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Handicap : «Il faut des quotas plus contraignants»


Plus de 1 900 entreprises au Luxembourg ne respectent pas les quotas d’embauche liés aux personnes handicapées. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Le Luxembourg exige des entreprises qu’elles remplissent certains quotas d’embauche pour les travailleurs handicapés. Mais pour Info-Handicap, la loi n’est pas assez contraignante.

Afin de faciliter et d’encourager l’inclusion des personnes handicapées dans le monde du travail, la loi luxembourgeoise exige depuis 2003 des établissements du secteur public qu’ils emploient à temps plein des salariés reconnus handicapés à hauteur de 5 % de leur effectif total. Des quotas qui diffèrent quelque peu pour le secteur privé, puisqu’ils sont corrélés à la taille de l’entreprise : si celle-ci compte au moins 25 salariés, l’entreprise doit alors employer au moins un salarié handicapé à temps plein; lorsque l’entreprise emploie 50 salariés minimum, le quota de travailleurs handicapés passe à au moins 2 % de l’effectif total et à 4 % de l’effectif total si elle compte plus de 300 salariés.

Mais ces quotas sont loin d’être atteints, tant dans le secteur public que privé. Dans leur réponse à la question parlementaire n° 3122 soulevée par le député Sven Clément (Parti pirate), les ministres du Travail Dan Kersch et de la Fonction publique Marc Hansen indiquaient en effet que le nombre de salariés handicapés recensés au sein de la fonction publique était de 914, selon des chiffres datant de mai 2020. Or, au 31 décembre 2020, la fonction publique comptait 31 049 agents d’après le portail officiel de la fonction publique. Les travailleurs handicapés représenteraient donc moins de 3 % des effectifs.

Les chiffres révélés par les ministres concernant le secteur privé s’avèrent encore plus édifiants : 81 % des entreprises avec un effectif de 25-49 salariés ne remplissent pas leur quota (soit 932 entreprises); tout comme 80 % des entreprises employant entre 20 et 299 salariés (842 entreprises); et 98 % des entreprises de plus de 300 salariés (ce qui correspond à 154 entreprises sur 157).

«Ce qui revient à dire qu’en tout, 1 928 entreprises ne remplissent pas leur obligation d’embauche de salariés en situation de handicap prévus par la loi!», s’insurge Andrea di Ronco, du service d’information juridique d’Info-Handicap et auteur de la prise de position du centre d’information national, parue dans le Bulletin n° 2/2021 d’Info-Handicap diffusé vendredi. «Ce nombre n’est sûrement pas anodin et en dit long sur la politique d’intégration des personnes en situation de handicap dans le monde du travail au Luxembourg.»

Des mesures jugées inefficaces

Si la loi en vigueur prévoit bel et bien une sanction (le versement d’une taxe équivalant à 50 % du salaire social minimum aussi longtemps que dure le refus d’embauche), elle ne s’applique que lorsque l’employeur «refuse d’embaucher le nombre requis de personnes en situation de handicap… et non s’il ne remplit pas le quota fixé par ladite loi. Ceci constitue une nuance de taille», alerte Info-Handicap, qui en déduit que «l’accès des personnes en situation de handicap à un emploi n’a pas vraiment évolué depuis l’entrée en vigueur de la loi».

La situation reste donc «difficile voire dramatique» pour les personnes concernées comme le laisse entendre le nombre de personnes inscrites à l’Adem bénéficiant soit du statut de salarié handicapé, soit d’un reclassement externe : d’après les chiffres de janvier 2021, sur les 20 000 personnes inscrites à l’Adem, 3 200 relevaient de l’une ou l’autre de ces catégories. «Cela fait presque une personne sur 6!», s’indigne Andrea di Ronco.

Pourtant l’État, comme le rappellent les ministres dans leur réponse, a mis en place plusieurs mesures pour encourager les entreprises à respecter les quotas : participation de l’État aux salaires, participation à l’aménagement du poste de travail, prise en charge des frais de formation, sensibilisation des entreprises, possibilité d’obtenir des aides financières prévues dans le cadre du Fonds social européen, etc.

«Ces aides sont certes utiles et constituent un levier auprès des entreprises qui souhaitent embaucher des personnes en situation de handicap», reconnaît Info-Handicap, mais «force est de constater que ces mesures existent depuis un bon nombre d’années et qu’elles n’auront pas eu comme effet d’atteindre ces quotas».

Pour le centre d’information, il est clair que «tant que les entreprises auront le choix d’embaucher une personne en situation de handicap ou non, elles n’atteindront pas leurs quotas. Ce n’est qu’en rendant les quotas contraignants pour les entreprises que ce but pourra être atteint. Ce n’est qu’à cette condition que les entreprises auront tout intérêt à utiliser les mesures existantes, dont entre autres, la fonction nouvellement créée d’assistant à l’inclusion dans l’emploi».

Info-Handicap attend donc du gouvernement «une politique plus ambitieuse dans le domaine de l’inclusion dans le monde du travail des personnes en situation de handicap». «Car en fin de compte, tout dépend du nombre de personnes en situation de handicap auxquels nos responsables politiques veulent vraiment permettre de (ré)intégrer le marché du travail», conclut le centre d’information.

Tatiana Salvan

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