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Demande de liquidation pour le Benu Village


Lancé en 2017, le Benu Village a été construit afin de promouvoir l’écologie et l’économie circulaire. (photo Julien Garroy)

Finalement, la dette du Benu Village à Esch-sur-Alzette ne sera pas épongée par des fonds publics. La direction a donc demandé sa liquidation et les quarante employés souhaitent reprendre le projet.

Il y a à peine plus d’un mois, l’avenir du Benu Village d’Esch-sur-Alzette était teinté d’espoir. Du moins pour son directeur et fondateur, Georges Kieffer, qui, dans nos colonnes, se montrait confiant pour obtenir une aide de la Ville d’Esch afin d’éponger la dette d’un million d’euros contractée par son ASBL. «Le projet ne s’arrête pas là. Justement, aujourd’hui, je l’exprime, je le vis et je suis confiant» disait-il. «Il n’y a que lui qui y croyait» souffle aujourd’hui Valérie Marx, employée Benu depuis près de deux ans et amère face à l’évolution de la situation. Mercredi après-midi, le conseil d’administration du Benu Village a annoncé lancer une procédure de demande de liquidation.

Pour cause, la veille, le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement et la Ville d’Esch-sur-Alzette ont communiqué sur une analyse du dossier et les possibles solutions. Le rapport, rendu par un expert externe mandaté par le ministère, est sans appel : «les activités de l’ASBL ont connu une croissance importante des charges de 2019 à 2023, disproportionnée par rapport aux fonds disponibles» (voir encadré). Et comme réponse à cette «gestion financière peu prévoyante et en décalage avec la réalité», l’État a décidé de ne pas accorder de subvention salvatrice. À leurs yeux, cela renforcerait la dépendance de l’ASBL aux fonds publics et ne résoudrait pas les problèmes de trésorerie. À la suite de cela, mercredi après-midi, le conseil d’administration du Benu Village a annoncé lancer une procédure de demande de liquidation. «On est tellement déçus et en colère», confie Valérie, dont le quotidien vient de changer brusquement.

Dispensés de venir au travail

Avant de communiquer sur une future liquidation, la direction s’est réunie mardi à 17 h afin de prendre une première décision à la suite du rapport ministériel. Ce n’est que vers 23 h, après l’avoir appris dans la presse, que Valérie et les 39 autres employés ont reçu un mail les dispensant de venir au travail mercredi et jusqu’à nouvel ordre. «On est partis en pensant qu’on allait revenir, on ne sait même pas si c’est légal de faire ça», dit-elle. «Ça s’est passé hier parce qu’après le 15, on savait qu’ils ne pouvaient plus payer les salaires.» N’ayant pas vu le mail, certains se rendent tout de même au travail, où ils constatent de plus avoir d’accès aux serveurs. Valérie, elle, dit également ne plus avoir d’accès à son adresse mail. Sans aucune communication de la direction à ce sujet, cette attitude passe mal pour les employés et traduirait le dysfonctionnement général au sein du village.

Lorsque les problèmes financiers de l’ASBL sont révélés au grand jour, début octobre, par nos confrères du Tageblatt, les employés se seraient adressés au Conseil d’administration afin d’en discuter. «Mais ils ne nous ont pas prêté d’oreille, car ce sont des amis proches de Georges, ils ont dit qu’il était fatigué, qu’il travaillait beaucoup.» Sans possibilité de dialoguer avec la direction, les employés décident donc de se tourner vers l’OGBL afin d’écrire à la Ville d’Esch le 18 octobre dernier. Sans succès puisque, «à ce jour, l’OGBL n’a toujours pas reçu de réponse», écrit la confédération syndicale dans un communiqué également paru mardi pour signaler son inquiétude quant à l’avenir des employés. «Avec un taux d’inclusion de 32 % parmi nos employés, il y a aussi des familles qui ne peuvent pas faire quatre semaines sans avoir eu de salaire», confiait d’ailleurs Georges Kieffer. «Certains sont encore en période d’essai et n’auront pas de chômage, c’est très compliqué», fait aussi savoir la responsable de projet d’économie circulaire.

«Il faut nous tendre la main»

Pour la quarantaine d’employés et leurs familles, les prochains jours seront plus qu’incertains. «D’après ce qu’on a compris, il faut qu’on fasse faillite avant d’avoir des fonds pour l’emploi, mais on ne sait pas combien de temps ça va prendre.» Pourtant, le personnel voit déjà plus loin et commence à préparer l’après, en croyant à une reprise du projet par la Ville d’Esch. À la fin du communiqué du ministère, on peut notamment lire que les instances publiques «examinent actuellement toute opportunité de contribution à une restructuration viable», sans toutefois apporter plus de précision. «On est toujours à fond pour continuer, on aime ce projet et on ne veut pas lâcher», déclare donc avec enthousiasme Valérie. «Chaque équipe est actuellement en train de faire son business plan et on essaye de renouer le contact avec la Ville.»

Le tout sans la direction actuelle, qui serait la cause de bien des maux au Benu Village. Selon Valérie, la dette aurait notamment été causée par le directeur qui aurait «toujours refusé d’avoir une quelconque transparence financière sur nos budgets». Elle, comme d’autres, aurait réalisé des commandes sans avoir de budget : «il nous disait « Envoyez les bons de commande, je m’en occupe.«  C’était choquant.» Elle déplore également une infantilisation constante, «il nous appelle « mes petits loups« » ainsi qu’un abus d’autorité. «On n’avait pas d’emprise sur notre travail, on ne pouvait pas avoir d’initiatives. Par exemple, il passait derrière mes mails et répondait à ma place.» Certains évoquent même du harcèlement moral. Contacté par nos soins, Georges Kieffer ne nous a pas répondu. Toujours est-il que malgré la situation actuelle, «on est prêt à monter le projet du personnel, il faut nous tendre la main», lance Valérie Marx. L’avenir du Benu Village n’est donc pas encore fixé.

2 millions d’euros pour continuer

Lors de phase de lancement, de 2017 à 2019, la santé financière de l’ASBL était assurée par les subventions d’une convention entre Benu, la Ville d’Esch et l’État. Un fonctionnement qui, selon Georges Kieffer, devait être reconduit à partir de 2020 : «La première convention était parfaitement fonctionnelle. La deuxième est pareille, à la différence près que les versements de l’État ne sont jamais arrivés.» La raison invoquée par le fondateur est le changement de loi qui a interdit les subventions aux associations. Malgré cela, la promesse que le financement allait être réalisé a tenu, selon lui, jusqu’à cette année, avant d’apprendre «non pas par un biais officiel, mais par des sources du côté du ministère, que ces moyens n’allaient pas arriver». Dans son communiqué publié mercredi, le ministère déclare cependant que «ce subventionnement était ponctuel et n’avait pas vocation à être reconduit au-delà de cette phase de lancement».

Alors, l’État fustige la gestion du village dont la dette s’élève à 945 870 euros selon les comptes de l’association au 15 octobre 2023, les besoins de subventionnement étaient estimés, a minima, à 1,3 million d’euros pour redresser les comptes et à 2 millions d’euros à verser annuellement pour réaliser les activités courantes et conserver l’équipe actuelle.

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