Accueil | Sport national | [Cyclisme] Ed Buchette : «L’UCI a été très sage»

[Cyclisme] Ed Buchette : «L’UCI a été très sage»


Ed Buchette estime que le remaniement du calendrier pourrait profiter au Skoda Tour. (Photo : Luis Mangorrinha)

Membre de la Commission Route à l’Union cycliste internationale, le Luxembourgeois évoque le remaniement du calendrier, le report de la Grande Boucle mais aussi le Skoda Tour.

Depuis 2005, vous siégez à la Commission Route de l’UCI en tant que représentant des organisateurs et êtes aussi membre de l’Association internationale des organisateurs de courses cyclistes (AIOCC). Concrètement, quelles sont vos fonctions dans l’élaboration d’un calendrier ?
Ed Buchette : Pour ce qui est des épreuves WorldTour, le Conseil du cyclisme professionnel (CCP) se charge d’établir le calendrier des épreuves WorldTour. La Commission Route présente ensuite le calendrier, avec les autres compétitions, au comité directeur de l’UCI qui est libre de le valider ou non.

Ces dernières semaines, il a été beaucoup question de l’élaboration d’un nouveau calendrier pour cette saison 2020. N’avait-il pas des airs de casse-tête chinois ?
D’ordinaire, au mois d’avril, les fédérations nous transmettent les demandes des différentes épreuves pour l’année suivante. C’est un travail important. L’an dernier, et au vu du nombre grandissant de courses, on souhaitait avoir une vision sur trois ans. Et ce notamment par rapport aux Grands Tours. C’est mal parti…

Pourquoi ?
Parce que le report des JO-2020 par le CIO nous contraint à avancer d’une semaine le Tour de France 2021 prévu initialement du 2 au 25 juillet et dont le grand départ doit se faire de Copenhague. En effet, les Jeux de Tokyo doivent débuter le 23 juillet. Et, de tradition, l’épreuve cycliste se déroule toujours le premier jour des JO.

N’est-il pas envisageable de la décaler durant la quinzaine olympique ?
Non, car le cyclisme est la seule épreuve qui permet à la ville hôte des Jeux de dévoiler ses charmes. Et c’est pour cette raison que le cyclisme se déroule toujours lors de la première journée. Ceci dit, on va devoir avec mes amis danois avancer le départ du Tour-2021 d’une semaine. Ça fait douze ans qu’on prépare cette édition, alors, vous me direz, s’il faut la décaler de quelques jours, on le fera. Il faut juste mettre un peu d’eau dans son vin, car c’est regrettable que le CIO prenne une telle décision sans consulter personne.

L’UCI a annoncé, mercredi, le report d’un mois de la Grande Boucle. Vous attendiez-vous à cela il y a quelques semaines ?
Quand on est luxembourgeois, l’avantage que l’on a par rapport à nos camarades français, allemands ou italiens, c’est que l’on regarde ce qui se passe ailleurs. Début mars, lorsqu’il a été question pour la première fois de confinement, j’ai profité d’une réunion pour dire qu’il serait peut-être intéressant de repenser le calendrier 2020, ça en a fait rire quelques-uns. Le lendemain, Milan-San Remo était reporté…

Pour l’instant, on travaille comme si tout ce que l’on est en train de mettre en place se déroulera comme prévu

Durant cette période, et alors que nombreux sont ceux qui s’interrogeaient sur les contours de la suite de cette saison, l’UCI semble avoir pris son temps…
Oui, elle s’est montrée très sage et a préféré attendre de voir l’évolution de la situation avant d’établir un nouveau calendrier. Le comité directeur de l’UCI et son président, David Lappartient, ont rappelé que la priorité serait donnée aux trois grands Tours et aux cinq Monuments*.

Avec, comme pierre angulaire, le Tour de France…
Oui et c’est normal, le Tour de France, c’est 70 % de la visibilité totale d’une équipe, et donc des sponsors, sur l’ensemble du calendrier.

L’UCI a-t-elle envisagé l’annulation du Tour de France ?
En tant qu’instance dirigeante, l’UCI n’a pas le pouvoir d’annuler à proprement parler une épreuve. Sauf si celle-ci n’est pas conforme à son règlement. Pour l’heure, toutes les compétitions internationales sont suspendues jusqu’au 1er juillet. Et les épreuves WorldTour jusqu’au 1er août. Quant au Tour de France, on a conscience que son déroulement, comme le reste de la saison, dépend de l’évolution de la crise sanitaire liée au coronavirus.

