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Donald Trump : occuper l’espace, à n’importe quel prix


Arrivé au pouvoir en créant la plus grande surprise de l'histoire politique moderne, Donald Trump a systématiquement refusé d'endosser les habits de rassembleur. (photo AFP)

Donald Trump rêvait de «quatre années incroyables de plus à la Maison-Blanche». Il la quitte aigri, incroyablement seul, et lâché par une grande partie de son camp.

À la fois révélateur et amplificateur des fractures de l’Amérique, celui qui jetait amusé dans la foule ses casquettes rouges Make America Great Again laisse derrière lui un pays meurtri, en plein doute et rongé par la colère, dont l’image dans le monde est durablement abîmée. Pendant quatre ans, les Américains ont assisté – enthousiastes, médusés ou effrayés – au spectacle d’un président ne s’imposant aucune contrainte, s’affranchissant de toutes les normes.

Deux « impeachments » pour un seul mandat

Ironie pour un homme qui divise le monde en «winners» et «losers», Donald Trump restera, contrairement à ses trois prédécesseurs directs (Barack Obama, George W. Bush et Bill Clinton), le président d’un seul mandat.
Les images de ses sympathisants déchaînés dans le temple de la démocratie américaine, brandissant drapeaux Trump et drapeaux confédérés et laissant sur les murs des graffitis appelant à tuer les journalistes resteront une tâche indélébile sur son passage à la Maison-Blanche. « Donald Trump est l’homme le plus dangereux ayant jamais occupé le Bureau ovale », lâchera l’élu démocrate Joaquin Castro lors des débats sur sa mise en accusation. Le 45e président de l’histoire a, de fait, testé les limites des institutions démocratiques, poussant certains à évoquer un véritable coup d’État.

Arrivé au pouvoir en créant la plus grande surprise de l’histoire politique moderne, il a systématiquement refusé d’endosser les habits de rassembleur. Plus que toute autre séquence dans sa présidence, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière cette posture. Donald Trump a ironisé sur le port du masque, a attaqué Anthony Fauci, immunologue le plus respecté du pays, et il a minimisé la menace sanitaire en se présentant en «Superman» après avoir lui-même été testé positif, passant à côté de l’occasion qui lui était offerte, après son hospitalisation, de faire preuve d’empathie.

« Law and order »

L’effondrement économique annoncé par certains le 8 novembre 2016, jour de son élection, n’a pas eu lieu. Nombre d’indicateurs – chiffres de l’emploi en tête – ont longtemps été au beau fixe avant l’impact ravageur du coronavirus. Mais dans un mandat saturé de scandales, le septuagénaire a abîmé la fonction, attaqué juges, élus et fonctionnaires, et alimenté les tensions raciales.

Doté d’un vrai talent de tribun, le milliardaire a réussi la prouesse de se positionner en porte-parole de l’Amérique des «oubliés» et des «pitoyables», selon l’expression méprisante de sa rivale démocrate de 2016 Hillary Clinton. Démontrant un réel flair politique, il a su capter les angoisses d’une Amérique – majoritairement blanche, plutôt âgée – qui se sentait dédaignée par les «élites» de la côte Est et les stars d’Hollywood sur la côte Ouest. Donald Trump a appliqué sans relâche une règle simple : occuper l’espace, à n’importe quel prix et a inlassablement joué sur les peurs. En agitant, dès l’annonce de sa candidature en 2015, le spectre des migrants clandestins «violeurs». Et se posant, durant la campagne de 2020, comme seul garant de «la loi et l’ordre» face à une «gauche radicale» déterminée, à l’en croire, à faire des États-Unis «un Venezuela à grande échelle».

Promesses tenues

Dans un pays pourtant friand de moments d’unité nationale, il n’a que très rarement su ou voulu trouver le ton pour panser les plaies, même après une catastrophe naturelle ou une fusillade sanglante. Fait remarquable : il est le seul président de l’histoire dont la cote de popularité n’a jamais atteint la barre des 50% au cours de son mandat.
Ses opposants comme ses soutiens sont d’accord sur un point : Donald Trump a tenu une partie de ses promesses de campagne. Comme il l’avait annoncé, il a jeté aux orties nombre de traités ou pactes âprement négociés, au premier rang desquels l’accord de Paris sur le climat.

Mais cette fidélité aux engagements de campagne s’est d’abord faite dans la démolition. Sur ses initiatives, le bilan est plus maigre. C’est frappant sur le dossier nucléaire iranien : il a déchiré l’accord durement négocié par son prédécesseur, a fait monter la pression sur Téhéran jusqu’à l’élimination du puissant général iranien Qassem Soleimani, mais n’a jamais présenté de véritable stratégie. Le grand plan de paix au Proche-Orient n’a jamais abouti. Il peut cependant revendiquer d’avoir fait bouger les lignes dans la région en parrainant la normalisation des relations entre l’État hébreu avec avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.

La mort, en octobre 2019, du chef de Daech Abou Bakr al-Baghdadi lors d’une opération américaine en Syrie, restera, à son actif, incontestablement comme un moment fort de sa présidence.

Enfin, malgré deux sommets avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, des embrassades et une complicité affichée lors d’une visite historique sur la zone démilitarisée, le régime n’a pas bougé sur la question centrale de la dénucléarisation.

LQ/AFP

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