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[Football] Les drôles de dames d’Itzig en première ligne


Emmanuelle Franc va devoir délaisser le ballon pour le bloc opératoire, ces prochaines semaines. (photo DR)

Lisa Noesen et Emmanuelle Franc, respectivement étudiante en 6e année de médecine et infirmière, vont avoir un match bien plus vital à jouer ces prochaines semaines que ceux de Ligue 1.

Emmanuelle Franc est dans les starting-blocks. Elle effectue désormais ses footings avec un collègue et ne s’éloigne jamais du Centre hospitalier Émile-Mayrisch : même alors qu’elle s’est vu octroyer une semaine de congé prévue de longue date, elle doit pouvoir y être en moins d’une demi-heure. Le coronavirus, au Luxembourg, n’empêche pas encore de prendre des vacances, mais il enchaîne les personnels soignants à leur lieu de travail et l’attaquante de l’Entente Itzig-Cebra, 4e de Ligue 1, a d’une part des envies et surtout de l’autre, des obligations. Envie de rester en forme. Obligation de penser aux malades.

«J’ai vraiment envie d’aller bosser», balance-t-elle même, quelques jours après que les policiers du sud du pays se sont fendus d’une action hommage aux professions médicales («Ça fait plaisir») et alors que le pic de l’épidémie est attendu pour dans une grosse semaine.

Noesen dépend de deux gouvernements

Sa grande pourvoyeuse de ballons en club, la milieu de terrain Lisa Noesen, dit la chose autrement : «Je voudrais aider.» Plus «pondérée», dixit son coach, Laurent Erlinger, elle ne peut qu’espérer apporter sa contribution à l’effort national. Étudiante en sixième année de médecine à Heidelberg, elle est inscrite sur les listes nationales, parmi les quelque 8 000 retraités ou étudiants susceptibles d’être mobilisés si la pandémie et l’afflux de malades deviennent soudain difficilement contrôlables.

Il y a peu, elle a été renvoyée à la maison. Après trois mois et trois semaines de stage à l’hôpital du Kirchberg, le premier cas de coronavirus est arrivé en consultation et l’impact a été immédiat : «Tous les gens qui étaient là, à l’hôpital, pouvaient devenir des facteurs de propagation. Pour les médecins, on aurait alors été plus une charge qu’une aide.» Elle veut pourtant aider. Au point d’accepter que sa grande entrée dans la profession se fasse de manière chaotique : «Pour mes examens sur patient, tout dépend du gouvernement allemand. Je ne sais pas s’ils auront lieu dans les conditions actuelles. Mais si je dois aller aider, j’irai! Et je continuerai mes révisions sur mon temps libre.»

Pour Franc, les gardes seront longues

«Intellectuellement, Lisa, c’est l’excellence, c’est du haut de gamme», présente son entraîneur, Laurent Erlinger. «Elle est hyper-exigeante avec elle-même au football. J’imagine qu’elle est exactement pareille au travail.» Bien plus volubile, Emmanuelle Franc n’en demeure pas moins tout aussi obnubilée par ce qui arrive. Vendredi, elle s’est assise sur deux heures de ses vacances pour suivre une formation traitant de la prise en charge et de la réanimation des patients atteints de Covid-19. Emmanuelle travaille au bloc, là où la direction a réorganisé ses dix unités afin de pouvoir assumer les interventions nécessitées de manière directe ou pas par le virus. Les nuits risquent aussi d’être courtes : l’équipe d’astreinte, généralement doublée par une autre de garde n’aura pas le droit de traiter un patient «propre» en même temps qu’un patient infecté. Et il faudra systématiquement tripler les effectifs avec une autre équipe autorisée à rester la maison, en renfort. «Et j’en suis ce week-end», sourit Franc, avec fatalisme.

«Pour l’instant, on a l’air plutôt bien préparés», témoigne Lisa Noesen. «Je ne m’inquiète pas pour moi si je dois y aller. Je me fais plus de souci pour les personnes vulnérables et on en connaît tous», embraye-t-elle, elle qui a vu sa sœur jumelle rentrer dare-dare d’Espagne, où elle poursuit ses études mais qui est aussi un épicentre majeur de propagation.

«Malheureusement, on sait que ça vient»

Mais même au bord du précipice, ces deux femmes «investies», comme les voit leur coach, n’arrivent pourtant pas à décrocher de l’autre partie de leur vie. Le foot.

«Je reviens d’une petite course tranquille et je vais faire des abdos», balance Emmanuelle Franc. «Moi, ce qui m’énerve le plus, c’est qu’il n’y ait plus de foot. Ça me permet généralement de tout oublier», râle Lisa Noesen, qui a visiblement besoin de se vider la tête. «Elle devrait être internationale mais a décidé de privilégier ses études et ses amies de club. Pourtant, cette fille-là, physiquement, est incroyable. Si je l’amenais à l’entraînement de la Jeunesse (NDLR : Erlinger s’occupe de la préparation physique à la Vieille Dame), d’un point de vue athlétique, elle serait facilement dans les cinq premiers.» Malgré les études. Et, malheureusement, malgré le coronavirus. «Là, malheureusement, on sait bien que ça vient, avoue Emmanuelle Franc. On le sent»…

Julien Mollereau

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