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N5 bis : Sanem ne veut pas de la pollution de Bascharage


Bascharage est sur la route des frontaliers de Longwy et d'Aubange. Une aspiration inéluctable ? (Photo Tania Feller).

Les habitants devront s’y résoudre : le ministre n’entend pas lâcher le projet de contournement de Bascharage par le nord de Sanem. Question de santé publique.

Quand une personne commence son exposé par les recours auxquels ses interlocuteurs auront le droit… généralement, ce n’est pas bon signe. C’est exactement ce qu’il s’est passé lundi soir, lors de la consultation des habitants de Sanem, concernant l’éternel contournement de Bascharage. Devant une salle de l’Artikus à moitié pleine, François Bausch, ministre des Infrastructures et du Développement durable, a tenté de trouver une sortie au problème de circulation sur la nationale 5. «Vous aurez 30 jours pour contester à partir de la semaine prochaine, a-t-il lancé d’emblée, puis vous pourrez encore aller devant le tribunal administratif après…»

On le sait, la N5 est surchargée par les travailleurs (frontaliers ou non) qui se rendent du bassin de Pétange-Aubange-Longwy vers Luxembourg. Bascharage est en plein sur le trajet. Il est donc prévu (depuis bientôt 30 ans…) de créer un contournement par le sud de Bacharage (un tracé possible) ou par le nord de Sanem (deux tracés possibles), plus proche des habitations. Une sorte de N5 bis pour retomber sur Dippach à l’est, qui serait elle-même contournée ensuite. Problème, les habitants de Sanem ne veulent pas de cette route qui, pour les deux tracés proposés, empiète sur une zone protégée («Dreckwiss»). Et surtout, qui va dévier un trafic considérable près des habitations ! Sachant que l’on parle de 19 800 véhicules sur 24 heures dans Bascharage aujourd’hui, et de 21 200 d’ici 2020 si rien n’est fait.

Les membres du collectif No Way Sanem étaient du coup présents en masse, avec leurs casquettes barrées de slogans. «Peu importe le tracé, leur projet ne résoudra pas le problème de la circulation, estime Nadine Biot, responsable du Facebook de l’association. Bascharage continuera à avoir des bouchons, nous aurons des bouchons et Dippach aura des bouchons. Il faut créer des parkings relais pour les frontaliers et favoriser les transports en commun !»

Bascharage : pollution intenable

Problème, un responsable des Ponts et Chaussée a expliqué que l’augmentation du trafic serait trop forte pour être absorbée par une quelconque démultiplication des transports en commun. Il faut donc choisir entre les trois variantes étudiées, sachant que le statu quo rêvé par les opposants n’est pas une solution. «Au niveau de la pollution de l’air au dioxyde d’azote (No2) dans Bascharage, ne rien faire n’est plus possible.» Pour donner une idée, l’Europe a fixé un seuil de pollution maximale à 40 mg de No2 par mètre cube d’air… et Bascharage est autour de 57 mg/m3 aujourd’hui. D’où la possibilité de construire une route sur la zone protégée de Sanem d’ailleurs, car la loi exige de prouver une «nécessité supérieure». Les responsables politiques n’ont pas annoncé de tracé définitif.

Mais a priori, c’est le numéro 2 qui longe la zone d’activités Op Zaemer et la zone de nature qui sera choisi. C’est le moins coûteux (environ 55 millions d’euros), celui qui empiète le moins sur l’espace privé (88% du tracé est sur le domaine public) et surtout, qui est le plus efficace au niveau du désengorgement de Bascharage… il ne resterait plus «que» 8 900 véhicules par jour dans le centre de Bascharage. Il y aurait 18 490 véhicules par jour sur le contournement. Pas de quoi convaincre le bourgmestre de Sanem, Georges Engel, qui a rappelé que «rien que pour le rond-point de Belvaux, nous sommes à 22 000 véhicules par jour». Puis il a poursuivi : «Nous pensons que le statu quo reste la meilleure solution pour le moment. À part au niveau de la pollution de l’air à Bascharage, c’est l’option la plus raisonnable. Créer toujours plus de routes ne changera pas le problème. Il faut multiplier les transports en commun, les voitures électriques de location, les trams ou les trains…»

Dans le public, le mécontentement ne s’est pas fait attendre. Un habitant : «On a mis des années à avoir cette zone naturelle, là on détricote.» Un autre conteste les chiffres de désengorgement de Bascharage : «Vous prendriez un contournement pour perdre dix minutes vous?» Et de proposer carrément un contournement par Arlon ! Un autre : «il faut arrêter de construire des parkings à Luxembourg… Tant qu’il y aura des parkings en ville les frontaliers prendront leur voiture.» François Bausch a répondu franchement : «Moi aussi je préférerais ne pas construire de variantes. C’est cher et ça passe par une zone naturelle. Mais le No2, ce gaz notamment issu du diesel, est l’une des causes du cancer du poumon. L’Organisation mondiale de la santé dit même une valeur de 20 mg/m3… nous ne pouvons pas nous mettre la tête dans le sable.»

François Bausch a même avoué que «cette route bis ne va pas régler le problème de circulation, surtout s’il l’on veut créer toujours plus d’emplois. Et je n’ai trouvé aucune commune qui vous dira qu’elle veut moins d’emplois.» Le ministre évoquerait-il à demi-mots le débat impossible de la décroissance? Un parking relais de 2 000 places a par ailleurs été annoncé à Rodange d’ici 2020. «Je suis à l’intérieur vert (déi Greng) et à l’extérieur ministre de tous les citoyens. Nous héritons d’une situation difficile, nous faisons avec.» Bref, plutôt démoralisant pour l’avenir.

Hubert Gamelon