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Viviane Ecker : « Il y a une tendance à la politisation du Conseil d’État »


«Nous livrons un avis sur un premier texte et ensuite nous ne pouvons pas vérifier les changements qu'il comporte. C'est illogique», déplore Viviane Ecker. (photo Hervé Montaigu)

Viviane Ecker (LSAP) fait le point sur la réforme de l’institution qu’elle préside, le Conseil d’État. Elle observe une nette tendance à la politisation de la haute corporation et le regrette.

Le Conseil d’État a rendu, avant les vacances de Noël, son avis sur le projet de loi portant réforme du Conseil d’État. Il a émis une seule opposition formelle, mais observe surtout cette tendance à la politisation qu’il a toujours voulu éviter.

Le Quotidien : Le Conseil d’État a rendu son avis sur le texte qui entend le réformer. A-t-il été étroitement lié à l’élaboration du projet de loi et attendait-il cette réforme?

Viviane Ecker : Oui, nous attendions cette réforme. Nous avons déjà eu dans le passé des échanges interinstitutionnels avec le président de la Chambre des députés et avec le Premier ministre pour en discuter. Puis le gouvernement a consulté les différents partis politiques pour écouter leurs doléances. Le projet de réforme est donc le fruit de ces consultations.

C’est surtout dans le système de nomination que les changements étaient attendus. Que change le texte dans ce domaine?

Il faut d’abord préciser qu’il y avait, d’un côté, une proposition de loi et, de l’autre, un projet de loi. La proposition de loi de Paul-Henri Meyers prévoyait que toutes les nominations soient faites sur proposition de la Chambre des députés, ce que le gouvernement a refusé, aussi bien l’ancien que l’actuel. Nous conservons donc le système actuel de nomination à savoir que le remplacement d’un conseiller d’État se fait alternativement sur proposition de la Chambre, du gouvernement et du Conseil d’État.

Il y a cette petite phrase toutefois dans le projet de loi qui dit en substance que la composition du Conseil d’État doit être adaptée de manière à assurer une représentativité équitable des courants politiques siégeant à la Chambre des députés. Le Conseil d’État reflétera davantage l’image de la Chambre des députés, et à partir de trois députés, un parti peut avoir son représentant. Concrètement, l’ADR aura droit à un conseiller d’État. Or nous ne sommes pas une reproduction de la Chambre des députés, nous ne sommes pas une deuxième Chambre, mais nous nous en approchons de plus en plus.

Vous n’êtes pas une deuxième Chambre, mais vous remplissez quand même ce rôle « en apparence », comme le souligne votre avis…

Oui, bien sûr, nous le remplissons par la dispense du second vote et nous faisons d’ailleurs partie de l’Association des Sénats d’Europe. Cependant, personne ne veut que nous soyons un Sénat et nous ne l’avons jamais demandé non plus. Il nous est impossible de faire des oppositions formelles pour des raisons politiques, mais uniquement pour des raisons techniques ou de norme supérieure. Alors, évidemment, on observe une contradiction, parce que, d’un côté, les partis politiques, au cours des discussions, revendiquaient une meilleure représentativité politique et, de l’autre, ils ne voulaient pas que les avis du Conseil d’État puissent avoir une connotation politique. Cherchez l’erreur…

Ce projet de réforme modifie également la publicité concernant la répartition des votes émis pour l’adoption des avis. En quoi est-ce important?

Si l’on regarde le projet de loi comme un tout, on voit cette tendance à la politisation. Or si le texte dit que les votes doivent être rendus publics, même de manière anonyme, nous craignons quand même que les personnes soient plus attachées à la position de leur parti, lequel cherchera forcément à savoir qui a voté pour ou contre. Nous sommes d’avis, comme nous l’écrivons, que la publicité peut être envisagée en cas de positions divergentes. Nous sommes toujours unanimes, car ce que nous recherchons c’est un avis collégial. Dans les très rares cas contraires où il y a des opinions divergentes, nous sommes disposés à donner la répartition des voix.

Dans le passé, nous avons eu des opinions divergentes et cette situation a donné lieu à deux avis, un majoritaire et un autre minoritaire. La dernière en date s’est présentée lors du vote relatif au mariage homosexuel et tout le monde voulait savoir qui soutenait l’avis minoritaire… Nous suggérons que le Conseil d’État, quand il délibère en séance plénière publique sur l’accord à donner à la dispense du second vote constitutionnel, rende la répartition des votes publique. De cette façon, tout le monde peut voir comment votent les membres, mais au moment de ce vote, l’avis est déjà formulé. Ce que nous voulons éviter, c’est la mise en danger de notre indépendance pendant la procédure.

Le projet de loi comporte-t-il d’autres aspects qui pourraient porter préjudice à cette indépendance?

La limitation en ce qui concerne la durée des mandats des membres du bureau et du président, par exemple. Or ce choix du législateur de vouloir à tout prix assurer une rotation plus fréquente en limitant le mandat à 12 ans au lieu de 15, se fera au détriment de l’expérience et de la continuité dans le travail du Conseil d’État. Et cette rotation participe à cette politisation qui marque tout le projet de réforme.

Geneviève Montaigu

Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans Le Quotidien du lundi 11 janvier.

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