Accueil | Monde | Manifestation interdite du comité « Adama Traoré » : 18 interpellations à Paris

Manifestation interdite du comité « Adama Traoré » : 18 interpellations à Paris


Dans la foulée du mouvement Black lives matter, les sympathisants du comité "Adama Troré", du nom d'un jeune homme mort en 2016 après une poursuite avec la police, ont manifesté mardi à Paris (Photo : AFP).

Dix-huit personnes ont été interpellées au cours des incidents survenus en marge du rassemblement interdit organisé à Paris à l’appel du comité de soutien à la famille d’Adama Traoré, jeune homme noir de 24 ans mort en 2016 après son interpellation, a annoncé la préfecture de police mercredi.

La préfecture de police n’a pas donné les motifs de ces interpellations mais la fin de cette manifestation, qui a réuni quelque 20.000 participants, a été émaillée d’incidents sporadiques: jets de projectiles, tirs de gaz lacrymogènes, incendies, manifestants sur le périphérique, selon des journalistes de l’AFP. A Clichy, les vitres d’un poste de police municipale ont été brisées par des manifestants.

Le rassemblement avait débuté à 19h sur le parvis du tribunal dans le nord-est de Paris en dépit de la mesure d’interdiction.

La préfecture de police (PP) avait annoncé que la manifestation n’était pas autorisée en raison de l’état d’urgence sanitaire qui proscrit tout rassemblement public de plus de dix personnes, car elle n’avait « fait l’objet d’aucune déclaration préalable ».

La PP estimait également que « la tonalité de l’appel à manifester relayé par les réseaux sociaux laissait craindre que des débordements aient lieu sur un site sensible ».

Cette manifestation avait lieu dans le contexte de celles organisées aux Etats-Unis et dans d’autres pays après la mort de George Floyd, un Américain noir de 46 ans asphyxié par un policier blanc aux Etats-Unis le 25 mai.

AFP

Mort d’Adama Traoré: ce que contiennent les expertises depuis quatre ans

Quatre ans après la mort d’Adama Traoré, cette affaire, érigée en symbole des violences policières, est devenue une bataille entre les experts judiciaires qui écartent la responsabilité des gendarmes et les médecins choisis par la famille qui balayent leurs conclusions.

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré est décédé dans la caserne de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise) au terme d’une course-poursuite et après avoir échappé à une première interpellation un jour de canicule.

Ni témoins, ni vidéos n’ont rendu compte de la scène, uniquement connue par le témoignage des trois gendarmes et les conclusions des médecins.

2016 – Autopsie et contre-autopsie se contredisent
Le légiste qui effectue la première autopsie ne constate aucune trace de violences et relève un « syndrome asphyxique » ainsi que des « lésions d’allure infectieuse », au poumon et au foie notamment, sans parvenir à identifier la « cause immédiate » du décès.

« Nous avons employé la force strictement nécessaire pour le maîtriser, mais il a pris le poids de notre corps à tous », explique l’un des gendarmes aux enquêteurs.

A l’époque, après plusieurs nuits de violences urbaines, le procureur de Pontoise, Yves Jannier, évoque « une infection très grave », « touchant plusieurs organes », mais ne mentionne pas l’asphyxie. Une semaine après, une contre-autopsie réalisée par un collège d’experts balaye cette piste d’une infection et confirme celle d’un « syndrome asphyxique », à faire confirmer par un examen anatomo-pathologique.

Le procureur est accusé d’avoir délibérément menti, instillant la défiance et conduisant au dépaysement rapide de l’affaire entre les mains de juges parisiens.

2017 – Mort « par asphyxie », liée à des fragilités antérieures
En septembre 2016, une expertise sur les seuls organes avance l’hypothèse d’une cardiomyopathie « exposant M. Traoré au risque de mort subite » et relève plusieurs anomalies pouvant avoir contribué au décès.

Le 3 juillet 2017, une contre-expertise sur les organes confirme la piste d’une asphyxie mais conclut que la cardiomyopathie « ne peut être retenue avec certitude »: « la mort est secondaire (consécutive, ndlr) à un état asphyxique aigu, lié à la décompensation – à l’occasion d’un épisode d’effort et de stress – d’un état antérieur plurifactoriel », écrivent les médecins.

Parmi ces facteurs, ils citent notamment une hypertrophie cardiaque (une « cardiomégalie » modérée) et une maladie inflammatoire, sans trancher la question de la responsabilité des gendarmes dans le déclenchement des symptômes.

2018 – « le pronostic vital engagé de façon irréversible »
Le 14 septembre 2018, une expertise de synthèse écarte la responsabilité des gendarmes. Elle conclut que « le pronostic vital » du jeune homme était « engagé de façon irréversible » avant leur arrivée sur les lieux de l’arrestation. Selon les quatre experts, c’est une maladie génétique, la drépanocytose, associée à une pathologie rare, la sarcoïdose, qui a entraîné une asphyxie à l’occasion d’un épisode de stress et d’effort.

Les médecins s’appuient notamment sur le témoignage du particulier chez qui Adama Traoré s’était caché alors qu’il tentait d’échapper aux gendarmes. Selon ce riverain, le jeune homme était « essoufflé » quand il l’a trouvé assis contre sa porte.

« La seule chose qu’il me dit, c’est: +tire-moi+. Je ne l’ai jamais vu dans un état pareil. Il n’arrivait pas à parler. Il respirait bruyamment », avait décrit cet homme aux enquêteurs le 1er août 2016.

2019 – Une contre-expertise privée relance l’affaire
Fin 2018, les juges clôturent les investigations sans mettre en examen les gendarmes, ouvrant la voie à un non-lieu.

Mais le 11 mars 2019, la famille dévoile le rapport médical qu’elle a demandé à quatre professeurs des hôpitaux de Paris. Ces derniers, dont un spécialiste de la drépanocytose et un de la sarcoïdose, balayent les conclusions de leurs confrères, qualifiées de « spéculations théoriques » et invitent à « se poser la question de l’asphyxie positionnelle ou mécanique », relançant la mise en cause de la technique d’interpellation des gendarmes.

2020 – L’ultime expertise judiciaire exonère les gendarmes, la famille conteste
Les juges ne considèrent pas cette expertise valable, mais acceptent d’ordonner une nouvelle expertise de synthèse, rendue le 24 mars. « Adama Traoré n’est pas décédé ‘d’asphyxie positionnelle’, mais d’un œdème cardiogénique », concluent les trois médecins.

Sans se montrer catégoriques, ils estiment que « l’association d’une sarcoïdose pulmonaire, d’une cardiopathie hypertrophique et d’un trait drépanocytaire ont probablement pu y contribuer dans un contexte de stress intense et d’effort physique, sous concentration élevée » de cannabis.

A ces résultats, dévoilés le 29 mai, la famille Traoré répond quatre jours plus tard en versant une nouvelle expertise privée réalisée par un médecin. Ce dernier retient aussi l’hypothèse d’un oedème, qu’il attribue « à une asphyxie positionnelle induite par le plaquage ventral », technique d’interpellation que les gendarmes affirment n’avoir pas utilisé.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.