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Miossec revient avec « Les Rescapés » et la force du survivant


Le Brestois, 53 ans, est un des grands noms de la nouvelle scène française et a, à ce titre, inspiré de nombreux artistes. (photo AFP)

Avec « Les Rescapés », son onzième album, Miossec sort ce qu’il définit lui-même comme son travail «le plus personnel musicalement» à ce jour.

En 2016, Miossec s’offrait un bel impromptu acoustique avec Mammifères qui faisait office de nouveau départ. Deux ans plus tard, ce nouveau disque (sorti le 28 septembre) confirme les bienfaits de cette renaissance.

Chez le Brestois de 53 ans, diagnostiqué en 2009 d’ataxie (maladie qui touche le cervelet) et qui ne peut plus boire d’alcool sous peine de graves complications, cohabitent désormais le pessimisme du vivant et l’espoir du survivant, comme le démontre l’emballant Nous sommes en ouverture.

«Cette chanson m’est venue après une discussion avec un ami chercheur de l’Ifremer qui étudie la coquille Saint-Jacques. Il m’a expliqué qu’avec elle on peut relever la météo de façon précise, la pollution… Mais malgré leurs statistiques attestant du réchauffement climatique, ils ont l’impression de pisser dans un violon», dit-il. «Il voulait m’embarquer à Saint-Pierre-et-Miquelon pour faire de la plongée. Je n’y suis pas allé, mais cette chanson c’était ma façon d’apporter ma contribution à son envie de sensibiliser», poursuit-il.

Le drame des migrants, le bouleversement démographique qu’il engendre et la montée de l’extrême droite qu’il provoque, préoccupent également Miossec : «On court à la catastrophe. Pour le moment, nous sommes encore des rescapés.»

Si Mammifères apparaissait comme une incursion probante dans le folk et la musique tzigane, son successeur le voit s’aventurer cette fois dans la pop. «Le précédent disque avec l’accordéon m’a conduit à vouloir faire exactement le contraire. Je voulais qu’il y ait de l’énergie, de la tenue, que ça avance. Je ne voulais pas que ce soit apitoyé ni introspectif. Du coup, j’ai pris le temps de faire un plan de bataille, tout en me cantonnant à une sorte de dogma», explique le Brestois.

«Toujours là»

Et de faire l’acquisition d’instruments vintages : synthétiseur Roland SH 1000, orgue Yamaha, mellotron, boîte à rythme Elka. Une remontée dans le temps, à une époque, le début des années 80, où la musique programmée sur ordinateur n’existait pas et où Christophe Miossec, pas encore adulte, faisait ses classes dans le groupe Printemps noir. «Ces claviers d’avant 1978, 1979, pour moi, ça respire, ça vit. Cet album c’est aussi ce que je suis, ça fait partie de mon histoire», affirme le musicien.

La Ville blanche, qui clôt avec tension l’album, illustre à double titre cet état de fait. «D’abord, il y a des accords que je jouais dans Printemps noir. Ensuite, chez moi, plein de gens me demandaient de refaire Brest (NDLR : l’un de ses principaux tubes). Je ne voulais pas. Là, ce qui est chouette c’est que peu savent que Brest est surnommée « la ville blanche » par les marins qui la voient comme ça de la mer», observe-t-il.

Si Les Rescapés est son «album le plus personnel musicalement», certaines paroles sont tout aussi intimes. Telles celles de La Mer, quand elle mord, c’est méchant, où derrière le titre enfantin se cache la tragique histoire de son grand-père maternel. «Il a disparu en mer après avoir été coulé au large de l’Égypte pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est mort parce qu’il ne savait pas nager. Il y a sa photo au cénotaphe de la pointe Saint-Mathieu, le mémorial national des marins disparus. C’est à côté de chez moi, donc il ne fallait pas que je me rate sur cette chanson», avoue-t-il.

«J’ai envoyé le texte à ma maman qui l’a renvoyé à l’association des marins disparus en mer. Le texte a été lu à voix haute… Ça m’a fait du bien de l’écrire. D’ailleurs tout repose sur cet état : être bien», poursuit celui qui dresse un bilan sans complaisance de sa propre vie dans Je suis devenu. Cette chanson, sourit-il timidement, «ça revient finalement à dire que je suis toujours là».

LQ/AFP