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Arnaque aux diamants : la plus grande arnaque de type pyramidal que le Luxembourg ait jamais connue


«Je me demande si le commerce de diamants n’était pas une couverture pour servir au blanchiment d’argent», s’interroge le procureur. (Photo : archives lq)

Des peines de prison et des amendes conséquentes ont été requises contre des protagonistes de «la plus grande arnaque de type pyramidal que le Luxembourg ait jamais connue».

Emmanuel a engrangé 25,8 millions d’euros grâce à des investisseurs crédules. Le quinquagénaire aujourd’hui décédé a embarqué 236 personnes dans un projet qui devait leur rapporter gros et qui finalement n’aurait profité qu’à lui, à son ancienne épouse, à son ancienne maîtresse et à un ami proche. Cet ancien forain qui se présentait comme un diamantaire reconnu toujours en transit entre Luxembourg, Anvers et Shanghai avait souscrit des emprunts auprès de ses victimes présumées pour acheter des diamants qu’il se proposait de tailler et de revendre plus cher que leur prix d’achat. Il proposait des intérêts allant de 8,8 % à 9,9 %.

L’offre était alléchante. Mais Emmanuel Abramczyk n’a jamais versé ces intérêts, ni même remboursé les prêts dans leur intégralité. Seuls 4,4 millions d’euros ont été remboursés aux clients avant la faillite de l’entreprise. Les enquêteurs de la police judiciaire n’ont même jamais trouvé la trace des diamants.

Quant à ses proches, ils ont donné l’impression à la barre de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, ces derniers jours, d’avoir eux-mêmes été abusés par le défunt, qu’ils pensaient extrêmement doué en affaires. Le trio ne se serait jamais posé de questions quant au train de vie que le défunt leur permettait d’avoir. Ils sont notamment suspectés d’avoir occupé des emplois fictifs au sein de la société Rawstone, rémunérés grâce à l’argent des investisseurs.

Plus d’une centaine de parties civiles

Après plusieurs heures d’audience consacrées aux constitutions de parties civiles – plus d’une centaine qui, en plus des sommes dues, ont demandé des dommages et intérêts – le parquet a procédé mecredi à son réquisitoire. Les victimes présumées ont versées des sommes allant de 50 000 à 500 000 euros. La première souscription à un des emprunts obligataires proposés par Emmanuel Abramczyk remonte à octobre 2012 et la dernière au 24 avril 2018. Les économies d’une vie y passent.

Après avoir rappelé l’extinction de l’action publique à l’égard du défunt pour les faits d’escroquerie, le procureur a réclamé des peines de 3 ans de prison et une amende de 100 000 euros à l’encontre de l’ancienne épouse, ainsi qu’une peine de deux ans de prison et 60 000 euros d’amende contre l’ancienne maîtresse et l’ami. Il a requis l’acquittement du garde du corps d’Emmanuel Abramczyk concernant un délit présumé en matière de gardiennage.

«Une vie parallèle»

Le magistrat est revenu sur ce qu’il a qualifié de «probablement la plus grande arnaque de type pyramidal que le Luxembourg ait jamais connu». «Le défunt s’adressait des factures à lui-même (…) pour gonfler une marge qui n’existe pas» et les prix, estime le procureur. Tout reposait sur du vent. Le seul diamant retrouvé était en verre. «Monsieur Abramczyk s’est inventé une vie parallèle» et Rawstone n’avait pas de patrimoine. L’entreprise est insolvable, c’était juste «une machine à sous», «une belle façade».

Les prévenus en ont, selon le magistrat, bien profité. Les preuves contre eux s’accumulent dans les 43 classeurs reprenant l’enquête. Emplois fictifs, abus de biens sociaux, blanchiment, recel, escroquerie, faux et usage de faux… Les préventions s’accumulent à l’encontre du trio, qui a également fait des déclarations de créances au curateur pour des arriérés de salaire et demandé des indemnités de chômage après la faillite de l’entreprise.

Aucun d’entre eux n’a travaillé pour la société qui les a engagés. Le procureur en est persuadé. Salaires, voyages, loyers, voitures de service et avantages en nature étaient payés par l’argent des souscripteurs. L’ancienne épouse ne venait que rarement au bureau et se serait essentiellement occupé de l’emploi de femmes de ménage pour le domicile privé du couple, la maîtresse aurait passé tout son temps dans le bureau de son chef et l’ami n’aurait pas de meilleurs états de service.

Un perdant devenu millionnaire

«Je me demande si le commerce de diamants n’était pas une couverture pour servir au blanchiment d’argent», s’interroge le procureur. Les prévenus auraient dû se douter de la provenance douteuse de l’argent. «Abramczyk était un perdant. Toutes les sociétés qu’il a gérées sont tombées en faillite et, d’un jour à l’autre, il devient millionnaire», note le magistrat.

«Son épouse veut nous faire croire qu’elle ne connaissait pas son époux. C’est un peu facile.» Les rapports de police mettent à mal cette parade. «Nous avons relevé des contre-vérités. Elle a essayé de manipuler des personnes.» La maîtresse pouvait ignorer que le défunt n’était pas un homme d’affaires qui accumulait les succès, mais «dans ses déclarations, elle ne cache pas en avoir bien profité».

La seule circonstance atténuante qu’il retient à leur égard est leur absence d’antécédents judiciaires. Le magistrat retient une absence de prise de conscience et de repentir ainsi qu’«aucun effort pour restituer une partie des bénéfices». Le procureur est persuadé «qu’il y a encore de l’argent quelque part» qui permettrait d’indemniser les victimes. L’une d’entre elles vit désormais dans un foyer.

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