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Une ancienne exciseuse : «Je ne savais pas qu’il y avait des conséquences»


Des exciseuses repenties participent à la sensibilisation aux dangers de l’excision. (phot d'illustration Padem)

Une ancienne exciseuse investie aujourd’hui dans la sensibilisation aux dangers de l’excision témoigne de son expérience passée.

Aminata a 60 ans. Elle a pratiqué l’excision pendant de nombreuses années. Jointe par téléphone, elle témoigne depuis le Sénégal de cette expérience et de ce qui l’a poussée à arrêter.

Comment êtes-vous devenue exciseuse ?

Aminata : Ma mère était elle-même exciseuse. Je l’ai vue faire, j’ai suivi ses pas. Je l’ai d’abord aidée puis, à l’âge de 29 ans, je me suis lancée moi aussi dans cette activité génératrice de revenus.

Comment se passaient les excisions ?

Les parents amenaient leurs fillettes pour que je les excise. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de vacanciers, je n’avais donc pas affaire à des Européens qui rentraient au pays pour faire exciser leurs petites filles, mais seulement à des Mauritaniens des alentours. J’utilisais simplement une aiguille et une lame et j’excisais des bébés de moins d’un an.

L’excision a eu des conséquences sur ma propre fille

Combien de jeunes filles avez-vous excisées ?

Je n’en ai aucune idée… Une centaine ? Peut-être plus… Je n’ai jamais compté parce qu’à l’époque, je n’imaginais pas qu’un jour on me poserait des questions sur cette activité.

Qu’est-ce qui vous a fait arrêter cette pratique ?

Tout d’abord, l’excision a eu des conséquences sur ma propre fille, des conséquences dont elle souffre encore aujourd’hui même si ça va mieux. Je ne savais pas que c’était possible, parce qu’il n’y avait jamais eu de problèmes auparavant lors des excisions. Mais ma fille a eu une réaction « anormale«  : elle a perdu beaucoup de sang, elle était très fatiguée, elle a eu des troubles nerveux. Ça m’a fait peur.

Par ailleurs, lorsque je suis arrivée au Sénégal, j’ai été sensibilisée aux dangers de l’excision par des associations, qui m’ont fait prendre conscience de tous les risques. Je ne savais pas qu’il pouvait y avoir des conséquences. J’ai aussi appris que je risquais la prison, car la loi interdit cette pratique au Sénégal. Tout cela m’a fait réagir. Il y a 20 ans, j’ai donc tout arrêté, même si je n’avais pas d’autre activité.

Que faites-vous aujourd’hui ?

Je suis membre d’une association d’anciennes exciseuses et je témoigne pour sensibiliser et faire cesser cette pratique. Je suis aussi une « bajenu gox«  (NDLR : «marraine de quartier» en wolof, un programme mis en place en 2009 par le Sénégal pour promouvoir la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant). Je suis un point d’écoute pour les femmes, je les guide pour qu’elles se fassent soigner, qu’elles se rendent à la maternité par exemple.

Un corps féminin meurtri

Les mutilations génitales n’ont aucun avantage sur la santé, insiste l’OMS. Au contraire, dangereuses, elles entravent le fonctionnement de l’organisme féminin.

Les mutilations génitales peuvent avoir des conséquences immédiates :

> douleur violente;
> saignements excessifs (hémorragie);
> gonflement des tissus génitaux;
> fièvre;
> infections (tétanos ou septicémie);
> problèmes urinaires;
> problèmes de cicatrisation de la blessure;
> lésions des tissus génitaux adjacents;
> état de choc;
> décès.

Et des complications à long terme :

> problèmes urinaires (miction douloureuse, infections des voies urinaires);
> problèmes vaginaux (pertes vaginales, ulcération, vaginose bactérienne et autres infections);
> problèmes menstruels (règles douloureuses, difficultés d’écoulement du sang menstruel, etc.);
> problèmes liés aux tissus cicatriciels et chéloïdes;
> problèmes sexuels (douleur pendant les rapports sexuels, diminution du plaisir sexuel, etc.);
> risque accru de complications lors de l’accouchement (accouchement difficile, hémorragie, césarienne, nécessité de réanimer le nourrisson, etc.) et de décès des nouveau-nés;
> nécessité de pratiquer ultérieurement de nouvelles opérations chirurgicales (réouverture de l’orifice vaginal, etc.);
> problèmes psychologiques (dépression, anxiété, stress post-traumatique, faible estime de soi, etc.).

Outre les problèmes de santé que rencontrent les femmes excisées, l’OMS estime que le coût du traitement des complications des mutilations sexuelles féminines dans 27 pays à forte prévalence s’élève à 1,4 milliard de dollars par an. Ce montant devrait passer à 2,3 milliards d’ici 2047 si la prévalence reste la même – soit une augmentation de 68 % des coûts de l’inaction. Toutefois, si les pays abandonnent ces pratiques, ces coûts diminueront de 60 % au cours des 30 prochaines années.

Source : Organisation mondiale de la santé (OMS)

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