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Transition climatique : la roue tourne enfin au Luxembourg


«Le changement climatique se fait clairement ressentir», a souligné hier la ministre Carole Dieschbourg aux côtés de son collègue Claude Turmes. (Photo : didier sylvestre)

Le Luxembourg a réussi à accomplir son objectif de réduction de CO2 pour l’année 2020. Grâce à la pandémie? La question reste ouverte. L’urgence climatique n’est pas atténuée pour autant.

La ministre de l’Environnement n’a pas été en mesure de livrer une explication très claire en annonçant, mardi matin, que le Luxembourg a réussi à respecter, et même dépasser, l’objectif en matière de réduction de gaz à effet de serre pour l’année 2020. « Il s’agit d’une année exceptionnelle en raison de la pandémie de coronavirus. Le résultat est un peu tronqué », admet tout d’abord Carole Dieschbourg.

Quel a donc été en fin de compte l’impact du confinement au printemps 2020? « Il est difficile de répondre à cette question. Beaucoup de choses étaient déjà en place pour réduire les émissions de CO2. En tout état de cause, le résultat obtenu constitue une bonne base pour faire perdurer la dynamique engagée », reprend la ministre déi gréng.

Place à l’action

Plus concrètement, le Grand-Duché a réussi à réduire de 22 % ses émissions pour atteindre un total de 7,86 millions de tonnes de CO2. L’année de référence reste 2005. L’objectif initial pour l’année 2020 était d’atteindre 8,1 millions de tonnes de CO2, soit une diminution de 20 % des émissions. Le point de départ fixé par la Commission européenne se situe à 8,2 millions de tonnes de gaz à effet de serre. D’ici 2030, le Luxembourg vise à réduire ses émissions à 4,6 millions de tonnes, soit une baisse de 55 %. La neutralité carbone doit être atteinte pour 2050.

Désormais, le gouvernement veut soumettre tous les ans en amont de la conférence mondiale sur le climat (COP) un bilan intermédiaire de ses efforts pour lutter contre le changement climatique. Le cadre légal et institutionnel est fin prêt pour aller de l’avant. « Il ne s’agit pas de lieux où l’on va parler dans le vide. Les différentes entités créées sont appelées à prendre des initiatives, tout comme proposer des mesures et les évaluer », insiste Carole Dieschbourg. La fédération des industriels (Fedil) avait notamment insisté pour que les discussions laissent enfin place à l’action.

La ministre de l’Environnement se dit pleinement consciente de l’urgence climatique, mais ne veut pas renoncer à un échange régulier avec les autres ministères concernés (Finances, Économie, Agriculture…) tout comme avec les acteurs de terrain (industrie, ONG…). « Notre arsenal est en place dix mois à peine après le vote de la loi climat » , souligne Carole Dieschbourg.

Les dix années les plus chaudes entre 2002 et 2020

Le compte à rebours pour atteindre le cap de 2030 est lancé. Les constats suivants ont été établis hier : la température moyenne enregistrée au Luxembourg a augmenté de 1,6 °C par rapport à l’ère préindustrielle ; les dix années les plus chaudes ont toutes été enregistrées entre 2002 et 2020 ; le nombre de jours avec de fortes précipitations est en hausse, tout comme les périodes de sécheresse. « Le changement climatique se fait clairement ressentir », affirme la ministre de l’Environnement.

Pour inverser la vapeur, le gouvernement a fixé des objectifs sectoriels de réduction des émissions de CO2.

Également présent mardi, le ministre de l’Énergie, Claude Turmes, a passé en revue les mesures qui ont déjà été prises. Le transport reste de loin le secteur avec le pire bilan carbone. « La réduction des émissions est engagée, grâce aussi à la taxe carbone qui nous a permis de mieux maîtriser le tourisme à la pompe. Nous restons toutefois le pays avec le plus de véhicules à énergie fossile », avance l’ancien eurodéputé.

Les prochaines étapes majeures viseront à rendre plus vertes les voitures en leasing et à décarboner le secteur logistique. « Il nous faudra équiper les grandes aires autoroutières avec les infrastructures nécessaires pour alimenter les camions électriques ou roulant à l’hydrogène », prévient Claude Turmes.

Dans le bâtiment, toutes les nouvelles constructions devront être équipées dès 2023 de systèmes de chauffage non fossiles. En parallèle, le gouvernement prévoit de ne plus investir dans de nouveaux réseaux pour la distribution du gaz. « Pour réussir ce virage, il nous faudra toutefois disposer d’un nombre suffisant d’artisans formés dans le domaine des énergies renouvelables », fait remarquer le ministre.

L’achat de quotas est exclu

La décarbonation de l’industrie constitue un autre objectif majeur. Claude Turmes a salué mardi le catalogue de propositions dévoilé la semaine dernière par la Fedil. Si la taxation progressive du CO2 est écartée, le ministre de l’Énergie est pleinement d’accord avec la revendication d’assouplir les règles européennes pour permettre aux États membres d’aider davantage au financement de la transition écologique et énergétique du secteur industriel.

Il existerait déjà une ouverture de la part de la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager. « Le bon cadre pour l’aide à l’investissement doit être donné afin de permettre à l’industrie de supporter les coûts supplémentaires. Le modèle de financement de projets pour produire de l’énergie renouvelable (NDLR : Carbon contract for difference) pourrait servir de base pour cette nouvelle avancée », développe le ministre déi gréng. Une entrevue avec la Fedil doit avoir lieu sous peu.

Carole Dieschbourg et Claude Turmes continuent de croire à la réalisation des objectifs climatiques pour 2030 sans devoir recourir à l’acquisition de quotas d’émissions. « Aller acheter des quotas sans faire nos devoirs à domicile n’est pas une option. Le temps de l’acquisition de quotas de CO2 devrait d’ailleurs être révolu », avance la ministre de l’Environnement, non sans préciser que « les accords entre États en matière de coopération énergétique restent bien entendu possibles ».

Taxation du CO2 : la Constitution freine la Fedil

Interrogé lundi dans nos colonnes, le directeur de la Fedil a revendiqué l’introduction d’une taxation progressive des émissions de gaz à effet de serre pour la seule industrie. « L’idée est de ne pas taxer la première moitié des émissions, mais de doubler la taxation sur la deuxième tranche. Un tel mécanisme peut amener les entreprises à faire des efforts supplémentaires », argumentait René Winkin.

Interrogé sur la proposition, le ministre de l’Énergie, Claude Turmes, a rapidement écarté l’idée : « Déjà, l’appareil administratif supplémentaire à mettre en place ne permettrait pas d’introduire une telle taxe. » Selon André Weidenhaupt, premier conseiller de gouvernement au ministère de l’Environnement, un autre facteur rend impossible une taxe spécifique sur le CO2. « Cette taxe est à considérer comme un impôt et doit donc respecter le principe d’égalité de traitement fixé par la Constitution », explique le haut fonctionnaire.

L’idée d’une taxation spécifique pour l’industrie serait contraire à l’article 101 de la loi suprême qui dispose qu’« il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts ».

David Marques