Le rappeur français explore des thèmes personnels dans La Fuite en avant, qui fait écho à son film Yoroï. Et s’attire au passage les foudres de… Kylian Mbappé.
Figure singulière et incontournable de la musique française, Orelsan savait son retour scruté : Civilisation avait été l’album le plus vendu en 2021 et 2022, avec des titres phares comme L’Odeur de l’essence. Pourtant, l’artiste lauréat de 12 Victoires de la musique a attendu le dernier moment pour annoncer la parution de ce cinquième opus, miroir de son long métrage Yoroï, réalisé par David Tomaszewski et actuellement en salles. Dans un univers fantastique, Aurélien Cotentin, vrai nom de l’artiste de 43 ans, tient le rôle d’une star face à ses peurs.
Plusieurs des 17 titres de cet album ponctuent le film, comme Le Pacte, incipit sans concession où le rappeur normand raconte le verso de la célébrité – «Les photos dégueulasses à ton insu» – en répétant qu’après tout, «tu l’as voulu, tu l’as eu». Les plus connaisseurs décèleront des similitudes avec des morceaux antérieurs de l’interprète de La Quête et Basique.
Ainsi, internet est croqué dans un interlude où il débite une farandole de situations et d’images – «Un chimpanzé court après un serpent» – dans lesquelles tout internaute s’est déjà laissé happer, pour mieux en «montrer l’absurdité». «Ça me faisait golri (NDLR : rigoler) d’écrire juste des trucs d’internet, de vraiment essayer de représenter ce qui se passe, de faire de l’anti-punchline», a-t-il confié lors d’une session d’écoute de l’album avec 200 fans organisée la semaine dernière par Deezer à Paris.
En grande partie réalisé par son producteur historique Skread, l’album compte cinq duos dont Yamê – qui incarne une voix intérieure démoniaque –, le rappeur SDM et Thomas Bangalter, moitié du légendaire groupe electro Daft Punk séparé depuis 2021. «Il est complètement inspiré de génériques de manga», a expliqué Orelsan, à propos de ce dernier morceau (Yoroï, comme le film) avec envolées de guitare et batterie galopante. La culture asiatique n’est jamais bien loin chez le rappeur, qui s’offre aussi une collaboration avec la chanteuse japonaise Lilas, du populaire duo Yoasobi, et une autre résolument K-pop avec le groupe féminin sud-coréen Fifty Fifty.
«Peur d’être père»
Orelsan ne s’épargne pas dans ses textes toujours incisifs, chacun porté par une thématique intime liée à son histoire. C’est le cas de Sama, un personnage de méchant «formé par le burn-out, les critiques» comme «une espèce de caricature de leader populiste où tu dis que des trucs un peu clichés mais en même temps qui sont jouissifs à entendre», décryptait-il.
Au cœur de ses appréhensions : la responsabilité de devenir père. L’album a été conçu en même temps que son fils, désormais âgé de deux ans. «Il arrive bientôt, j’serai jamais prêt / J’fais la liste des erreurs que j’pourrais faire / J’ai purement et simplement peur d’être père», s’inquiète-t-il dans Dans quelques mois.
Orelsan s’inscrit également à rebours des clichés sexistes dans Boss, où il pousse la caricature jusqu’à affirmer que, dans son couple, c’est sa compagne «le mâle alpha». «C’est quelque chose que beaucoup de gens n’osent pas s’avouer», a lancé en riant cet artiste perfectionniste, qui a réalisé huit versions de ce morceau.
Tous les fans présents à la session d’écoute ont loué un rappeur «authentique» avec lequel ils ont «grandi». «J’aime le personnage au-delà de la musique, il n’a pas changé : il reste vraiment cru s’il faut et nonchalant en même temps… choqué, mais tranquillement !», résume Maëlys Nkongue, 26 ans.
Polémique avec Mbappé
Une ligne de son album n’est pourtant pas passée auprès de Kylian Mbappé. Dans le titre La Petite Voix, Orelsan se livre à une sorte d’autocritique exacerbée où il glisse «tu vas faire couler ta ville comme les Mbappé» : une référence au club de foot de sa ville natale, le SM Caen, détenu par l’attaquant du Real Madrid depuis l’été 2024 et qui a été relégué en National (troisième division) dès le printemps suivant. «Tu es le bienvenu pour « sauver » la ville que tu aimes tant Orelsan», a rétorqué dès vendredi sur X le footballeur, en ajoutant : «PS : le mec a fait que nous supplier pour entrer avec 1 % sans payer parce qu’il a pas un rond, mais pour avoir la bonne image du petit gars de Normandie».
«Je préfère réfléchir plutôt que de répondre à chaud», a déclaré Orelsan lors d’une séance de dédicace à Caen samedi, cité par le quotidien Ouest-France. C’est dans sa ville natale que doit démarrer en janvier sa nouvelle tournée, avant de s’achever par dix concerts d’affilée à l’Accor Arena, en décembre 2026.