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Christian Weis : «Esch peut faire le lien entre les communes françaises et luxembourgeoises»


Nommé échevin en 2020, Christian Weis est désormais bourgmestre de la ville d’Esch depuis la nomination de Georges Mischo comme ministre des Sports et du Travail. (Photo : julien garroy)

Bourgmestre d’Esch depuis le 29 novembre dernier, Christian Weis revient sur les différents chantiers qui rythmeront son mandat.

Comment s’est passée la transition avec Georges Mischo ?

Christian Weis : Ça s’est passé très vite. Au moment où ça a été annoncé, j’étais encore aux États-Unis, en voyage de noces. Je suis revenu le jour de son assermentation. Georges et moi, on a une relation amicale, donc on s’est beaucoup téléphoné, on a discuté des différents dossiers. Il m’a très vite passé les clés du bureau pour que je puisse me faire ma propre idée. Même si on a l’habitude, même si on connaît bien le fonctionnement de la commune, c’était quand même un changement. Un changement assez brusque, mais qui m’a fait très plaisir.

Vous êtes devenu échevin en 2020. À l’époque, vous aviez parlé d’honneur et qu’Esch était une ville qui vous tenait énormément à cœur. On imagine que là, c’est une étape supplémentaire.

Ah oui, tout à fait. Vous savez, la seule chose que je n’ai pas faite dans cette ville, c’est d’y naître. Je suis né à Luxembourg, mais sinon j’ai passé toute ma vie ici à Esch. J’ai passé ma jeunesse dans les écoles et les clubs de cette ville. Être en quelque sorte à la tête de cette communauté formée par les citoyens et les citoyennes de la ville d’Esch, c’est un très grand honneur pour moi.

En tant que bourgmestre, quelle marque souhaitez-vous imprimer ?

J’ai deux ou trois grands sujets qui me tiennent à cœur. Je veux que l’administration soit à la hauteur des citoyens. Il faut la repenser de manière plus moderne, que nos collaborateurs soient à l’écoute des gens, les prennent au sérieux. Je ne veux pas dire qu’ils ne le faisaient pas avant, mais on se doit d’aller encore plus à la rencontre des gens. On va instaurer, à partir de mai, un nouveau système de doléances. Je suis convaincu que c’est important de ne pas être cette grande maison isolée au centre de la rue.

Ensuite, il y a la résilience, un sujet dont je parle souvent. Je suis convaincu que la politique, ce n’est plus de définir le futur et de travailler dans ce sens pour y arriver. Aujourd’hui, c’est aussi se préparer aux différents futurs possibles. Et je ne parle pas seulement des catastrophes ou des crises, mais tout simplement du vivre-ensemble. Planifier les nouveaux quartiers de façon résiliente, cela veut dire qu’on planifie les villes pour qu’elles soient utilisables de différentes manières en intégrant par exemple des places où les gens peuvent se rencontrer.

Notre politique ne doit pas consister à cacher des mendiants

Quand vous étiez échevin, vous étiez chargé de la solidarité, des affaires sociales, de la jeunesse… Ce sont des sujets que vous allez continuer à porter en tant que bourgmestre ?

Oui. Après la présentation du premier budget, les premiers commentaires dans la presse ou au conseil communal disaient que c’était un budget plus social que les années précédentes. Je ne sais pas si c’est le cas, mais je pense qu’on a dû définir les priorités différemment, en mettant en avant des projets sociaux. Je pense à la Maison de la diversité et à l’Abrisud qui doivent être réalisés dans les prochaines années.

Au moment des élections communales, le CSV parlait de créer 500 logements sociaux, notamment dans le quartier Rout Lëns qui est en train de sortir de terre. C’est aussi un des grands chantiers ?

Ce qui est un peu particulier, c’est que nous ne construisons pas nous-mêmes en tant que ville. D’ailleurs, je ne suis pas persuadé que le rôle de la ville soit de construire. Mais j’aime l’idée qu’on se concentre sur la gestion une fois qu’on a les logements. On a 300 logements sociaux qui sont prévus sur la Rout Lëns, construits par un entrepreneur, et d’autres encore prévus par la SNHBM que nous allons acquérir par la suite.

Pour le moment, nous avons 360 logements sociaux qui appartiennent à la ville auxquels il faut en rajouter 300 qui appartiennent à d’autres prestataires que sont le Fonds du logement et la SNHBM. Dans les cinq à six années à venir, nous allons ajouter 400 logements sociaux. On envisage aussi de rénover une cinquantaine de logements vides. Ensuite, je pense que pour les nouveaux quartiers comme la Metzeschmelz, il faut garder à l’esprit d’avoir 30 % de logements abordables.

Pour parler sécurité, lors des élections, le CSV était favorable à une police communale et aux caméras. Où en est-on à Esch ? 

Il y a deux pistes. La police communale, c’était dans le programme du CSV pour les élections nationales et dans le programme de coalition de la ville d’Esch. En tant que bourgmestre, j’attends que la législation soit mise en place. Je sais que le ministre de l’Intérieur travaille sur ce dossier et nous nous tenons à disposition si on peut le soutenir.

