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Règlement de comptes entre ex-voisins


Le confinement a pris une drôle de tournure entre mai et septembre 2020 dans l’immeuble qu’habitaient Pierrette et Thierry. (Photo : archives lq/Fabrizio Pizzolante)

Les bonnes clôtures font les bons voisins. Dans l’affaire qui a occupé la 7e chambre correctionnelle ce lundi, deux anciens voisins n’avait pas encore clôturé leurs comptes.

Une dame en longue robe printanière sanglote au fond de la salle d’audience en attendant d’être appelée à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Son maquillage coule sur ses joues et se répand sous son masque. La dame semble désemparée et l’on se demande quel crime elle a bien pu commettre pour être dans un pareil état. «Toute une ribambelle de faits», selon la juge. Dix en tout, allant de la dégradation de plusieurs véhicules appartenant à Thierry, de son sèche-linge et de sa boîte aux lettres, en passant par les insultes et les menaces de mort jusqu’à le frapper à la poitrine avec son trousseau de clé.

On ne choisit pas ses voisins, mais parfois il vaudrait mieux, comme l’illustre l’affaire qui a occupé le tribunal lundi après-midi. Un conflit de voisinage aurait dégénéré au point que la victime présumée dise «se sentir en danger». Elle avait emménagé dans l’immeuble de la prévenue mi-2017 avec sa famille. «Rapidement, j’ai commencé à avoir des problèmes», indique Thierry en se replongeant dans ce qu’il qualifie «de période extrêmement sombre». De nombreux habitants de l’immeuble auraient eu leurs voitures vandalisées. Ils auraient déménagé depuis, selon le père de famille qui, pour mettre un terme à cette succession de faits, a lui aussi dû déménager en 2020. Pierrette aurait fait vivre un enfer à ses voisins et plus particulièrement à un Thierry très vindicatif à la barre. «Elle avait la volonté de faire quelque chose de total», suspecte l’homme.

«Je ne l’ai pas fait»

La tension qui montait crescendo au sein de l’immeuble serait devenue malsaine au point que Pierrette est allée jusqu’à faire mine de lui foncer dessus en voiture avant de freiner au dernier moment ou que Thierry, rentrant de la chasse, carabine en bandoulière, envisage le pire en surprenant la prévenue qui aurait «une fois de plus» griffé un de ses véhicules. «La police n’était pas mon option numéro un. Je suis avocat, je ne peux pas me le permettre», se souvient Thierry, lassé de ces «actes d’intimidation» et de la menace que Pierrette aurait fait planer sur l’immeuble et sur sa famille en particulier.

Le petit-fils d’une résidente, un des rares témoins directs, témoigne à la barre avoir surpris une dame ressemblant à la prévenue en train de s’en prendre à un des véhicules de Thierry. Lui-même aurait peur pour son véhicule quand il visite son aïeule et aurait plus peur encore à présent qu’il témoigne contre elle.

Pierrette, justement, conteste tous les faits énumérés les uns après les autres. «Je ne l’ai pas fait. Pourquoi aurais-je fait une chose pareille? Qu’est-ce que cela m’apporterait?», répète-t-elle, la voix lasse. La respiration courte, elle reconnaît toutefois avoir frappé Thierry. «J’avais peur, explique-t-elle. Il me suivait. Je l’ai frappé pour qu’il s’en aille.» L’homme aurait exercé une pression psychologique sur sa voisine. Au point que celle-ci, comme le raconte l’avocat des parties civiles, qui ne croit pas aux sanglots, s’est ouvertement réjouie du déménagement de Thierry et sa famille.

Pour l’assureur des véhicules endommagés et pour Thierry, son épouse et leurs enfants, il réclame une longue liste de montants correspondant aux dommages moraux et physiques ainsi qu’à divers préjudices matériels, dont le montant d’un équipement de vidéosurveillance pour le nouveau logement de la famille. Signe, selon l’avocat, que Thierry et sa famille seraient traumatisés par ce qu’ils auraient vécu et auraient peur de représailles de la part de Pierrette. Elle aurait recherché leur nouvelle adresse dans les fichiers de l’institution où elle travaille. Les chiffres tombent et s’arrêtent près de 130 000 euros. «Les enfants évoquent une méchante dame», indique l’avocat, en affirmant que Pierrette aurait jeté un liquide ressemblant à de l’huile de friture sur les enfants depuis son balcon.

«Elle est le bouc émissaire !»

«Elle est le bouc émissaire !», accuse l’avocate de Pierrette, qui explique que Thierry aurait eu du mal à s’intégrer dans la copropriété et aurait rendu la cohabitation difficile. Il aurait tenté d’intimider la prévenue «à tout bout de champ». Faute de preuves matérielles et morales, elle demande l’acquittement au bénéfice du doute des faits de détérioration des biens de Thierry ainsi que des faits de menaces d’attentat contre les enfants de Thierry. Il ne s’agirait que de «pures allégations dans le but de nuire à Pierrette. Il s’y emploie depuis qu’il habite l’immeuble». Le fait que ce soit parole contre parole ne serait pas un hasard, selon l’avocate. Elle plaide la légitime défense et la provocation pour le chef de coups et blessures contre Thierry. L’avocate conteste l’intégralité des demandes de la partie civile et demande au tribunal de prononcer son incompétence en la matière.

Le parquetier revient sur le «calvaire» vécu par Thierry au fil des «actes de méchanceté» d’une prévenue «un peu trop passive» à la barre à ses yeux. Il juge les craintes du père de famille justifiées et estime que la plupart des faits reprochés à la prévenue sont donnés. Il requiert une peine de prison de douze mois de prison assortie d’une amende appropriée. Il ne s’oppose pas à un sursis probatoire à condition que Pierrette n’entre plus en contact avec la victime.
Le prononcé est fixé au 22 juillet.

Sophie Kieffer

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