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Les finances publiques se gâtent au Grand-Duché


Romain Bausch (àg) et Nima Ahmadzadeh ont passé au peigne fin les finances publiques. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Le Conseil national des finances publiques a livré son verdict dans sa toute première évaluation du projet de budget et de la programmation pluriannuelle. C’est sombre.

Le Luxembourg ne respectera plus les règles budgétaires dictées par le pacte de stabilité et de croissance dès 2015, entraînant l’année suivante le déclenchement du mécanisme de correction institué par la loi de juillet 2014 relative à la coordination et à la gouvernance des finances publiques.

C’est la première évaluation que présente le Conseil national des finances publiques (CNFP) présidé par Romain Bausch, et elle livre déjà un premier avertissement. «Alors qu’il y a cinq mois seulement le CNFP se limitait à dire que le respect des règles budgétaires serait loin d’être assuré à moyen et à long terme, il conclut désormais qu’il existe un risque que la règle concernant le solde structurel et son respect de l’objectif à moyen terme de +0,5 % du PIB ne soit plus respectée dès 2015 et que l’écart par rapport à cet objectif devienne suffisamment important dès 2016 pour déclencher le mécanisme de correction au titre de la loi du 12 juillet 2014.»

Hier matin, toute l’équipe du CNFP, l’institution indépendante chargée d’évaluer les finances publiques, était donc réunie pour livrer les conclusions de l’analyse du projet de budget 2016 et du projet de loi de programmation financière pluriannuelle (LPFP) pour la période 2015-2019.

La méthodologie en question

Toute l’équipe se résume en réalité à deux personnes, le président et le secrétaire général, Nima Ahmadzadeh. Romain Bausch a d’ailleurs indiqué avoir introduit une proposition de modification de la loi relative à la coordination et à la gouvernance des finances publiques afin d’assurer au CNFP «un fonctionnement efficace et un meilleur respect de son statut d’indépendance», selon lui.

Si le CNFP souffre d’un manque de personnel, cela ne se ressent pas dans la qualité de l’évaluation fournie. Tout d’abord, il a examiné douze règles de forme à respecter par la loi LPFP selon les dispositions du système européen des comptes (SEC), les nouvelles règles budgétaires. Sur les douze règles examinées, cinq ont été considérées comme étant conformes, trois partiellement conformes et quatre non conformes. Pour ces dernières, il s’agit d’abord de la non-prise en compte du coût d’acquisition de l’avion A400M (au titre de l’exercice budgétaire 2019). Ensuite, le CNFP pointe l’absence d’une inscription dans la loi de plafonds pour les dépenses de l’administration centrale. Il relève aussi le manque de transparence concernant les calculs sous-jacents pour le solde structurel, et enfin l’institution regrette les explications trop succinctes concernant l’effet que les politiques envisagées sont susceptibles d’avoir sur la soutenabilité à long terme des finances publiques.

Mais tout est question de méthode et pour déterminer le solde structurel, le CNFP utilise tout simplement la méthode que le gouvernement avait utilisée pour la précédente loi de programmation financière pluriannuelle avant qu’il ne change son approche. Romain Bausch reconnaît que les conclusions de cette évaluation continuent «à être sujettes à d’importants aléas méthodologiques».

Il suggère donc de réunir dans un groupe de travail les experts des institutions impliquées pour essayer de s’accorder sur une approche commune pour la détermination du solde structurel. «Le débat sur l’évolution des finances publiques est effectivement trop important pour dépendre du choix de la méthodologie adoptée», note le CNFP dans son évaluation.

Concernant l’évolution de la dette publique à moyen terme, les nouvelles ne sont pas bonnes. Romain Bausch a indiqué que la dette atteindrait les 14,8 milliards d’euros en 2019, soit 25,1 % du PIB, soit une augmentation de 3,6 milliards par rapport à 2014. «Les autorités s’attendent à une stabilisation du ratio de la dette à 24,5 % du PIB, mais les chiffres du gouvernement sont basés sur un maintien de l’impôt temporaire de 0,5 % alors que le CNFP en a fait abstraction dans son calcul à partir de 2017», précise Romain Bausch.

Et sans ces 0,5 %, les calculs du CNFP indiquent que l’État central doit potentiellement recourir à des emprunts obligataires à hauteur d’au moins un milliard d’euros par an sur toute la période 2016-2019. «À noter que cela présuppose une réforme fiscale budgétairement neutre», précise Romain Bausch.

Enfin, suivant le principe du «comply-or-explain», le CNFP propose que cette évaluation soit prise en compte dans le cadre de la procédure budgétaire en cours ou bien que les autorités disent publiquement pourquoi elles auraient choisi de ne pas suivre l’avis du Conseil.

Geneviève Montaigu

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