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Crash de la Yemenia en 2009 : amende maximale requise contre la compagnie


Agée de 12 ans en 2009, Bahia Bakari est la seule survivante du crash. (Photo AFP)

Le procès de la Yemenia Airways se tient en ce moment à Paris. La compagnie est jugée pour homicides et blessures involontaires après le crash d’un de ses avions en 2009.

La compagnie a « attendu que l’accident se produise »: l’accusation a requis jeudi à Paris l’amende maximale de 232.500 euros contre Yemenia Airways, jugée pour homicides et blessures involontaires après le crash d’un avion en 2009 au large des Comores qui avait fait 152 morts.

A la suite d’une série d’erreurs de pilotage lors de l’approche sur l’aéroport de Moroni, le vol Yemenia 626 avait heurté l’océan Indien dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, emportant avec lui 142 passagers, dont 66 Français, et 11 membres d’équipage. Seule une adolescente de 12 ans, Bahia Bakari, avait survécu.

« Des lacunes opérationnelles réelles »

La compagnie nationale yéménite « rejette de façon tout à fait commode toute la faute sur les pilotes » mais elle a « participé aux erreurs » qui ont conduit à la catastrophe, a soutenu la procureure Marie Jonca, au dernier jour de ce procès qui a débuté le 9 mai. « Vous avez dans ce cockpit deux pilotes qui ne présentent pas un niveau professionnel équivalent », le copilote ayant des « lacunes opérationnelles réelles », a estimé la représentante du ministère public. Ils « ne savent pas travailler ensemble » et « n’ont jamais été formés spécifiquement à l’approche de ce terrain si difficile et particulier de l’aéroport de Moroni », la capitale des Comores, a-t-elle poursuivi.

En outre, « vous avez deux pilotes qui vont poursuivre une approche dans des conditions délicates, de nuit, de façon règlementairement interdite (et) dans des circonstances dangereuses », à cause de la panne depuis plusieurs mois de certains feux de l’aéroport.

« Malgré ces circonstances qu’elle connaissait », la compagnie n’a pas décidé, « comme elle a pu le faire immédiatement après l’accident, d’interdire tout simplement les vols de nuit durant cette période », a souligné Marie Jonca. Si elle a poursuivi ces vols nocturnes, c’est « pour des raisons commerciales », a estimé la procureure, soulignant que la Yemenia était devenue de fait, à partir de 1999, la compagnie nationale des Comores, où elle opère en position de « monopole ».

« Respect de la vie »

Pour voyager à des prix « abordables », les Comoriens n’avaient pas « d’autre choix » que d’embarquer sur ses avions, a insisté la magistrate, parlant d’une population « prise en otage ».

Pour l’accusation, la Yemenia a commis des « omissions » et pris de « mauvaises décisions ». Elle « a attendu que l’accident se produise. La compagnie a eu une gestion réactive du risque, on attendait d’elle une gestion proactive ». En condamnant la compagnie, il s’agit de « rappeler que le respect de la vie, de l’intégrité physique de la personne humaine, n’admet strictement aucun compromis », a relevé Mme Jonca.

La peine maximum prévue par la loi française « ne sera jamais à la hauteur des douleurs et des préjudices subis par les victimes », mais « je ne vois pas comment je ne pourrais pas (la) requérir », a-t-elle résumé.

La procureure a aussi demandé la publication du jugement du tribunal sur le site internet de la compagnie, qui pourrait reprendre des vols commerciaux à la faveur d’une trêve de la guerre au Yémen. « Je veux que les gens, quand ils s’apprêteront à acheter des billets de cette compagnie, sachent véritablement ce qu’il s’est passé », a-t-elle lancé.

Une centaine de proches des victimes

Dans la grande salle d’audience, une centaine de proches des victimes sont venus écouter les réquisitions. Au premier rang était assise Bahia Bakari, 25 ans aujourd’hui, qui a survécu en s’agrippant à un débris d’avion pendant une dizaine d’heures, avant d’être secourue par un bateau.

Aucun responsable de la compagnie, qui conteste tout « manquement », n’est présent devant le tribunal correctionnel de Paris à cause de la guerre qui ravage le Yémen, selon les avocats de l’entreprise qui, comme la loi le permet, la représentent depuis le début du procès. Ils doivent plaider la relaxe dans l’après-midi.