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La descente aux enfers du CSV


Depuis 2013, c’est le monde à l’envers pour le CSV. Même s’il reste le premier parti du pays, le camp chrétien-social enchaîne les contretemps. Ce samedi, un nouveau départ doit être pris. (archives Isabella Finzi)

La mise à l’écart du pouvoir en 2013 n’a jamais été digérée. Après le coup d’éclat autour de Frank Engel, le parti historique se retrouve dos au mur. Retour sur les déboires chrétiens-sociaux.

«Je prends note qu’une grande majorité des membres de cette Chambre pensent qu’il doit y avoir des élections anticipées. Je réunirai le gouvernement demain (samedi) à 10h et irai au Palais pour suggérer au Grand-Duc un scrutin anticipé.» Le 10 juillet 2013, le Premier ministre Jean-Claude Juncker, acculé en raison de l’affaire SREL (Service de renseignement de l’État), a prononcé les deux phrases qui vont constituer le début de la fin de l’ère gouvernementale du CSV. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Parti chrétien-social a régné à une exception près (1974-1979) sur le pays, avec à ses côtés soit le LSAP, soit le DP.

Le renvoi en 2013 sur les bancs de l’opposition n’est toujours pas digéré. Jean-Claude Juncker répète encore et toujours son amertume. «J’ai gagné les élections luxembourgeoises, mais je ne suis pas resté Premier ministre, car une autre coalition s’est formée», déplorait-il en février 2018 face à la presse internationale. Devenu en 2014 président de la Commission européenne, l’ancien Premier ministre a assisté depuis Bruxelles à la descente aux enfers de son parti.

Le CSV mis hors-jeu

Au soir des législatives de 2013, Jean-Claude Juncker est convaincu de pouvoir former une coalition avec le DP de Xavier Bettel, grand vainqueur du scrutin anticipé. Il s’agira d’une des rares erreurs d’appréciation du Premier ministre sortant. DP, LSAP et déi gréng avaient soigneusement préparé le terrain pour former une coalition inédite. Le CSV a été mis hors-jeu.

Après une petite année en tant que chef de fraction, Jean-Claude Juncker s’envole vers Bruxelles. Son dauphin éternel Luc Frieden cède aussi son siège de député pour entamer une carrière de banquier. Il revient déjà à Claude Wiseler de reconstruire un parti sous le choc.

Claude Wiseler, le malheureux

Le référendum constitutionnel de 2015 a laissé des traces. Le CSV est le seul parti à côté de l’ADR qui s’oppose pleinement aux propositions de réformes soumises aux électeurs. La claque infligée au gouvernement de Xavier Bettel (triple non avec plus de 70 % des voix) renforce la position du CSV en vue des législatives de 2018. Dans les sondages, jusqu’à 28 sièges sont annoncés pour les chrétiens-sociaux. Le CSV profite de cet élan et désigne dès octobre 2016 Claude Wiseler comme tête de liste. Si d’aucuns jugent que «ces élections n’étaient pas à perdre», le président Marc Spautz ne cesse de mettre en garde les membres de son parti : «La coalition tricolore va saisir la moindre occasion pour rester au pouvoir.»

Le camouflet de 2018

Comme en 2013, le CSV sort comme premier parti des urnes, mais il tombe sous la barre symbolique des 30% et perd 2 sièges supplémentaires. Déi Gréng, vainqueurs du scrutin, permettent à la coalition tricolore de sauver une courte majorité. Le CSV, qui a manqué de renouveler ses rangs, cherche des explications parfois farfelues («absence de presse amie») pour expliquer ce camouflet, mais il finit par se ressaisir. Si le camp chrétien-social a bien joué le coup dans l’affaire du «casier bis», il a perdu du crédit en quittant à deux reprises la plénière de la Chambre en guise de mécontentement. Les attaques frontales et polémiques contre les ministres Carole Dieschbourg (affaire de la cabane de jardin) et Corinne Cahen (foyers d’infections au Covid dans les structures pour personnes âgées) n’ont pas vraiment servi la cause du parti. La manœuvre pour saboter la réforme de la Constitution est un autre exemple où du travail constructif a été détruit. 

Frank Engel, le perturbateur

L’eurodéputé Frank Engel voit son heure arriver. En janvier 2019, il s’impose de justesse dans la course à la présidence contre Serge Wilmes. Le CSV semble être déchiré entre deux orientations. Frank Engel veut jouer l’attaque, Serge Wilmes consolider.

Le nouveau président du CSV doit rapidement encaisser un premier revers lors des élections européennes de mai 2019. Plusieurs ténors du parti refusent de se présenter. Une liste très jeune ne récolte que 21,1 % des suffrages avec à la clé la perte d’un siège. Le DP dépasse pour la première fois le CSV lors d’une élection. 

Dans la foulée, les tensions entre Frank Engel et la fraction parlementaire se multiplient. Il y aura aussi plusieurs coups d’éclat. En été 2020, Frank Engel émet à la surprise générale la proposition d’instaurer une imposition sur la fortune et des droits de succession en ligne directe. Une réunion de crise permet de calmer une dernière fois les ardeurs. 

Le clash

Cela ressemble à un coup monté. Alors que Frank Engel lance en mars de cette année sa campagne pour être réélu, une frange de députés dénoncent leur propre président de parti à la justice. La suspicion d’un abus de biens sociaux se trouve à l’origine de cet acte, fustigé par les anciens du parti. À la fois remonté et déçu, Frank Engel refuse dans un premier temps de démissionner. Devenu persona non grata, il va finir par céder le 19 mars et n’exclut pas la création d’un propre mouvement politique.

Claude Wiseler, le sauveur présumé

Après son échec de 2018, Claude Wiseler ne comptait plus prendre de poste à responsabilité au CSV. Aucun candidat pour reprendre le flambeau n’est cependant en vue. Les noms de Jean-Claude Juncker et Luc Frieden sont même cités pour sauver le parti. Finalement, Claude Wiseler se laisse convaincre. S’il est rassembleur, l’ancien ministre doit encore démontrer sa capacité à renouveler un parti qui se retrouve dos au mur.

David Marques

Une équipe pour sauver les meubles

Frank Engel a définitivement claqué la porte du CSV. Vendredi, le président démissionnaire a officialisé sur Facebook avoir rendu sa carte de membre. Ce samedi, Claude Wiseler et son équipe doivent être officiellement instaurés par les délégués du congrès à la tête du Parti chrétien-social pour entamer la réconciliation. Il mise sur un dédoublement des postes à responsabilité pour réussir une mission périlleuse.

PRÉSIDENCE Claude Wiseler (61 ans) est le seul candidat à la présidence du CSV. Après un changement de statuts, Elisabeth Margue (30 ans), conseillère communale à Luxembourg et ancienne présidente de la CSJ, est censée devenir co-présidente.

VICE-PRÉSIDENCE Un binôme composé par Paul Galles (47 ans) et Anne Logelin (36 ans) doivent à l’avenir assurer la vice-présidence du CSV. Le député centriste, élu en 2018, est le secrétaire général sortant du parti. Sa future collègue est peu connue du grand public. Elle siège depuis mars 2019 au conseil communal de Sanem.

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL La vice-présidente sortante Stéphanie Weydert (36 ans) et l’eurodéputé Christophe Hansen (39 ans) sont appelés à occuper conjointement le poste de secrétaire général du CSV.

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