L’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve sera reçu lundi matin par Emmanuel Macron pour discuter des conditions d’une nomination à Matignon, près de deux mois après des élections législatives qui ont conduit à une Assemblée nationale sans majorité.
L’annonce de ce rendez-vous consolide le statut de favori de Bernard Cazeneuve et témoigne d’une accélération des consultations menées par Emmanuel Macron après 55 jours de crise politique. L’entourage d’Emmanuel Macron a précisé que le président devrait également s’entretenir dans la matinée avec ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Alors que son nom a circulé avec insistance pendant la semaine comme Premier ministre possible, « Bernard Cazeneuve n’est pas demandeur mais s’il le fait c’est par devoir et pour éviter des difficultés supplémentaires au pays », a expliqué son entourage, qui a annoncé cette rencontre. L’ancien ministre de l’Intérieur, au moment des attentats de 2015, et Premier ministre des derniers mois du quinquennat de François Hollande « est un homme de gauche responsable qui tiendra compte de la situation politique mais aussi économique du pays », a-t-on ajouté.
Emmanuel Macron est à la recherche d’un Premier ministre qui puisse ne pas faire l’objet d’une censure immédiate de la part des forces politiques à l’Assemblée.
C’est pour ce motif qu’il a écarté la nomination de Lucie Castets, présentée par les formations du Nouveau Front populaire (LFI-PS-Ecologistes-PCF), alliance de gauche arrivée en tête des dernières législatives.
S’il est de centre-gauche, l’ancien socialiste âgé de 61 ans a quitté le PS en 2022, opposé à l’alliance avec LFI au sein de la Nupes, et a un profil moins clivant pour la macronie, la droite et l’extrême droite.
Le chef de file du Modem François Bayrou a plaidé sur LCI pour Bernard Cazeneuve qui remplit « deux conditions essentielles: quelqu’un d’expérimenté et qui a un crédit dans l’opinion ». « Bernard Cazeneuve fait partie de la liste de profils qui me semblent être à même de rassembler au delà de son camp », a renchéri la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, invitée de « Questions politiques » sur France inter/France Télévisions/Le Monde.
Et son arrivée à Matignon pourrait fracturer les socialistes. Elle a ainsi été qualifiée de « crédible et sérieuse » samedi par la maire de Paris Anne Hidalgo.
Censure à gauche
« Bernard Cazeneuve n’est soutenu par aucun des quatre partis de gauche du pays », a répondu dimanche Manuel Bompard sur BFMTV. « Le Nouveau Front populaire s’est construit en rupture avec la politique de François Hollande, dont Bernard Cazeneuve était le Premier ministre. Nous censurerons tout gouvernement autre que celui de Lucie Castets », a-t-il réaffirmé.
Côté écologiste, l’hostilité à l’ancien maire de Cherbourg vient de son soutien à l’énergie nucléaire, et au souvenir de la mort du militant Rémi Fraisse sur le barrage de Sivens lors d’affrontements avec les forces de l’ordre en 2014. Si François Hollande ne devrait pas dissuader Emmanuel Macron de nommer Bernard Cazeneuve, tel devrait être le cas de Nicolas Sarkozy.
« Ce n’est pas la solution qui m’apparaît la plus en adéquation avec le centre de gravité de la politique française, qui est à droite », a-t-il plaidé vendredi dans Le Figaro. L’ancien président souhaite un « Premier ministre de droite » et juge que le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand serait « un bon choix ».
Mais la position de Nicolas Sarkozy n’est pas partagée par les dirigeants des Républicains, Laurent Wauquiez en tête, qui veulent arriver en opposants à la présidentielle de 2027 et refusent toute coalition ou participation au futur gouvernement. Encore faut-il aussi qu’Emmanuel Macron et Bernard Cazeneuve s’accordent sur les modalités de leur entente qui ne doit pas être « une cohabitation de confrontation » mais une « co-responsabilité » selon François Bayrou.
Selon son entourage, Bernard Cazeneuve cherchera à s’assurer que les « conditions d’un fonctionnement institutionnel normal, régulier, transparent » sont « réunies ». La réforme impopulaire sur la retraite à 64 ans fait partie des sujets délicats qui seront évoqués lors de cet entretien.
Le temps presse pour un nouveau gouvernement car le budget 2025 doit être déposé au Parlement le 1er octobre au plus tard. « Aucun gouvernement ne pourra s’exonérer de la poursuite des efforts pour réduire le déficit », a jugé le ministre démissionnaire des Comptes publics Thomas Cazenave dans Le Parisien Dimanche.
Avant le 1er octobre, le Parlement pourrait cependant être convoqué en session extraordinaire pour écouter le discours de politique générale d’un nouveau Premier ministre.