Le parti Fokus, qui souffle sa première bougie, vit sa première campagne électorale. Son président et cofondateur, Marc Ruppert (ex-DP), aime le vent de liberté qui anime le nouveau parti.
Ce n’est pas encore un raz-de-marée, disons que ce sont les premiers balbutiements, mais Fokus s’en satisfait déjà énormément. Il réussit à présenter trois listes (à Luxembourg, Sanem et Differdange) et soutient également des listes citoyennes. Autant dire que pour le jeune parti, ce test est de première importance, même si ses ambitions sont clairement à un autre niveau.
Nous nous trouvons au Limpertsberg, votre quartier, et le Glacis est idéalement placé pour y stationner. Vous ne supportez plus ce parking, visiblement, puisque vous voulez le transformer. Pourquoi et comment ?
Marc Ruppert : C’est un endroit vraiment moche. On ne le surnomme pas « dégueulassis« pour rien. Ce n’est pas très convivial comme entrée de ville, en arrivant du Kirchberg avec vue sur les toilettes publiques. Tout le monde, je pense, aimerait que le Glacis soit aménagé, mais les opinions divergent sur ses finalités. Certaines associations, avec qui nous avons échangé, ne veulent pas du tout de parking pour sortir la voiture de la ville. Beaucoup d’autres nous rappellent qu’il est nécessaire de garder des places de stationnement pour les gens qui travaillent. Nous proposons donc de mettre un parking en sous-sol, pour permettre de soulager le centre-ville et réduire le trafic.
En surface, il y a de quoi faire et j’ai visité à Nice la promenade du Paillon, et à Nantes le projet de la place de la Petite-Hollande, qui sont des pistes intéressantes. Un marché permanent, des espaces verts, des lieux de rencontres et pourquoi pas quelques logements. On ne veut surtout pas construire des blocs de logements sur tout le Glacis, comme certains l’ont faussement interprété. Nous avons simplement eu le courage de lancer le débat d’un réaménagement. Dans dix ans, le Glacis ne sera plus comme il est aujourd’hui de toute façon.
Et que faites-vous de la Schueberfouer ?
Il existe différentes options. Si on prend exemple sur Nice, cela restera une place où on accueillera des concerts, des fêtes et une Schueberfouer version réduite. Pendant la crise sanitaire du Covid-19, nous avons connu un modèle réduit et plusieurs autres sites qui proposaient des attractions. Cette formule peut être retenue. Depuis l’arrivée du tram au Glacis, elle a été réduite et en plus la piste cyclable est barrée. Elle a touché à ses limites sur ce site. On ne veut pas supprimer la Schueberfouer, mais la repenser. Déjà l’été dernier, les gens n’étaient pas contents car ils la trouvaient moins familiale, trop chère et transformée en discothèque.
En dehors de Luxembourg, vous avez des listes estampillées Fokus à Sanem et à Differdange, et vous soutenez aussi plusieurs listes citoyennes. Pourquoi n’arborent-elles pas les couleurs de votre parti ?
Des membres de Fokus ont cherché des gens pour former des listes et tout le monde sait que c’est difficile pour tous les partis de trouver des candidats, surtout dans les petites communes. Ils préfèrent restés en dehors d’un parti politique parce qu’ils s’identifient rarement à 100 % à un parti, surtout en politique communale. Lors de notre première conférence de presse, nous avions annoncé que nous voulions soutenir et encourager des listes citoyennes, mais après, c’est aussi une question de ressources. Faire la campagne avec 70 candidats, ce sera déjà assez sportif.
Auriez-vous pu envisager une liste citoyenne pour la capitale ?
Pour la Ville de Luxembourg, c’était important pour nous d’avoir une liste Fokus, nous avions l’ambition d’avoir une grande liste et nous avons été surpris de voir qu’à Sanem, ils partageaient la même envie. Une troisième a suivi à Differdange, un peu en dernière minute, et c’était plus que l’on espérait.
Père de famille. Marc Ruppert, 38 ans, est papa de trois enfants et enseignant. La politique familiale et éducative sont tout naturellement ses domaines de prédilection.
Libéral. Marc Ruppert était président des jeunes libéraux avant de remplacer Gilles Baum en tant que secrétaire général du DP en 2015.
Démission. En novembre 2017, peu après les élections communales, il démissionne de son poste au DP, refusant que les positions soient dictées d’en haut, lui qui défend la discussion et l’échange d’idées.
Création. Il participe à la création du nouveau parti Fokus en février 2022 aux côtés de Frank Engel, ancien président du CSV, Gary Kneip, ancien membre du DP, et Luc Majerus, ex-conseiller communal vert d’Esch-sur-Alzette
Candidat. Marc Ruppert est tête de liste du parti Fokus pour la Ville de Luxembourg après avoir composé une liste de 27 personnes qu’il a convaincues seul de le suivre.
Comment avez-vous élaboré votre programme pour ces élections communales? Avez-vous eu recours à une vaste consultation citoyenne que vous prônez tant ?
Jusqu’au 18 mars dernier, notre priorité, c’était le programme national. Nous avions deux grandes journées politiques avec tous les membres, et nous avons rencontré des associations. On voulait le faire avant les communales pour montrer à nos membres ce que l’on voulait faire au niveau national, car c’est ce qui intéresse ceux qui s’engagent politiquement. Demander aux gens de s’engager au niveau communal, sans connaître ce que le parti propose au niveau national, cela ne nous semblait pas pensable.