Sur le plan personnel, qu’en pensez-vous?
J’étais responsable des forêts à la Ville de Luxembourg et mon expérience m’a appris qu’un événement inattendu avait toujours des conséquences. Et, souvent, un deuxième épisode. D’ailleurs, les spécialistes évoquent une possible deuxième vague liée au coronavirus. Quand se produirait-elle? On n’en sait rien. Alors, pour l’instant, on travaille comme si tout ce que l’on est en train de mettre en place se déroulera comme prévu. Après, qu’en sera-t-il de la réouverture ou non de certaines frontières? Là aussi, c’est l’inconnue…

Ces dernières semaines, des rumeurs faisaient état d’une possible réduction à deux semaines du Giro et de la Vuelta. Qu’en était-il exactement ?
Ce sujet me fait revenir bien des années en arrière. En 2003, lors de la création du circuit WorldTour (NDLR : Pro Tour à l’époque), une guerre s’était mise en place entre l’UCI, dirigée alors par Hein Verbruggen, et les principaux organisateurs. Verbruggen souhaitait justement réduire la durée du Giro et de la Vuelta. Ces dernières semaines, en raison de la situation exceptionnelle que nous traversons, nous aurions pu estimer légitime de réduire telle ou telle épreuve, mais je suis d’avis qu’il ne faut pas tirer sur une ambulance… On a donc préféré rallonger la saison d’un mois, soit jusqu’à la mi-novembre.

Malgré cette prolongation, la saison s’annonce particulièrement dense…
C’est vrai, mais les équipes ont donné leur accord en affirmant pouvoir s’aligner sur trois épreuves en même temps.

David Lappartient, le président de l’UCI, se réjouissait de l’accord trouvé entre les organisateurs, les équipes et les coureurs. On imagine qu’il a fallu ménager les intérêts des uns et des autres…
Comme nous travaillons avec des représentants de chaque partie, c’est plus facile, car ils doivent déjà parvenir eux-mêmes à une union. Après, le vélo, c’est quand même une grande famille. Tout le monde est sur le même bateau. Alors mieux vaut être unis avant d’affronter de grosses vagues…

Peut-on imaginer organiser le Ronde durant le Giro? Dans ce cas, il ne faudrait pas que ce soit le jour d’une étape importante…

La priorité est donc donnée aux trois grands Tour et aux Monuments. Ces derniers doivent-ils se dérouler dans l’ordre initial ou non ?
La difficulté est de savoir où placer telle ou telle course. Par exemple, un coureur qui vise le Tour des Flandres ne visera pas le Giro par exemple. Dès lors, peut-on imaginer organiser le Ronde durant le Giro? Dans ce cas, il ne faudrait pas que ce soit le jour d’une étape importante… Après, pour ce qui est de l’ordre chronologique des Monuments, vous savez, voir un Tour des Flandres en octobre reste quelque chose d’incongru. Pourquoi? Parce que le Tour des Flandres, c’est le vent, et malgré la fraîcheur, il y règne une lumière et un souffle qui annonce les beaux jours. Il s’agit d’une renaissance. Le Tour de Lombardie, par exemple, avec ses feuilles mortes, ses arbres rougeâtres, sonnent la fin de la saison. Après ça, on sait qu’on va ranger le vélo au garage.

C’est un brin poétique…
Mais la poésie, c’est la vie ! Il y a des rituels importants. Par exemple, milan-San Remo, c’est formidable. C’est là que les grands coureurs se donnent rendez-vous pour la première fois de la saison. Le Het Volk, appelé aujourd’hui le Het Nieuwsblad, c’est là que tu négocies la venue de l’un ou l’autre coureur sur ton épreuve. Bien sûr, on pourrait faire ça de manière numérique, mais ça n’a quand même pas le même charme…

En raison de la refonte du calendrier, le Skoda Tour se tiendra lors de la troisième semaine du Tour de France. Bonne ou mauvaise chose ?
Sincèrement, si un organisateur venait me demander conseil, je lui dirais que c’est une bonne date. Pourquoi, parce qu’il y a 600 coureurs WorldTour et qu’il n’y en a que 150 au départ du Tour. Ça laisse entrevoir un beau plateau…

D’autant plus pour ceux qui souhaitent préparer le Giro par exemple, non ?
Oui, mais aussi les Mondiaux qu’il était impossible de décaler en raison de la logistique que cela aurait demandée.

N’aurait-il pas été possible de décaler le contre-la-montre messieurs prévu le 20 septembre ?
C’est une très bonne question. L’an passé, certains coureurs avaient fait l’impasse sur le chrono mixte, prévu le dimanche, pour se focaliser sur leur chrono du samedi. Cette année, on a décidé d’inverser les deux épreuves afin de valoriser le cyclisme féminin. Et il ne faudrait pas se servir du coronavirus comme d’un prétexte pour mettre encore une fois le cyclisme féminin au second plan. Une chose est sûre, Marianne Vos (NDLR : représentante des coureurs et membre de la commission des athlètes) ne manquerait pas de se faire entendre et elle aurait bien raison.

Pour en revenir au Tour de Luxembourg, vous n’êtes pas inquiet ?
J’ai Benoît (NDLR : Theisen, secrétaire du Skoda Tour) tous les jours au téléphone et je sais qu’il met tout en place pour mettre sur pied la plus belle épreuve possible. Et puis, l’un des atouts du Luxembourg, c’est sa superficie. C’est l’occasion de disputer un Tour confiné (il rit)

Entretien avec Charles Michel

* Milan-San Remo, Liège-Bastogne-Liège, Tour des Flandres, Paris-Roubaix et Tour de Lombardie.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.