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La Syrie, tragique exemple de l’impuissance diplomatique


"Nous ne laissons pas tomber le peuple syrien", a martelé John Kerry. C'est pourtant le sentiment qui habite les survivants depuis cinq ans. (illustration AFP)

Les images épouvantables d’Alep les renvoient à leur impuissance. Ils sont usés par cinq années de réunions, de tergiversations et de négociations de dupes. Malgré cela, les responsables internationaux soutenant la rébellion se refusent à acter la mort de la diplomatie en Syrie.

La frustration et la colère accumulées depuis cinq ans n’ont jamais été aussi tangibles que ces dernières semaines, depuis que le régime de Damas et son allié russe ont lancé « une guerre totale » sur Alep.

C’est un représentant turc qui hoche la tête avec exaspération fin septembre à New York avant une énième réunion du Groupe international de soutien, censée sauver une trêve qui n’a jamais existé. C’est le secrétaire d’État américain, John Kerry, qui, quelques jours avant d’interrompre la coopération avec Moscou, avoue d’une voix lasse sa frustration lors d’une rencontre avec des opposants syriens enregistrée à son insu. C’est encore le toujours jovial émissaire de l’ONU, Staffan de Mistura, qui ne cache pas son abattement au sortir de discussions internationales « pénibles et décevantes ». Ou l’ambassadeur britannique Gareth Bailey qui tweete quotidiennement son désarroi.

De grands mots n’arrêtent pas les bombes

« Le dossier syrien est absolument désespérant. Les gens qui travaillent dessus n’en peuvent plus, beaucoup partent », souffle un diplomate occidental. L’une des démissions les plus emblématiques est restée celle de l’ex-ambassadeur américain Robert Ford en 2014, qui expliquait sur CNN « ne plus pouvoir défendre la politique » de son pays sur la Syrie. Et confiait, déjà, à quel point le dossier était « profondément désespérant et pénible ».

Qualifié par certains de « mini guerre mondiale », le conflit illustre à la perfection le hiatus entre diplomatie et réalité du terrain. Depuis cinq ans, les images atroces entrent en collision avec les réunions organisées à la chaîne à New York ou à Genève. Les appels au secours des médecins bombardés à Alep se fracassent contre les grands mots des grandes puissances, qui dénoncent, condamnent, mais ne peuvent ou ne veulent agir. « Impuissance n’est qu’un mot pudique pour dire la veulerie et l’indignité », s’insurge Nicolas Tenzer, un haut fonctionnaire français, dans une tribune publiée lundi sur plusieurs sites, dont Slate.

Prisonniers des choix politiques de leurs gouvernements, les représentants diplomatiques s’acharnent encore malgré tout. Ou se bercent d’illusions. « Nous ne laissons pas tomber le peuple syrien, nous n’abandonnons pas la poursuite de la paix », a martelé mardi John Kerry. Les autorités américaines devaient d’ailleurs examiner mercredi « les options diplomatiques, militaires, de renseignement et économiques », selon le département d’État.

« Une question de courage politique »

Un éternel recommencement. Ces options ont toutes été envisagées depuis cinq ans. Instaurer une zone d’exclusion aérienne dans le nord de la Syrie, armer pour de bon l’opposition, prendre des sanctions contre Moscou… Elles se sont à chaque fois heurtées à la complexité du conflit et à la volonté des grands protagonistes américain et russe d’éviter un affrontement direct. « On peut continuer éternellement à parler entre gens de bonne compagnie. Mais il y a un moment où c’est une question de courage politique », résume une source européenne qui, à l’instar de l’opposition syrienne, espère un changement de doctrine américaine « dès novembre, si l’élection d’Hillary Clinton est acquise ».

D’autres misent encore sur le Conseil de Sécurité de l’ONU et tentent de faire passer une résolution sur un projet de cessez-le-feu à Alep. « On n’est pas dupes, ce n’est pas une résolution qui va régler le problème, mais que peut-on faire d’autre ? », confie un autre diplomate. Un autre avoue son désarroi devant « la relative indifférence » des opinions publiques face à la tragédie syrienne. « Je ne crois pas que les choses changeront tant que les journaux télévisés continueront à faire leur Une sur les malheurs de Kim Kardashian« , ironise-t-il, en référence à « l’affaire » ultra médiatisée du vol de bijoux dont a été victime lundi la vedette américaine.

« Mais il est vrai que le dossier syrien est un des plus complexes qui soit. Les gens, y compris chez les élites, ne comprennent pas. Je passe parfois deux heures à essayer d’expliquer les causes du conflit, j’en ressors à chaque fois éreinté », confesse-t-il. « C’est dur mais ce n’est pas une raison pour renoncer. »

Le Quotidien/AFP

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