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[Cyclisme] Le directeur sportif d’AG2R-Citroën : «J’espère que Bob Jungels continuera avec nous»


Bob Jungels et Julien Jurdie, dimanche, au moment de célébrer un succès marquant. (photo Anouk Flesch)

Julien Jurdie est le directeur sportif d’AG2R-Citroën qui a suivi de près toute l’échappée de Bob Jungels dimanche sur la route de Châtel. Il raconte de l’intérieur le retour en grâce du coureur luxembourgeois.

Julien Jurdie est directeur sportif principal de l’équipe AG2R-Citroën sur ce Tour de France. Il a tout suivi de l’exploit de Bob Jungels dans la neuvième étape, dimanche entre Aigle et Châtel. Il raconte…

Revenons sur le succès de Bob Jungels, dimanche. Vous avez tout suivi de son échappée ?

Julien Jurdie : Oui, beaucoup de personnes ont été impressionnées par le numéro de Bob dimanche. Pour resituer dans l’histoire du Tour, cela remontait à 2006 pour voir une échappée gagnante avec plus de kilomètres. Cela fait du temps. L’ensemble de la caravane du Tour a été impressionné par Bob, moi en particulier, car j’étais effectivement derrière lui pour le coacher. Bob avait de grandes sensations et c’était assez spectaculaire à suivre.

À un moment donné, vous avez pensé que cette échappée était suicidaire ?

Suicidaire non, mais beaucoup se sont demandé si ce n’était pas un peu tôt. Après, honnêtement, avec Vincent Lavenu (le manager de l’équipe AG2R-Citroën), on connaît les qualités de Bob lorsqu’il est dans de bonnes dispositions comme en ce moment. Si cela avait été un autre coureur, on aurait été plus inquiet. Il suffit de se rappeler ses victoires, comme à Liège-Bastogne-Liège (2018) où son final était impressionnant. On sait que c’est un coureur aux capacités physiques exceptionnelles. Une fois qu’il est devant, c’est une machine à écraser les pédales. Le voir rouler à cette vitesse-là dans la vallée, c’était un peu ahurissant à suivre. On était bien sûr inquiet, car il n’a jamais eu une grande marge de sécurité. On ne s’est jamais dit, il n’y aucun souci, ça va le faire. Il y avait (Thibaut) Pinot qui est revenu près, forcément, il y a eu un peu de stress, mais on sentait bien que Bob était dans sa journée. Cela nous a rassurés.

Son registre étant à part, il est à la fois grimpeur et rouleur. Comment le définissez-vous ?

Il possède un grand gabarit. Il est costaud et n’a pas un profil de grimpeur très élancé, très mince. Par contre, sa puissance est assez phénoménale, il est affûté, son rapport poids-puissance est impressionnant. Cela lui permet de monter les cols à une vitesse élevée.

Désormais, que peut-on attendre de lui dans ce Tour de France ?

Plusieurs choses : premièrement, continuer à se lancer dans des échappées lorsque le parcours lui convient, pour tenter de remporter une deuxième étape. Il garde un statut de coleader avec Aurélien Paret-Peintre pour essayer de grignoter des places au classement général. Il est seizième (NDLR : l’entretien a été réalisée mardi matin). Dans l’équipe, on a de l’affection pour le classement général. Donc Bob va essayer de se battre pour ça également.

On a beaucoup échangé. Il sentait que ça allait revenir, mais se posait des questions. Puis le déclic a eu lieu en Sierra Nevada

Dans sa carrière, avant de connaître ses problèmes de santé qui ont nécessité l’an passé une intervention chirurgicale, c’était resté son idée de tenter de disputer les classements généraux dans les grands tours. Comment voyez-vous les choses ?

Il a déjà effectué deux tops 10 sur le Giro et s’est approché du top 10 sur le Tour (11e du Tour 2018). Il a les capacités physiques et mentales pour ça. Sur ce Tour, se rapprocher des meilleurs sera très compliqué mais il peut se rapprocher du top 10.

