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L’Arabie saoudite à nouveau pointée du doigt après un massacre au Yémen


Des secouristes yéménites portent une victime au milieu des décombres d'un bâtiment détruit par les frappes aériennes de la coalition conduite par l'Arabie saoudite, ce 8 octobre à Sanaa. (photo AFP)

L’Arabie saoudite était de nouveau dimanche sur la sellette au lendemain d’un carnage ayant fait plus de 140 morts et 525 blessés dans la capitale yéménite Sanaa, une attaque qui met dans l’embarras Washington, allié de Ryad.

Selon l’ONU, des frappes aériennes ont touché de plein fouet une grande cérémonie funéraire samedi dans la ville contrôlée par les rebelles chiites. Parmi les victimes figurent des personnalités politiques, des responsables militaires, sans parler de très nombreux civils.

Des experts ont estimé que cette attaque tuait les perspectives de cessez-le-feu et de règlement politique.

La coalition conduite par l’Arabie saoudite a nié dans un premier temps toute implication, avant de publier un communiqué dans la nuit annonçant une enquête « immédiate ».

Le bain de sang a été dénoncé par Washington, Téhéran, la Syrie, la Croix-Rouge et les Nations unies.

« Profondément troublés », les Etats-Unis, alliés de Ryad, ont annoncé le réexamen de leur soutien à la coalition arabe, qui avait déjà été réduit ces derniers mois. « La coopération sécuritaire des Etats-Unis avec l’Arabie saoudite n’est pas un chèque en blanc », a affirmé Ned Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison Blanche.

Ces raids interviennent à un moment où Washington critique fortement Moscou pour ses frappes en Syrie qui font de nombreuses victimes civiles.

Les relations entre Washington et Ryad n’ont cessé de se détériorer ces deux dernières années, en particulier après une amorce de rapprochement américano-iranien.

L’objectif de la coalition arabe est de rétablir l’autorité du gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale sur l’ensemble du pays, en partie contrôlé par les rebelles chiites Houthis, qui se sont emparés de Sanaa il y a deux ans.

L’Iran, qui soutient les Houthis, a vivement réagi. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Ghasemi, « a condamné fermement les frappes » saoudiennes, les qualifiant de « crime épouvantable contre l’humanité ».

« Enquête impartiale »

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a « condamné » l’attaque « absolument inacceptable », qui « serait » le résultat de « frappes aériennes par la coalition ». Il a exigé « une enquête rapide et impartiale », estimant que « les responsables doivent être traduits en justice ».

Depuis le début du conflit actuel en mars 2015, des centaines de civils ont été des victimes collatérales de raids aériens attribués à la coalition sous commandement saoudien. Dans un communiqué, le CICR s’est dit « horrifié » par ces nouvelles pertes « monstrueuses » de vies civiles.

Le coordinateur humanitaire de l’ONU au Yémen, Jamie McGoldrick, n’a pas mâché ses mots. « La communauté humanitaire du Yémen est choquée et scandalisée par les raids aériens qui ont visé une salle publique où des milliers de personnes participaient à une cérémonie funéraire ».

Ces personnes étaient venues présenter leurs condoléances pour la mort du père du « ministre de l’Intérieur » des rebelles, Jalal al-Rouichène. Le maire de la capitale Sanaa, Abdel Qader Hilal, figure parmi les morts.

Cependant, a précisé à l’AFP l’experte April Alley de l’International Crisis Group, « l’attaque semble avoir tué un certain nombre de personnalités politiques et d’officiers militaires du nord qui oeuvraient à un règlement politique ».

Cette spécialiste a évoqué un « tournant » car l’attaque « a presque certainement tué tout espoir de cessez-le-feu », évoqué vendredi par le médiateur de l’ONU pour le Yémen Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, et elle « aura des conséquences à plus long terme » sur les possibilités d’un « plan de paix viable ».

Le gouvernement yéménite, qui avait dû fuir le pays en février 2015, tente actuellement de regagner le terrain perdu, avec l’appui de la coalition arabe. Il a renforcé ses positions dans le sud, mais peine à reconquérir les régions du nord.

Des tentatives de favoriser un règlement ont échoué en août lors de pourparlers de paix inter-yéménites sous l’égide de l’ONU au Koweït.

L’attaque « ne restera pas impunie », a prévenu le Conseil politique suprême, mis en place récemment par les Houthis et leurs alliés. Il a appelé ses partisans à « user de tous les moyens pour répondre à ce crime ».

Dimanche matin, des milliers de personnes ont manifesté à Sanaa contre le « massacre » de samedi. « Mort aux Al-Saoud », la famille régnante en Arabie, a répété la foule rassemblée sur une place publique jouxtant les bureaux de l’ONU dans la capitale. Le rassemblement a été baptisé « Volcan de la colère ».

« Après ce massacre, nous sommes plus déterminés à affronter les agresseurs », a martelé un haut responsable des rebelles, Mohamed Ali al-Houthi. « Ouvrez les fronts (de guerre) avec l’ennemi saoudien! »

Après un raid aérien qui avait tué 20 civils le 21 septembre dans la ville portuaire de Hodeida (ouest), le porte-parole saoudien de la coalition, le général Ahmed Assiri, avait nié que l’alliance arabe soit sur la défensive. « Non, non, nous ne ressentons pas de pression. Nous savons ce que nous faisons ».

Le Quotidien / AFP

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