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L’Argentine vote pour un président qui la sortirait de la crise


Javier Milei, économiste ultralibéral de 53 ans "anarcho-capitaliste" selon ses propres termes, promet de "tronçonner" l'Etat, admire Donald Trump et nie la responsabilité de l'homme dans le changement climatique. (Photo AFP)

Éreintés par le surendettement et l’inflation, les Argentins votent dimanche en un premier tour indécis d’élection présidentielle, ballottés entre la tentation d’un candidat « antisystème » et la certitude de lendemains difficiles.

Rarement depuis le retour de la démocratie il y a 40 ans, un scrutin aura été aussi incertain, et stressant, pour l’Argentine, où l’inflation atteint des niveaux parmi les plus élevés au monde (138%).

Javier Milei, économiste ultralibéral de 53 ans « anarcho-capitaliste » selon ses propres termes, qui promet de « tronçonner » l’Etat, admire Donald Trump et nie la responsabilité de l’homme dans le changement climatique, a renversé la table en deux ans à peine en politique, au point de se trouver en tête des intentions de vote au premier tour.

« Qu’ils s’en aillent tous, qu’il n’en reste plus un ! », a crié cette semaine en meeting de clôture Javier Milei, un polémiste surgi des plateaux TV à la politique il y a deux ans. Et qui a déroulé un fil rouge « dégagiste », contre la « caste politique parasite », selon lui les péronistes (centre-gauche) et libéraux qui alternent au pouvoir depuis vingt ans.

Dans ce « scénario à trois », comme l’ont baptisé les sondeurs, Javier Milei recueille environ 35% des intentions de vote, devant Sergio Massa (autour de 30%), ministre de l’Économie actuel et candidat du bloc gouvernemental de centre-gauche, et Patricia Bullrich (26%) de l’alliance d’opposition (centre-droit), une ex-ministre de la Sécurité sous le président libéral Maurico Macri (2015-2019).

Derrière eux, deux candidats mineurs, Myriam Bregman (gauche radicale) et Juan Schiaretti (coalition centriste), ne dépassent pas 4%.

« Un saut dans le vide »

Les Argentins ont appris à vivre avec l’incertitude du lendemain : 12,4% d’inflation en août, 12,7% en septembre – plus fort indice mensuel en 32 ans – et des étiquettes qui valsent d’une semaine sur l’autre. Et une guérilla quotidienne pour déjouer les prix: achats en début de mois, jonglage entre divers crédits…

« On a besoin d’un changement. Ce pays est un désastre, vraiment, entre la pauvreté, l’inflation, les gens ne vont pas bien », se désolait Gabriela Paperini, 57, ans, dimanche à l’ouverture d’un bureau de vote dans le quartier Palermo. Elle s’apprêtait a voter en faveur de Bullrich – mais sa fille, elle, a choisi Milei – et disait ressentir « tellement » d’incertitude sur l’issue du vote.

« On est habitué, comme société, à voter pour des gens qui après nous déçoivent, font le contraire de ce qu’ils disaient, ou font leurs affaires », grimaçait Boris Moran, avocat de 34 ans, lui aussi attiré par « l’option différente » Milei, même si certains voient en lui « un saut dans le vide ». « Ras-le-bol », « anxiété », « pas de changement magique », revenaient régulièrement dimanche dans les mots des électeurs interrogés par l’AFP, suggérant que le scrutin se joue là quelque part, entre colère, inquiétude et scepticisme.

Envers Patricia Bullrich, qui promet « le gouvernement le plus austère de l’histoire de l’Argentine », et un nettoyage sévère du millefeuilles social, dans un pays à 40% de pauvres, 10% de plus qu’il y a huit ans.

Envers Sergio Massa, qui assure que « le pire de la crise » est passé grâce à un prochain boom exportateur. Mais ne pourra éviter un tour de vis à une économie pathologiquement sur-subventionnée, sous l’oeil du FMI auquel l’Argentine peine à rembourser un prêt colossal de 44 milliards de dollars. Ou envers Javier Milei, au plan de « dollarisation » de l’économie pour voir le billet vert remplacer le peso. Projet décrié dans un manifeste par 170 économistes de divers bords comme un « mirage » au périlleux coût social et inflationniste.

« Baromètre d’angoisse »

« L’arrivée de Milei a engendré un terrible sens d’inconnu (…). Il y a une volonté de changement, mais même s’il est populaire, la perspective d’un virage drastique met les gens sur les nerfs », analyse Benjamin Gedan, économiste spécialiste de l’Argentine au think tank Wilson Center.

La devise nationale, le peso, a dégringolé en deux ans de 99 à 365 pesos pour un dollar au taux officiel – et près de 1 000 pesos au taux parallèle de la rue, véritable « baromètre de l’angoisse » des Argentins, selon Benjamin Gedan.

Ils n’oublient pas qu’au lendemain de la primaire d’août, « répétition » de la présidentielle qui avait vu la percée de Javier Milei (30%), le peso, sous pression, avait été dévalué de 20%.

Pour être élu au premier tour, un candidat doit obtenir au moins 45% des voix, ou 40% mais avec 10% d’avance sur le deuxième. Quelque 35,8 millions d’électeurs renouvellent aussi dimanche la moitié des députés, et un tiers du Sénat.

Les premiers résultats sont attendus vers 22h locales (1h GMT).

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