Pour les communales, nous avons ensuite élaboré un programme-cadre qui n’est pas énorme, mais qui sera encore affiné pour les trois grandes communes. Nous avons la chance d’avoir dans nos rangs Daniel Miltgen, (NDLR : ex-directeur du Fonds du logement et père de Maxime Miltgen, cotête de liste des socialistes dans la capitale) qui a beaucoup d’expérience dans la planification urbaine, il apporte beaucoup de savoir pour le programme de la capitale. Nous avons une dizaine de pages de programme pour la Ville de Luxembourg que nous allons encore discuter avec les 27 candidats.
Votre programme-cadre pour les communales propose dix leviers…
Oui, ce sont les sujets classiques, comme la mobilité, la sécurité, la qualité de vie. Les programmes de tous les partis se ressemblent, car une grande partie de la politique communale se fait par le national, raison pour laquelle nous ne voulions pas séparer les deux élections. On peut toujours parler de sécurité à Luxembourg, mais c’est surtout une compétence nationale, comme beaucoup d’autres sujets. Dans ces dix grands sujets, on veut montrer que l’on a le courage de vouloir changer les choses et le projet de transformer le Glacis en est un bon exemple, d’autant que l’exercice peut se répéter sur d’autres places, dans d’autres quartiers, dans d’autres villes. Le potentiel est là, mais personne n’ose franchir le pas pour ne pas froisser ses électeurs cibles. Nous n’en avons pas encore donc nous pouvons nous permettre cette liberté.
Demander aux gens de s’engager au niveau communal, sans connaître ce que le parti propose au niveau national, cela ne nous semblait pas pensable
La participation citoyenne, la discussion en général, c’est votre dada. Quand vous étiez au DP, vous vous êtes heurté aux limites de cet exercice. Vous n’abandonnez pas ?
C’était un autre contexte. Quand j’étais secrétaire général, le DP était déjà au gouvernement. Ils avaient leurs ministres et des professionnels pour les conseiller, et c’est comme ça que fonctionne la politique à ce niveau-là, je peux le comprendre. Je suis quelqu’un qui aime discuter, qui aime travailler en équipe et c’est pour cela que l’on est complémentaire, Frank Engel et moi. Il est expert sur des tas de sujets et il est assez impressionnant, alors que moi je suis plutôt stratège et j’aime réfléchir à des tas d’idées comme celle du Glacis qui vient de moi. Je suis enseignant, j’ai trois enfants, donc la politique familiale, l’éducation, ce sont mes domaines de prédilection et dans le parti Fokus, je peux enfin intégrer les idées que j’avais toujours défendues.
Sur la politique familiale, en effet, vous ne défendez plus le principe de la garde d’enfants tel que le DP l’avait imaginée dès son arrivée au pouvoir en 2013. Que s’est-il passé ?
L’idée en 2013 était de permettre aux mamans de poursuivre une carrière, sans avoir à l’interrompre pour s’occuper des enfants. Beaucoup de femmes ont arrêté de travailler et quand il y a eu une séparation, elles se sont retrouvées dans la précarité. La réforme du congé parental était la bienvenue. Puis, au fil des ans, quand cette coalition a entamé sa deuxième législature, on s’est aperçu que des parents voulaient aussi profiter davantage de leurs enfants.
Dans mon entourage, je connais beaucoup de mamans et de papas qui ne veulent pas arrêter de travailler, mais qui souhaitent avoir du temps pour les enfants. L’idée, comme elle est développée en Autriche, par exemple, est de pouvoir travailler à 80 ou 90 % sans perte de revenu. D’un autre côté, ceux qui réduisent leur temps de travail ne peuvent pas profiter à 100 % des services de garde gratuits. Il y a donc un choix, au moins les deux ou trois premières années de la vie de l’enfant.
Vous préconisez l’alphabétisation en français, sujet capital pour les résidents… Que pensez-vous des écoles publiques dites internationales ou européennes ?
Le concept est bon pour tous ceux qui viennent au Luxembourg en tant qu’expatriés pour quelques années, et ils sont nombreux. Malheureusement, on a créé un univers parallèle, et tout ça parce qu’on n’avait pas le courage nécessaire d’entamer les réformes qui s’imposaient dans l’école publique. Ma fille avait une camarade d’origine française à l’école fondamentale qui lui permettait de progresser en français alors que son amie progressait en luxembourgeois.
Aujourd’hui, elle est partie dans une école internationale et je ne blâme pas les parents, mais les deux camarades ne profitent plus de cet échange qui leur était bénéfique, bien plus que des cours de langue. Je comprends l’idée des écoles européennes, j’étais dans le parti à l’époque de toute cette réflexion. Claude Meisch avait tant de problèmes avec les syndicats d’enseignants, qu’il a contourné le problème en créant des écoles internationales. C’est juste dommage pour l’école publique.
La majorité de mes collègues ne sont pas opposés aux réformes, mais ils veulent être valorisés dans un travail qui l’est rarement et je ne parle pas salaires ou congés. Ils veulent participer au projet de l’éducation. Raison pour laquelle nous voulons des plans de dix ou quinze ans pour l’école, avec les autres partis, les associations et les syndicats.
Pour éviter à chaque ministre de mener sa réforme ?
Oui. Il faut garder des pistes, par exemple le rétablissement des notes ou pas. Mais la tendance veut que le ministre impose ses propres idées pour affirmer son autorité. Nous avons ces plans pluriannuels dans d’autres domaines et il serait bon d’en faire autant pour l’éducation nationale, histoire d’avoir un peu de stabilité. Il y a eu tant de changements et c’est dommage.
Retrouvez toutes nos interviews du lundi dans notre rubrique dédiée.