Nicole Kidman renverse son image de star glamour dans Babygirl, un thriller érotique nouvelle génération, qui rafraîchit un genre ringardisé par les luttes féministes.
À 57 ans, l’actrice d’Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, 1999) et Moulin Rouge (Baz Luhrmann, 2001) s’expose comme rarement dans ce nouveau rôle, qui lui a valu le prix de la meilleure actrice à la Mostra de Venise. Elle y incarne un magnat new-yorkais de la tech ayant une liaison sulfureuse avec un jeune stagiaire, qui l’entraîne dans un jeu SM soft. Peu nombreuses sont les stars de sa renommée à apparaître, comme dans l’une des quelques scènes érotiques du film, nue à l’écran, ou faisant des injections de botox.
«C’est un film sur le désir, le plaisir, les failles intérieures, le secret, le mariage, la vérité, la puissance et le consentement», avait résumé l’actrice australo-américaine lors de la présentation du film à Venise. «C’est l’histoire d’une femme et j’espère qu’elle est libératrice. Elle est racontée par une femme (NDLR : la réalisatrice et scénariste néerlandaise Halina Reijn) et à travers son regard féminin, c’est ce qui la rend si unique pour moi.»
C’est l’histoire d’une femme, racontée par une femme, et j’espère qu’elle est libératrice
Seule ombre à ce tableau de «femme forte» : sa vie sexuelle avec son mari, un directeur de théâtre joué par Antonio Banderas, 64 ans. Elle ne jouit pas avec lui et n’a jamais osé lui en parler, le film jouant sur l’image de deux icônes d’Hollywood : Kidman, figure glamour des tapis rouges, et Banderas, sex-symbol viril.
Elle rencontre un jeune stagiaire, joué par Harris Dickinson, avec lequel elle entame une liaison et qui l’entraîne dans un jeu SM soft. De quoi la plonger dans une profonde crise existentielle lorsqu’elle découvre qu’elle aime être dominée. Et mettre en péril sa carrière et son foyer, car le stagiaire menace de la faire chanter. L’acteur de 28 ans, révélé par Triangle of Sadness (Ruben Östlund, Palme d’or 2022), dit avoir relevé avec ce rôle un pari impressionnant : «J’étais fasciné par l’écriture de mon personnage, car je ne savais pas vraiment quoi en faire. Ça m’a fait un peu peur», a-t-il raconté au Los Angeles Times.
Halina Reijn est elle-même une ancienne actrice qui a tourné avec Paul Verhoeven (Black Book, 2006). «Hommes ou femmes, on a tous une bête en nous, une part de bon et une part de mauvais», a expliqué la réalisatrice, qui a voulu renouveler le thriller érotique – même si cette dernière préfère parler de «drame érotique». Le genre a fait les belles heures du cinéma des années 1980 et 1990, de Basic Instinct (du même Paul Verhoeven, 1992) aux films d’Adrian Lyne comme 9 ½ Weeks (1986) ou Fatal Attraction (1987). Mais, avec la plupart du temps des hommes derrière la caméra, ce sous-genre du thriller a pris un coup de vieux dans la foulée du mouvement #MeToo.
La question de la représentation du sexe au cinéma est devenue brûlante, souvent sous l’impulsion de réalisatrices. Les récits ont commencé à se diversifier, dans la foulée de films comme Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma, 2019) sur le désir et le regard féminins, tout comme les pratiques de tournage, avec le recours désormais systématique aux États-Unis aux coordinateurs d’intimité, comme ce fut le cas sur ce film aussi. Mais Halina Reijn a encouragé ses acteurs à jouer librement. «Pour certaines scènes, il n’y avait pas de règles. En fin de compte, il s’agit plus que toute autre chose de deux personnes qui font face au moment présent (et) leur confrontation avec leurs propres idéaux et désirs», explique Harris Dickinson.
Nicole Kidman a raconté comment le fait de tourner avec une réalisatrice lui avait permis de créer une proximité, tandis que la cinéaste a insisté sur la représentation du plaisir d’un point de vue féminin. Le film inverse quelques schémas sur les relations hommes-femmes et joue sur les fossés entre les générations. Sans toutefois ébranler les totems de la famille et du mariage, sacrés à Hollywood.
Babygirl, de Halina Reijn.