On imagine que c’est le jour et la nuit entre le Bob Jungels d’avant son retour au premier plan et le Bob Jungels actuel…

Bien sûr. Lorsqu’on a récupéré Bob, il avait effectué une fin de saison maussade en 2019 chez Quick-Step. On a tout de suite vu en début de saison 2020 que ça n’allait pas malgré ses efforts. L’intégration s’était très bien passée. On voyait que physiquement, Bob n’était pas à son niveau, il gambergeait. On a fait les examens, on s’est aperçu de cette problématique de l’artère iliaque. Il s’est fait opérer au mois de juin 2021 des deux jambes pour se libérer de ses mauvaises sensations. En sachant que tous les coureurs qui se sont opérer ne reviennent pas à leur meilleur niveau. Il y avait donc une certaine crainte. Bob s’est reconstruit physiquement, mentalement. Il a fait beaucoup d’efforts. Il s’est beaucoup investi en début de saison. Il est parti en stage en Sierra Nevada en janvier. Malgré tout, il avait du mal à revenir et à perdre du poids. Or, on sait que pour un coureur comme ça, c’est important. Il avait aussi beaucoup de mal pour reprendre sa place dans le peloton, frotter. Il y avait beaucoup de choses à faire, les semaines avançaient et on se demandait : « quand est-ce que Bob va revenir?«  Je me souviens de discussions avec lui sur les classiques puis en stage en Sierra Nevada. On a beaucoup échangé. Il sentait que ça allait revenir mais se posait des questions. Puis le déclic a eu lieu en Sierra Nevada.

On est conscient que si on veut viser une deuxième étape, c’est surtout sur lui qu’il faudra s’appuyer

Comment ça ?

J’étais présent là-bas et c’était le seul à pouvoir accompagner Ben (O’Connor) dans les cols. Personnellement, j’ai tout de suite alerté le staff en disant : « attention, Bob revient à une bonne condition« . J’avais été honnête avec lui pour la sélection du Tour. Je lui ai dit : « tu es dans la présélection, mais à l’heure actuelle, c’était en mai, tu n’es pas encore titulaire. Tu devras confirmer des choses en course.«  Notamment sur le Tour de Suisse. C’est ce qu’il a réussi à faire. Il a eu sa sélection, on voit le résultat, ce n’est plus que du bonheur. Il faut dire qu’il s’est beaucoup investi et a su se remettre en question. Je pense qu’on l’a bien accompagné durant cette période.

Le cyclisme a beaucoup évolué ces trois dernières années, durant la période où il a eu ces difficultés. Où doit-on le classer dorénavant ?

C’est vrai que Bob est un vrai couteau suisse. Sur les classiques flandriennes, il peut être à l’aise, sur les ardennaises, aussi, il l’a démontré en remportant Liège-Bastogne-Liège. En montagne, il n’est pas ridicule et va très vite dans les chronos. Il sait tout faire, c’est intéressant d’avoir un coureur comme ça. Dans le cyclisme moderne et la course aux points, c’est important. C’est un élément majeur. Il peut marquer des points dans les classiques, dans les grands tours, dans toutes les courses par étapes. C’est un fort potentiel, j’espère qu’il continuera avec nous.

Et pour la fin de saison, vous avez déjà une idée de son programme ?

On le laissera tranquille sur ce Tour. On avait évoqué la possibilité de faire la Vuelta, cela reste une possibilité. On parlera de ça tranquillement après le Tour de France.

Pourrait-il tenter de viser une deuxième étape sur ce Tour de France vu son état de forme ?

On est conscient que si on veut viser une deuxième étape, c’est surtout sur lui qu’il faudra s’appuyer. Il reste des étapes intéressantes, mais aussi des étapes très difficiles comme mercredi et jeudi où les purs grimpeurs seront à l’ouvrage. Il faudra bien choisir nos étapes pour qu’il soit dans le match.

 

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