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Dans la poudrière du Golfe, le risque d’embrasement


Un risque illustré notamment par les récents mystérieux "sabotages" de navires au large des Émirats. (illustration AFP)

Escalade USA-Iran, mystérieux « sabotages » de pétroliers… Le risque qu’un des acteurs des innombrables crises dans le Golfe allume l’étincelle de trop est réel, pouvant déclencher un embrasement de la poudrière, mettent en garde les experts.

« La possibilité d’un affrontement, même sans provocation, est assez élevé » compte tenu de l’exaspération des tensions entre les États-Unis et l’Iran, estime Ali Vaez, responsable Iran de l’ONG International Crisis Group, basé à Washington. « Il y a un risque d’embrasement qui est réel », juge Agathe Demarais, directrice des prévisions de la branche recherche et prospective du groupe The Economist basé à Londres, tout en précisant que ce n’est pas leur scénario principal.

« Nous sommes très inquiets qu’un conflit se produise par accident », a lancé lundi le ministre britannique des Affaires étrangères Jeremy Hunt. Et c’est là le nœud du problème pour les experts : une petite étincelle, puis une contagion. Entre des États-Unis intraitables avec l’Iran (et militairement omniprésents dans la région, avec leur 5ème flotte basée à Bahrein, récemment renforcée d’un porte-avions) et un régime des mollahs acculé mais maintenant plusieurs fers au feu dans la région (Syrie, Yémen, Liban) et dont les ambitions nucléaires et balistiques crispent la région, les facteurs de risque sont importants.

Une guerre ne profitera à personne

Sans compter des Saoudiens à couteaux tirés avec les Iraniens, des Émiratis dans la roue des Saoudiens, des Qataris sous blocus, une guerre au Yémen, les Israéliens tout proches et une part essentiel du pétrole mondial qui transite par le détroit d’Ormuz… Dans cette région, « il serait plus juste de parler d’un état hybride de paix-guerre, avec des variations d’intensité, des crises successives, sans règlement du problème de fond », analyse Jean-Sylvestre Mongrenier de l’Institut franco-belge Thomas More, avant de demander : « jusqu’à quand peut-on repousser les échéances et conjurer le ‘paiement comptant’ ? », à savoir une guerre.

Pourtant, au fond, chaque camp essaie de contrôler la situation et ses alliés et aucun n’a réellement intérêt à une guerre. « Rationnellement, cela ne devrait pas aller plus loin car il y a de part et d’autre des gens qui essayent de calmer le jeu », notamment les « establishements » militaires américains et israéliens, estime Denis Bauchard, conseiller Moyen-Orient de l’Institut français des relations internationales (Ifri), pointant aussi le « profil bas » de l’Iran pour l’instant. Mais il y a « aussi de part et d’autre des boutefeux, avec (le conseiller à la sécurité nationale) John Bolton aux États-Unis, ou, du côté iranien, les gardiens de la Révolution ». Pour lui, « le scénario est celui d’un ‘à toi, à moi’ limité, les États-Unis lançant une attaque militaire limitée contre l’Iran, qui répondrait de manière limitée, chacun espérant que tout le monde garde son calme ».

Mais l’étincelle peut venir d’un de leurs alliés, ou d’acteurs non étatiques. « Si par exemple », imagine-t-il, « les Houthis au Yémen tiraient un missile sur un pétrolier saoudien en mer Rouge, les représailles pourraient tomber sur l’Iran », allié des Houthis, vu la promesse américaine faite à Téhéran d’une réponse « implacable à toute attaque contre les intérêts des États-Unis ou de leurs alliés ».

Surtout si ces éventuelles attaques visent le nerf de la guerre de tous les pays de la région : le pétrole. Comme l’ont illustré les récents mystérieux « sabotages » de navires au large des Émirats, contribuant à accroître la tension. « Si vous tapez sur leurs exportations de pétrole et qu’ensuite les marchés se mettent à douter de la fiabilité de ces pays en tant qu’exportateurs, c’est là que ça peut faire le plus mal », analyse Agathe Demarais.

Tensions alimentées par Trump

L’Arabie saoudite a d’ailleurs interrompu mardi ses opérations sur un oléoduc majeur après une attaque de drones contre deux stations de pompage. « Une réponse aux crimes » et au « blocus » saoudien du Yémen voisin, selon un responsable houthi. Concernant les navires qui auraient été endommagés, « il y a pas mal d’inconnues (…) car les Saoudiens et les Émiratis n’ont pas vraiment donné de preuve » des attaques. « Il y a plusieurs hypothèses : une est que ce serait un coup monté des Saoudiens, des Émiratis pour entraîner les Américains dans une réponse militaire », analyse Anne-Sophie Marie, analyste risque pays de l’entreprise Risk&Co.

Une autre hypothèse pointe « les Iraniens eux-mêmes ou des proxy (supplétifs) iraniens, sachant que les Iraniens ont menacé de s’en prendre au trafic maritime dans le détroit d’Ormuz si on les empêchait de vendre leur pétrole (comme le prévoient les nouvelles sanctions américaines, NDLR), ça pourrait être une mise en garde ». Enfin, la troisième, « moins crédible », est celle d’un groupe terroriste.

Au final, si personne n’allume la mèche et que la situation ne dégénère pas en guerre, « les tensions vont continuer au moins tant que Donald Trump est président, car il n’y a que des faucons en politique étrangère et que l’économie américaine va ralentir, donc ils auront intérêt à avoir une politique étrangère musclée pour détourner l’attention des électeurs », prévoit Agathe Demarais. « En face, l’Iran va jouer la montre, attendre 2020 en espérant que Trump ne soit pas réélu ».

LQ/AFP

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