Accueil | Police-Justice | Dealer tué : la Cour d’appel décide de visionner la reconstitution au milieu des plaidoiries

Dealer tué : la Cour d’appel décide de visionner la reconstitution au milieu des plaidoiries


Le dealer, tué d'une balle dans la tête, avait été retrouvé dans cette forêt entre Leudelange et Schléiwenhaff. À la question de savoir qui a tiré, les deux prévenus se renvoient la balle... (Photo : Fabienne Armborst)

Scène plutôt inhabituelle devant la Cour d’appel, vendredi matin. En pleines plaidoiries, afin de vérifier un détail, la reconstitution du meurtre du dealer à bord de la Mercedes A170 début novembre 2016 a été visionnée. Un expert y avait fait parler les traces de sang.

«Lee K. est acquitter au bénéfice du doute.» C’est la ligne de défense de l’avocat du trentenaire condamné en première instance à la réclusion à vie. Depuis le départ, les deux prévenus Lee K. et Alden S. (37 ans et 25 ans aujourd’hui) se renvoient la balle affirmant tous les deux avoir été au volant de la Mercedes A170 quand le dealer assis sur le siège passager a été tué d’une balle dans la tête dans la nuit du 9 au 10 novembre 2016. Aucun des deux ne veut avoir pris place sur la banquette arrière. C’est en effet de là que serait parti le tir mortel, selon les traces de sang recueillies dans le véhicule. Des traces qui avaient été longuement analysées lors du procès en première instance. La 13e chambre criminelle s’était même rendue à la fourrière judiciaire pour une nouvelle reconstitution en présence de la Mercedes A170 avec l’expert français en criminalistique et morphoanalyse des traces de sang.

Pour le procès en appel, l’avocat de Lee K. a décortiqué le procès-verbal dressé à cette occasion. «À aucun moment, l’expert n’exclut les déclarations de mon client», a ainsi plaidé mardi Me Rosario Grasso. S’appuyant sur le plumitif, il a également soulevé une déclaration que l’expert aurait faite dans le cadre de cette visite : celle qu’il y a un «écoulement de sang à gauche sur le siège conducteur ».

«Ce qui est écrit dans le procès-verbal est faux»

Une déclaration sur laquelle la Cour d’appel a rebondi vendredi matin : «Me Grasso, où avez-vous vu cela? La Cour aimerait bien que vous montrez cela.»

– «Je me base sur le procès-verbal.»

«Dans le procès-verbal, c’est écrit qu’il y a une tache de sang sur le siège conducteur côté gauche. Mais c’est faux. J’ai nulle part trouvé où il a dit cela», interviendra le premier avocat général Serge Wagner. Et la présidente de remarquer : «Mais est-ce que le plumitif fait la bonne retranscription de ce qui a été dit lors de la visite des lieux?»

La vidéo de quelques secondes que Lee K. avait après le meurtre tournée des traces de sang dans l’habitacle n’ayant pas permis d’élucider la question, la Cour d’appel a décidé de visionner celle de la reconstitution. «Pour avoir un débat contradictoire, il faut tout regarder», a estimé le représentant du parquet général à ce sujet.

C’est ainsi que la reconstitution effectuée le 16 octobre 2019 à la fourrière judiciaire a été projetée dans la grande salle d’audience. Tout a été filmé. On y voit le procureur d’État adjoint avec la présidente et ses deux juges assesseurs, la greffière, l’enquêteur ainsi que les deux prévenus avec leurs avocats qui passent en revue avec l’expert les différentes hypothèses autour de la voiture grise. Un mannequin porte les vêtements ensanglantés de Lee K. Un cobaye aide à reconstituer le scénario tel que décrit par ce dernier : la victime a basculé et sa tête est tombée sur son pantalon. Alors que le pantalon présentait une trace bien particulière au niveau de la jambe gauche, la tête du cobaye penche toutefois «plutôt sur la jambe droite».

À Me Pim Knaff, l’avocat d’Alden S., qui demande s’il n’aurait pas été normal que le siège conducteur soit souillé de sang si la victime avait basculé par là, l’expert répond : «Vous en auriez entre les deux cuisses sur le siège.»

Toutes les éventuelles positions ont été examinées. Même l’hypothèse que c’est le conducteur qui aurait pu tirer. Un geste toutefois difficilement réalisable quand on voit comment le cobaye a dû mal à manier le pistolet Walther P 99 muni d’un silencieux jusque derrière l’appui-tête du siège passager.

«Le tireur était à l’arrière, à gauche de la victime»

La source de sang provient du siège passager où est assise la victime. Selon la reconstitution, sa tête a donc bien pu partir en arrière entre les deux sièges. Ce qui «explique la trace sur la partie latérale du siège. Le sang coule le long du côté gauche». «Cela n’empêche pas que sa tête vient sur épaule du conducteur», ajoute l’expert. La conclusion de l’expert : «Le tireur était à gauche de la victime avec son genou droit entre les deux sièges.» Mais la déclaration qu’il y a du sang sur le siège conducteur côté gauche, on ne l’a pas entendue.

Me Grasso s’est réservé le droit de répliquer au réquisitoire du parquet général. Après la vidéo de la reconstitution qui a duré une petite heure, il a directement enchaîné avec le deuxième fait reproché à son client : la mort de la prostituée retrouvée sur le parking du Fräiheetsbam, quatre jours plus tard. Elle aussi avait été tuée d’une balle dans la tête.

«Oui, il y a des éléments : son arme, sa voiture, l’ADN. Mais les traces ADN ne m’intéressent pas», a plaidé Me Grasso. «Le portable de Lee K. n’a pas été localisé à l’endroit où il doit être pour faire ce pour quoi il a été condamné en première instance.» En raison d’après lui de certaines incohérences et de l’absence de preuves claires, il a demandé «l’acquittement au bénéficie de du doute».

Le second prévenu Alden S. avait été condamné en première instance à 15 ans de réclusion, dont 5 avec sursis pour avoir été le coauteur dans le meurtre du dealer. Pour la mort de la prostituée, il a bénéficié d’un non-lieu. Son avocat aura la parole mardi.

Fabienne Armborst

Tous nos articles sur cette affaire : ici

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.