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Robert Goebbels au chevet de Schengen : « Le nationalisme, c’est la guerre »


Robert Goebbels (ici lors de la cérémonie à l'occasion du 30e anniversaire de Schengen en juin 2015) a du mal à «imaginer une Europe où la seule liberté subsistante serait celle de la libre circulation du capital». (photo H.M.)

Invité de l’ASBL Cercle économique Luxembourg, réunie à Schengen jeudi soir, l’ancien ministre Robert Goebbels met en garde contre l’Europe des nationalismes.

Devant une trentaine d’entrepreneurs, réunis pour l’occasion dans les locaux d’un domaine viticole signé François Valentiny, l’ancien journaliste, homme politique et eurodéputé Robert Goebbels, de sa voix de baryton, est remonté au pied levé aux origines de ce que certains appellent son «bébé», c’est- à-dire à 1984, lorsque secrétaire d’État sous Jacques Poos, il est devenu l’un des cosignataires du premier accord de Schengen entre la France, l’Allemagne de l’Ouest et les pays du Benelux.

L’idée de la France et de l’Allemagne de flexibiliser les contrôles aux frontières en vue de leur abolition, après avoir échoué face au veto de la Grande-Bretagne, allait finalement être réalisée à l’initiative du Benelux, présidé à l’époque par le Luxembourg, avec au centre de l’attention, Robert Goebbels. Comme ce dernier l’a expliqué vendredi, le choix géographique de Schengen pour la signature de l’accord (qui entrera en vigueur dix ans plus tard, le 26 mars 1995) a été symbolique, la signature elle-même ayant eu lieu sur un «bateau ancré dans la Moselle, condominium en partage entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg» .

Des dynamiques nées avec la crise des réfugiés

Cette poétique de la construction européenne semble bien pâle aujourd’hui où le Vieux Continent, mis à l’épreuve par l’afflux sans précédent de réfugiés réclamant pour leur compte les droits universels dont il s’était fait l’avocat dans le monde, cède à nouveau aux tentations nationalistes, à une volonté de repli sur soi.

Or, met en garde Robert Goebbels, un rétablissement des contrôles aux frontières, au-delà des exceptions prévues par les accords de Schengen, aurait des «dégâts économiques considérables» . La libre circulation, mis à part celle des personnes, est aussi celle des marchandises et des services. Les Luxembourgeois habitués à faire leurs courses à Trèves le savent. «Personnellement, j’ai du mal à m’imaginer une Europe où la seule liberté subsistante serait celle de la libre circulation du capital», a estimé le socialiste pour qui les dynamiques observées en Europe ont seulement surgi avec la crise des réfugiés.

«Les gens sont tiraillés entre les images de réfugiés noyés qui provoquent leur compassion et les flux énormes de migrants. À quoi s’ajoutent les attentats de Paris et les évènements de Cologne, qui créent la psychose, sans que la politique sache y répondre», a analysé Robert Goebbels face au Quotidien .

Pour lui, la situation économiquement morose de l’Europe n’explique pas l’attitude défiante de certains pays : «Tout le problème réside dans l’absence de solidarité au sein de l’Union européenne. Il est aujourd’hui de bon ton de dire que tout est de la faute de l’Union européenne. Or celle-ci ne peut agir que dans le cadre des accords, autrement dit très peu. Aussi son budget est-il très mince» , poursuit celui qui a siégé au Parlement européen jusqu’en 2014. «Le pouvoir et l’argent sont du côté des États, qui deviennent de plus en plus égoïstes.»

Dès lors, que faire? Pour Robert Goebbels, l’Europe devra tout d’abord concentrer ses efforts sur la lutte contre l’État islamique, le renforcement de l’agence européenne de protection des frontières (Frontex) et la stabilisation de pays tels que la Tunisie, fragilisée, afin d’empêcher de nouvelles crises. Quant aux nationalistes, l’homme de 71 ans leur oppose cette phrase du président Mitterrand : «Le nationalisme c’est la guerre.»

Frédéric Braun

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