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Santé mentale au Luxembourg : le difficile accès aux soins


Les délais pour un rendez-vous chez le psychiatre sont très longs, de l'ordre de trois mois. (illustration Adobe Stock)

L’évaluation du plan national de prévention du suicide confirme le problème de l’accès aux soins de santé mentale au Luxembourg et une gouvernance défaillante.

Il est toujours difficile d’accéder aux soins de santé mentale et cela reste un des gros points faibles relevés lors de l’évaluation du plan national de prévention de suicide au Luxembourg (PNPSL). Couvrant la période 2015-2019, ce plan a néanmoins apporté de nombreuses améliorations dans la prévention du suicide ne serait-ce que par la collecte de données épidémiologiques de santé mentale qui permet de mieux cerner le problème et donc de mieux pouvoir y répondre. Cette évaluation a permis de rassembler l’ensemble des données de la santé mentale au Luxembourg.

Globalement, il est observé une tendance à la baisse du nombre de suicides, notamment pour le taux de mortalité qui tient compte de l’augmentation de la population. Mais les données sont à prendre avec précaution «compte tenu des petits chiffres observés au Luxembourg», soit un taux de mortalité dû au suicide de 11,1 pour 100 000 habitants en 2017.

Élaborée par la consultante indépendante Véronique Louazel, chargée d’études en santé publique auprès d’Itinere conseil (France), cette évaluation met en lumière un premier problème de taille à travers une première question pourtant essentielle : où orienter la personne qui a des idées noires et qui a besoin d’un accompagnement ? Les délais pour un rendez-vous chez le psychiatre sont très longs, de l’ordre de trois mois et les services d’urgence sont «inadaptés aux besoins, notamment pour les personnes avec des idées noires, les personnes âgées ou en situation de handicap, les patients avec des troubles de la personnalité, etc.», relève Véronique Louazel.

Cibler les personnels

Les soins en psychothérapie restent chers, les médecins généralistes qui devraient en première ligne pour détecter un problème de santé mentale manque de temps et n’ont pas toujours la formation adéquate.  Les salariés ont du mal à s’adresser à un médecin du travail par crainte qu’il soit lié à son employeur et le secteur des services extrahospitaliers conventionnés a connu peu de développement ces dernières années. La prise en charge de la santé mentale va mal au Luxembourg, ce n’est plus un secret.

Le plan aura eu toutefois le mérite de mener de nombreuses campagnes de sensibilisation et de porter une attention particulière à la formation pour repérer les signes d’alarme de la crise suicidaire. Actuellement, plus de 1 000 personnes ont suivi cette formation organisée par le Centre d’information et de prévention (CIP) de la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale. Néanmoins, l’évaluation révèle qu’il est nécessaire de cibler le personnel enseignant comme les professionnels de santé exerçant en libéral.

Autre faiblesse : la gouvernance. «La prévention du suicide demande une coordination interministérielle qui a fait défaut pendant la durée du plan», indique la consultante. Elle aurait permis d’articuler les différents plans ou actions présentant un impact sur la santé mentale et de mettre en œuvre de façon intersectorielle les actions du plan. Une telle gouvernance n’a pas été budgétisé dans le plan, relève d’ailleurs Véronique Louazel.

Nettes améliorations

Ce plan qui se décline en 33 actions présente aussi de nombreux points forts. Les campagnes de sensibilisation ont nettement progressé qui ont permis de livrer des informations à destination de la population en général. Selon les sondages réalisés dans le cadre de cette évaluation,  63 % des personnes interrogées se souviennent de la campagne «Dépression» (plutôt les femmes et principalement grâce aux affiches des cabinets médicaux). La semaine de la santé mentale ainsi que les outils spécifiques créés à destination des secteurs généralistes (guide école, guide famille, formations, etc.) sont des actions qui ont porté leurs fruits et elles seront poursuivies.

«Il n’existe pas de hiérarchie entre la santé mentale et la santé physique», déclare la ministre de la Santé, Paulette Lenert qui compte investir dans l’accompagnement. Sur les 33 actions décrites dans le PNPSL, 19 actions ont abouti ou sont en phase de réalisation et les 14 autres sont toujours en attente ou non abouties par manque de ressources humaines au centre de prévention et d’information et au niveau des instances de gouvernance. «Chacun a un rôle important à jouer dans la prévention du suicide, en commençant par les structures de santé, les écoles, mais aussi le monde de l’entreprise et la communauté au sens large», rappelle Paulette Lenert.

La santé mentale sera un des piliers de la stratégie nationale de santé qui sera développée et présentée au cours de l’année 2021 alors que l’accès aux soins spécifiques reste une question à travailler collectivement avec tous les secteurs impliqués. Comme le souligne la consultante Véronique Louazel, «cette question reste entière».

Geneviève Montaigu

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