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[Luxembourg] La justice au ralenti : «On traverse une situation jamais vue»


Au temps du coronavirus, ils ne sont que peu nombreux à franchir les portes du tribunal. (Photo : archives lq)

Depuis une bonne semaine, la justice au Luxembourg tourne au ralenti. Tour d’horizon avec des avocats pénalistes. L’annonce qu’ils ne peuvent même plus «skyper» avec leurs clients détenus à Schrassig fait grincer des dents.

«Jamais encore on n’a vécu une telle époque.» Le discours du côté des avocats que nous avons joints, mardi, ne varie guère. Si à l’étude, on décroche toujours le téléphone, nombreux sont ceux qui sont en télétravail à l’autre bout du fil. Tout au plus passe-t-on au bureau pour récupérer le courrier. Mais jamais plus d’une ou deux personnes à la fois.

«Comme la plupart des dossiers sont scannés, il est possible de travailler à distance. Certes, il faut se passer de la bibliothèque, mais en attendant on peut recourir aux moteurs de recherche», nous confie Me Maximilien Lehnen. Comme un certain nombre de ses confrères, il n’a plus mis les pieds à la Cité judiciaire, depuis le vendredi 13 mars. «Tout est annulé, sauf les affaires urgentes et celles avec des détenus.»

Pour faire face à la crise du coronavirus, les audiences ont été réduites au strict minimum. Sans procès, la plupart des salles d’audience restent donc vides. Les rendez-vous chez le juge d’instruction sans aucune urgence sont aussi annulés. Il reste donc les cas de flagrant délit, où il y a le délai des 24 heures à respecter, selon le code de procédure pénale. Mais là aussi, on s’adapte.

Du bureau du juge à la petite salle d’audience

L’interrogatoire de la personne n’a plus lieu autour du bureau du juge d’instruction avec l’avocat et l’interprète à ses côtés, mais dans une petite salle d’audience du tribunal d’arrondissement. «On prend de la distance», nous glisse un avocat pénaliste.

En ce qui concerne les chambres du conseil pour une mise en liberté provisoire, c’est un peu le même régime. En temps normal, la configuration pour cette procédure réunit entre six à sept personnes dans une même salle : le(s) juge(s), le représentant du parquet, l’avocat, le détenu, l’interprète sans oublier l’escorte policière. Au temps du coronavirus, difficile de poursuivre de cette manière. La règle édictée sur la convocation est désormais la suivante : si l’avocat n’exige pas la présence du détenu, il n’est pas amené depuis la prison au tribunal. Et il se fait donc représenter par son conseil.

Vu les circonstances actuelles, ces mesures de précaution au tribunal ne suscitent pas de remous. Mais en fonction de la durée de la crise, il n’est pas exclu qu’il faudra chercher des options. Procédure écrite, visio-conférence…? Afin de réduire les transports depuis la prison et ses coûts de logistique, cette dernière a bien déjà été envisagée par le passé, mais jamais mise en place.

Depuis jeudi dernier, toutes les visites physiques à la prison de Schrassig sont également suspendues. Le virus risquant de se propager à grande vitesse dans des lieux fermés. «Même si on traverse une situation exceptionnelle, il est important qu’un détenu, privé de liberté, puisse continuer à être en contact avec son avocat, estime Me Eric Says. Il faut donc trouver une solution pour compenser ces visites. Une solution où la confidentialité de nos échanges est respectée.»

«Le téléphone n’est pas gratuit pour les détenus»

Cela semblait bien parti. Un système de visiophonie avec Skype avait été mis en place. L’un ou l’autre contact avait d’ailleurs déjà été établi ce week-end. Cela devait se poursuivre. «J’avais un rendez-vous fixé pour vendredi matin. Tout était organisé et semblait rouler», raconte Me Philippe Stroesser. Mais comme tous ses confrères il a reçu, mardi matin, à 7 h 55 une circulaire par courriel annonçant que pour des «raisons logistiques» les visiophonies Skype sont annulées. La solution de rechange évoquée : les avocats ont la possibilité de communiquer par courrier…

Même si les détenus, eux, ont toujours la possibilité d’appeler leur avocat, cette annonce fait grincer des dents. «Le téléphone n’est pas gratuit pour les détenus. Et certains n’ont pas un sou…», donne à considérer l’avocat. «Préparer un dossier en communiquant juste par courrier c’est compliqué», ajoute Me Frank Rollinger. Sans oublier le délai qu’il faut alors prendre en compte pour ces échanges.

Depuis que la justice tourne au ralenti, les avocats ont reçu un bon nombre de circulaires. L’objectif étant de limiter leurs déplacements à la Cité judiciaire. Mais pour relever appel contre une décision en matière pénale, il faut continuer à se rendre physiquement au tribunal afin d’être sûr de respecter le délai légal. À l’heure où nous recueillons ces propos, la question de savoir ce qui se passe avec les demandes à l’exécution des peines pour les détenus en fin de peine restait ouverte. Même si «une libération anticipée n’est qu’une faveur», pour reprendre les termes d’un de nos interlocuteurs. Aussi à Givenich, il n’y a actuellement plus de traitement de faveur. Tout le monde est confiné à l’intérieur du centre pénitentiaire semi-ouvert.

Une période pour combler ses retards

En cette période de confinement, l’un ou l’autre avocat propose des entretiens Skype avec ses clients libres. «Ce n’est pas pareil qu’une vraie rencontre, mais c’est toujours mieux qu’un simple entretien téléphonique», note Me Rollinger. Cette période permet également de rattraper certains retards. «Pour les échanges de conclusions écrites cela fonctionneégalement», constate Me Lehnen. Mais sans audience, ces affaires ne pourront pas être prises en délibéré… Bref, le constat est que pour les avocats aussi, avec la crise sanitaire, cela devient plus difficile d’exercer leur métier.

Fabienne Armborst

 

Les dernières mesures de la justice

En raison de l’évolution actuelle du Covid-19, l’administration judiciaire a adapté une partie de ses mesures en date du 20 mars. Ces dernières sont visibles, avec le rappel de ses décisions antérieures, sur son site dans la rubrique actualités. Parmi ces nouvelles mesures, elle affiche notamment un certain nombre de numéros de téléphone et de courriels. L’objectif étant de restreindre au minimum absolu les déplacements du public sur les sites de la justice : Luxembourg, Diekirch et Esch-sur-Alzette.

www.justice.public.lu

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Luxembourg : la Cité judiciaire, en mode ralenti

Un commentaire

  1. Et où en sont les 5 millions de masques aui devaient arriver Lundi dernier?

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