On a aussi le plan local de sécurité qui a été voté avant les communales. Ici à Esch, il implique une cinquantaine de mesures, comme par exemple l’installation de caméras. On a eu des échanges avec le ministre qui est prêt à faire avancer le dossier pour notamment en installer au niveau de la gare. Tout en sachant qu’il y a une différence entre le problème de la sécurité et la sécurité ressentie par les gens. Quand on regarde les statistiques, on n’a pas l’impression d’être dans une ville de grande criminalité.

Après beaucoup de polémiques, l’interdiction de la mendicité est entrée en vigueur à Luxembourg. Est-ce qu’une mesure similaire est prévue à Esch ?

Je ne fais pas de commentaires sur les décisions politiques de la Ville de Luxembourg. Mais quand je considère la mendicité que nous avons ici à Esch, je ne crois pas qu’il faille prendre ce genre de mesure. Notre politique ne doit pas consister à cacher des mendiants, mais plutôt à faire en sorte qu’il y ait une politique sociale autour d’eux.

Il y a eu une polémique au moment de Noël, avec l’arrêt des distributions de jetons et de fournitures par le service Streetwork à laquelle la ville avait réagi. Où en est-on aujourd’hui ?
Le service Streetwork n’était pas assez dans la rue et se trouvait la plupart du temps dans un bureau, devenant une sorte de deuxième Office social où les gens se présentaient pour recevoir un jeton pour la Stëmm. Désormais, le Streetwork est davantage sur le terrain. Il fait ses rondes dans la rue avec des partenaires comme Médecins du monde par exemple. Mais il y a toujours d’autres adresses où les gens peuvent demander des jetons.

Il faut rappeler qu’à un moment, il y avait des personnes qui venaient au Streetwork alors qu’elles auraient dû être réorientées vers l’Office social parce qu’elles avaient un toit pour passer la nuit. Au moment de cette polémique, j’ai rencontré une quinzaine de personnes qui manifestaient un soir devant la mairie. J’ai parlé avec elles et depuis le sujet n’est plus revenu.

En 2022, Georges Mischo avait rencontré le maire de Thionville, Pierre Cuny, pour signer une convention de coopération. C’est un partenariat qui va perdurer ?
J’ai rencontré Monsieur Cuny la semaine dernière. J’étais surpris de voir le nombre de frontaliers d’Esch qui viennent de la région de Thionville. Esch peut être un acteur de la Grande Région et faire le lien entre les communes françaises et luxembourgeoises et même avec le gouvernement luxembourgeois. Nous avons discuté de quelques projets sportifs et culturels. Nous avons aussi discuté des échanges entre les régions. Parce qu’Esch, c’est aussi le Pro-Sud et Monsieur Cuny est le représentant de Portes de France.

Je suis persuadé que quand nous planifions quelque chose à Esch, il faut toujours être conscient que ça a aussi un impact sur la région française. Je pense par exemple à la mobilité ou à la culture.

L’ambition, elle est là

Justement, en ce qui concerne la mobilité, un plan local a été voté en 2023. Comment va-t-il être aménagé dans les années à venir ?
Le plan local de mobilité est axé sur la mobilité douce, ce qui veut dire qu’il faut avoir des contournements et d’autres possibilités de circuler autour de la ville. Je suis persuadé que la voiture a encore son rôle à jouer dans les années à venir, mais il faut éviter qu’elle passe par les quartiers. On a lancé les premiers chantiers pour le bus à haut niveau de service qui desservira d’autres communes du Sud. Mais ce qui est toujours un peu frustrant, c’est qu’on doit d’abord passer par des chantiers comme sur le boulevard Grande-Duchesse-Charlotte. Ça cause des ennuis de mobilité en ce moment, mais une fois terminé, la situation sera meilleure.

Quel avenir pour le terrain du Benu Village qui a été mis en liquidation et a subi deux incendies ?
C’est un terrain de la ville. On parle de l’argent des contribuables, donc je pense que c’était le bon choix de ne pas continuer à investir dans des dettes. L’incendie a un peu tout changé parce qu’une partie des installations ont brûlé, mais d’autres sont encore utilisables.

On a demandé à ce que la liquidation se fasse au plus vite pour qu’on puisse récupérer le terrain. Si on reprend les structures qui n’ont pas brûlé, alors il faudra voir ce qu’on fera avec. On aimerait continuer à dédier ce terrain à l’économie circulaire.

Est-ce qu’il sera facile de concilier tous ces projets avec le budget de la ville (250 millions d’euros) et de garder des finances saines ?
C’est difficile, c’est clair. On va prendre un emprunt afin de continuer les travaux. C’est un peu un puzzle, il faut voir quel chantier on peut commencer, est-ce que les comptes le permettent. Il faut bien veiller à ce qu’il n’y ait pas trop de projets en cours en même temps. Je suis convaincu que réaliser une partie d’entre eux tout en veillant à l’équilibre du budget ordinaire, c’est déjà une belle ambition.

Mais en cinq ans, on peut bien les répartir, il ne faut pas tout faire à la fois. Donc c’est plutôt une question d’organisation que d’ambition parce que l’ambition, elle est là.