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Quand le pape François étend sa « miséricorde » aux intégristes catholiques


Mardi, le pape François avait demandé aux prêtres, pendant la durée de l'Année Sainte, d'accorder le pardon aux catholiques repentants qui ont avorté ou provoqué un avortement, dans un geste visant à soulager "l'injustice" vécue par de nombreuses femmes. (photo AFP)

Le geste peut paraître inattendu de la part d’un pape moins traditionnel que son prédécesseur, et il n’est pas passé inaperçu: en amont du jubilé de la « miséricorde », François a tendu la main aux disciples intégristes de Mgr Lefebvre, coupés de Rome depuis 1988.

Mardi, le souverain pontife a fait connaître dans une lettre les dispositions prises pour « l’année sainte » qui doit s’ouvrir le 8 décembre. Après des développements sur l’avortement et les détenus, la « dernière considération » a pu surprendre: « J’établis, par ma propre disposition, que ceux qui, au cours de l’année sainte de la miséricorde, s’approcheront pour célébrer le sacrement de la réconciliation des prêtres de la Fraternité Saint-Pie X recevront une absolution valide et licite de leurs péchés », a écrit le pape. Et François d’espérer « que dans un proche avenir l’on pourra trouver les solutions pour retrouver une pleine communion avec les prêtres et les supérieurs de la Fraternité ».

Fondée en 1970 par Mgr Marcel Lefebvre (1905-1991), la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) avait rapidement pris ses distances avec le Vatican, refusant de « suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II », écrivait le prélat français en 1974. Jusqu’au schisme de 1988, quand Mgr Lefebvre consacra quatre évêques sans autorisation du pape Jean Paul II, une décision entraînant l’excommunication du supérieur de la fraternité comme des prélats fraîchement ordonnés.

Les lefebvristes pèsent peu dans l’Eglise, avec à peine 600 prêtres (dont 150 en France) dans le monde catholique, qui en compte plus de 400.000. Ils n’ont pas le monopole de la tradition et de la messe en latin selon le rite tridentin (avec le célébrant tourné vers l’autel et non vers l’assemblée): d’autres traditionalistes sont pleinement dans l’Eglise, tels ceux de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre.

Mais leur éloignement reste une entorse à l’unité voulue par le Vatican. La question du retour des lefebvristes dans le giron de l’Eglise est donc régulièrement posée. Elle a été suivie personnellement par Benoît XVI, qui a fait plusieurs gestes: extension de la possibilité de célébrer la messe en latin d’avant le Concile, ouverture d’un dialogue qui a conduit à un « préambule doctrinal » que les lefebvristes devaient accepter pour prix de leur réintégration…

L’excommunication des évêques schismatiques a même été levée en 2009. Seul le négationniste britannique Richard Williamson, que même la FSSPX a exclu au regard de ses positions extrémistes, a de nouveau été excommunié en mars dernier après avoir, à son tour, consacré un évêque sans mandat pontifical.

« Geste paternel »

Depuis l’élection de François en 2013, le dialogue avec la communauté intégriste semblait au point mort, et la FSSPX avait réagi vivement aux possibles ouvertures sur les divorcés remariés et les homosexuels liées au synode des évêques sur la famille.

La fraternité n’a donc pas caché sa surprise après avoir « appris par la presse » les dispositions la concernant pour l’année jubilaire. « La fraternité exprime sa reconnaissance au souverain pontife pour ce geste paternel », a salué la communauté, ajoutant sur un ton conciliant que ses prêtres « auront à coeur d’exercer avec une générosité renouvelée leur ministère au confessionnal ».

Sur leur site internet, les lefebvristes affirment « reconnaître le pape François comme pape de la Sainte Eglise catholique » et promettent « obéissance au pontife romain dans tous ses actes légitimes ». Faut-il y voir l’esquisse d’un retour dans les rangs de l’Eglise? « Comme c’est eux qui décident ce qui est légitime ou pas, il s’agit d’une obéissance limitée », tempère le journaliste de La Croix Nicolas Senèze, bon connaisseur de l’intégrisme.

Non sans ironie, l’histoire retiendra que François a fait un geste en direction de la FSSPX en amont d’un jubilé marquant le cinquantenaire de la fin de Vatican II, concile honni par les lefebvristes. Et il l’aura fait le jour même où il recevait un autre insoumis en disgrâce, situé à l’autre bout de l’échiquier politique, l’évêque français Jacques Gaillot. « Le même jour, le pape François reçoit Mgr Gaillot et tend la main aux lefebvristes de la FSSPX. Un homme libre, au coeur de père! » a tweeté l’abbé blogueur Pierre-Hervé Grosjean.

 

AFP / S.A.

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