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Faux et usage de faux : le parquet réclame la condamnation d’un officier de la PJ


À la barre, l'officier n'a pas contesté les faits qui remontent aux années 2013 et 2014. «J'ai commis une grave erreur», a-t-il dit. (Photo Fabienne Armborst)

Plusieurs fois, le quinquagénaire avait apposé le cachet «ADN négatif» en réponse à des requêtes des autorités étrangères alors que le résultat était tout autre…

« Un policier qui commet des faux dans l’exercice de ses fonctions, c’est un grave trouble à l’ordre public», a souligné la représentante du parquet mardi matin. Les faits sur lesquels se penchait la 12e chambre correctionnelle remontent aux années 2013 et 2014.

L’officier de la police judiciaire (PJ) était chargé de traiter les demandes des autorités étrangères faites dans le cadre du traité de Prüm. Ce traité vise la coopération transfrontalière et a instauré un système automatisé de comparaison des profils ADN ou d’empreintes digitales présents dans les fichiers nationaux des pays partenaires européens. En cas de l’existence d’une concordance dans le fichier – plus communément appelée «hit» –, une autorité a la possibilité de demander un échange d’information. Le parquet reproche au prévenu de 56 ans d’avoir apposé à huit reprises le tampon «ADN négatif» pour des requêtes où la base de données avait pourtant indiqué un «hit» positif….

À la barre mardi, l’officier de police n’a pas contesté les faits : «J’ai commis une grave erreur.» Le fonctionnaire a encore déclaré ne pas avoir eu l’intention d’entraver une quelconque enquête : «Je n’ai nullement réfléchi à ce que je faisais.» «Vous ne vous êtes jamais posé la question de savoir si à cause de vous un auteur n’a peut-être jamais été trouvé?», l’a interrogé le président.

C’est début 2014 que l’affaire avait éclaté. À l’époque, une secrétaire avait relevé deux de ces demandes qui n’avaient pas été correctement tamponnées. Elle avait rendu attentif le chef de section de la police technique de la police judiciaire. L’information était remontée jusqu’en haut de la hiérarchie. Visiblement personne n’a jamais directement abordé le problème avec l’officier. Un contrôle approfondi du travail de ce dernier avait été effectué. Et l’inspection générale de la police (IGP) avait été finalement saisie. «Pour les huit demandes dont il est question, il y a eu un « hit » positif dans la banque de données de Prüm. Donc cela ne donnait aucun sens d’apposer un tampon « ADN négatif »», a récapitulé hier l’enquêteur en charge du dossier. En gros, l’officier avait nié l’évidence.

Aussi son ordinateur avait été passé à la loupe. Le résultat était effarant. Il ne s’était pratiquement jamais connecté à la banque de données pour effectuer les vérifications utiles. Confronté aux faits, le quinquagénaire avait expliqué ne pas être content des tâches qui lui étaient assignées. «Un travail pour secrétaire, indigne pour un enquêteur chevronné », avait-il notamment laissé entendre lors de l’instruction. Après avoir longtemps travaillé dans la section stupéfiants où il aurait bien aimé devenir chef, on l’aurait un jour contraint d’occuper cette fonction. Il aurait été frustré. À l’enquêteur, il avait, par ailleurs, évoqué un courrier de lecteur qu’il avait rédigé avec son franc-parler à l’époque du procès du Bommeleeër. Ce qui lui avait valu une affaire disciplinaire. Et ensuite il n’aurait plus jamais obtenu aucun des postes qu’il briguait.

« Il se facilitait son travail »

Le policier n’a jamais été suspendu pour les faits pour lesquels il comparaissait hier devant le tribunal, une affaire disciplinaire serait toutefois pendante. D’après un ingénieur-informaticien, le système a entretemps été optimisé. Aujourd’hui c’est l’ordinateur qui crée le fameux document une fois les vérifications requises effectuées… Me Rosario Grasso a demandé l’acquittement du quinquagénaire. L’avocat du prévenu estime que les infractions de l’entrave à la justice, le faux et l’usage de faux telles que libellées par le parquet ne sont pas établies. «C’était connu de l’autorité requérante qu’il y avait eu un « hit » positif, a-t-il appuyé. Il n’y a pas eu d’altération de la vérité.»

Pour le parquet, en apposant le tampon, l’officier a toutefois bien commis un «acte délibéré». Vu la multiplicité et la durée des faits, il n’aurait pas agi par erreur ni négligence : «Il se facilitait son travail.» Outre les huit demandes dans le cadre du traité de Prüm, il lui reproche de ne pas avoir traité correctement 23 autres requêtes. Néanmoins la représentante du parquet estime que le fonctionnaire doit être acquitté de l’entrave à la justice : «Il n’a pas été établi qu’il a sciemment voulu boycotter des enquêtes étrangères.» Elle requiert trois ans de prison contre le quinquagénaire sans casier judiciaire, mais ne s’oppose pas à ce que la peine soit assortie du sursis intégral.

Prononcé le 21 février.

Fabienne Armborst

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