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Ces sommeliers qui mettent de l’eau dans leur vin


Lisse, veloutée, acide, amère, suave en fin de bouche… Comme le vin, l'eau a son vocabulaire. (Photo : afp)

Plate, l’eau ? Pour une poignée de sommeliers passionnés, elle se déguste comme le vin et mériterait une place de choix dans les restaurants, au vu de ses richesses gustatives, mais aussi en tant qu’alternative à l’alcool.

Il existe la Velleminfroy, l’eau impériale de Napoléon, mais aussi l’Iskilde du Danemark ou encore la 808 d’Aix-en-Provence, puisée à 808 mètres de profondeur… Les références (plates et pétillantes) sont nombreuses et plus ou moins chères. «Pour la plupart des gens, l’eau est associée à l’hydratation, mais il y a tellement plus à découvrir! L’eau a du goût et a un impact sur les autres boissons et la nourriture. C’est fou comme un vin changera de goût juste en fonction de l’eau qui est servie avec», met ainsi en avant Martin Riese, le plus médiatique des sommeliers d’eau.

«Plus une eau est minéralisée, plus elle a de goût»

Basé à Los Angeles et fort de 430 000 abonnés sur TikTok, il propose des dégustations en ligne d’eaux minérales ou de source (au prix de 115 dollars, après envoi à domicile de six bouteilles en provenance du monde entier) ainsi que des formations en sommellerie d’eau. Les différences entre les eaux sont certes plus subtiles qu’entre les vins, admet Martin Riese : «Si dans le vin, il y a différents cépages et le travail du vigneron derrière, l’eau est en quelque sorte issue d’un même « raisin » mais originaire de terroirs différents, avec la nature comme artisan qui crée différents goûts selon la minéralité» des sols, détaille-t-il.

«Plus une eau est minéralisée, plus elle a de goût, comme la Contrex ou l’Hépar», renchérit Alexis Durand, sommelier en vin qui a basculé vers l’eau. Il est aujourd’hui aux commandes de Watershop, une entreprise qui propose une soixantaine de références internationales d’eaux et fournit la grande distribution, l’hôtellerie ainsi que des marques de luxe. Certaines éditions limitées peuvent même dépasser les 200 euros comme la Fillico, issue d’une source japonaise, ou la Bling, eau américaine, principalement en raison des cristaux de Swarovski ornant les flacons.

Tout un vocabulaire

Lisse, veloutée, acide, amère, suave en fin de bouche… Comme le vin, l’eau a son vocabulaire. «Les eaux de montagne, c’est tout de suite la fraîcheur et la puissance qui arrivent au palais. Elles ont été embouteillées jeunes alors que les eaux de terre ont 20 ou 30 ans et sont plus calmes», décrit Alexis Durand. Pour lui, une eau pétillante est aussi «capable de tuer un vin. C’est une hérésie d’en boire avec un Pommard à 300 euros, le CO2 industriel va en effet faire ressortir tout le côté métallique et ça va être très astringeant».

Aurélien Farrouil, chef sommelier qui a fait de l’eau sa spécialité, conseille de la boire «entre les plats, et à une température de 10 degrés». Son restaurant doublement étoilé, La Grand’Vigne à Martillac (en Gironde), est l’un des rares en France à proposer une carte des eaux à part entière, avec une petite vingtaine de références. «Que ce soit au bar du coin ou dans un trois étoiles, la plupart du temps, on propose les mêmes eaux, en général celles des grands groupes» comme Nestlé ou Danone, déplore Alexis Durand de Watershop.

L’eau est généralement associée à l’hydratation, mais il y a tellement plus à découvrir!

Alors qu’une carte des eaux «peut attirer des clients qui ne peuvent ou ne veulent pas boire d’alcool et n’ont pas non plus envie d’un soda ou d’un cocktail sucré. Cela peut être une véritable source de revenus», complète Martin Riese. «Souvent, c’est un choix binaire entre une plate et une effervescente», constate lui aussi Philippe Faure-Brac, président de l’Union de la sommellerie française, selon lequel «ça fait partie des questions qu’on peut se poser, d’autant que la consommation de vin, notamment au déjeuner, diminue».

S’il admet que «les clients posent moins de questions sur l’eau que sur le vin», il rappelle aussi qu’un sommelier doit pouvoir conseiller l’un comme l’autre «car selon la définition de son métier, il est le responsable de toutes les boissons». Une demi-douzaine d’«écoles» dans le monde proposent des formations en sommellerie d’eau, dont la Doemens Academy à Munich où Alexis Durand s’est spécialisé. «Les profils? Des personnes qui travaillent pour des sources, des brasseurs qui veulent améliorer leurs bières, des naturopathes, mais peu de restaurateurs.» Il regrette ainsi qu’«il y ait très peu de sommeliers d’eau en France, il y en a bien plus en Allemagne car les Allemands s’intéressent plus à l’eau et ont aussi plus de 800 sources, contre moitié moins en France».

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