise Hydro Aluminium), le verre des fenêtres est traité à Thionville pour repartir dans un nouveau cycle (NDLR : environ 150 tonnes, entreprise GIREV) et le bois est transformé dans le sud du pays (NDLR : environ 45 tonnes, entreprise Kronospan, à Sanem)», énumère Claude Turmes.

Aucune fibre d’amiante ne peut s’échapper
Évidemment, le Jean-Monnet est aussi un cas d’école pour gérer la pollution à l’amiante présent en grande quantité. Patrick Gillen, le directeur du Fonds Kirchberg, explique : «Nous prenons les plus grandes précautions et tout se passe sous le contrôle de Luxcontrol et de l’ITM (NDLR : Inspection du travail et des mines). Les zones de travail sont confinées par des sas, la pression atmosphérique à l’intérieur est modifiée pour éviter la dispersion de fibres et tous les travailleurs portent des équipements spéciaux. Tous les déchets amiantés sont mis en sac puis éliminés. Il est impossible que des fibres d’amiante s’échappent du bâtiment, nous le garantissons.»
L’amiante n’est d’ailleurs pas la seule pollution sur le site du chantier. Il est également nécessaire de dépolluer le sous-sol, le parking étant souillé par les hydrocarbures.

Erwan Nonet

Amiante : un passé très lourd…

Le problème du Jean-Monnet, c’est qu’il n’a jamais été construit pour durer. Bâti à partir de 1975, il était prévu qu’il ne soit utilisé que sur une période de 25 ans. Et à l’époque, l’amiante était un matériau formidable dont les propriétés coupe-feux étaient fortement appréciées. De l’amiante, il y en a un peu partout. En janvier 2014, la firme belge Cresept avait livré le rapport que lui avait commandé la Commission européenne et il offrait un inventaire à la Prévert.

Plaques friables

Les colonnes métalliques qui forment la structure de l’édifice sont entourées de plaques d’amiante friables, les joints entre ces plaques comportaient également de l’amiante, des panneaux similaires composaient les faux plafonds, les portes et les clapets coupe-feux étaient aussi amiantés… La conclusion du rapport était très claire : «La seule solution réaliste pour éliminer complètement le risque pour la santé du personnel, dû aux nombreuses applications d’amiante présentes dans l’immeuble, est de l’évacuer et de transférer ses occupants vers d’autres sites.»
En 2013, l’imprimerie avait été fermée pendant trois mois après que des fibres d’amiante avaient été repérées dans l’air. En août 2015, de l’amiante avait également été décelé dans l’air du data center. La première vague de déménagements, fin 2015 (soit 40 ans après la construction du Jean-Monnet), a toutefois été décrétée trop tardivement pour deux employés, touchés par des cancers qualifiés de maladie professionnelle liée à l’amiante.

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