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Avec le beau temps, les migrants renouent avec le danger dans la Manche


"L'ensemble des naufragés" ont été récupérés et débarqués au port de Dunkerque (Photo AFP)

L’aube se lève sur la Manche et un point noir se dessine à l’horizon : la silhouette familière d’une petite embarcation gonflable surchargée, dont les passagers tentent désespéramment de rejoindre le Royaume-Uni, comme des milliers d’autres cet été.

Aidé par un drone militaire pour ses repérages, un bateau des gardes-côtes britanniques prend rapidement en charge la douzaine de migrants, les acheminant jusqu’au port de Douvres. Ces passagers aux gilets de sauvetage orange, dont au moins une femme et un enfant, font partie des dizaines de migrants à avoir tenté la traversée cette nuit, où une météo plus clémente a succédé à plusieurs jours de mauvais temps.

Pour Matt Coker, skipper du Portia, un bateau de 11 mètres, chaque jour de beau temps cette année s’apparente au Pandémonium, la capitale imaginaire des Enfers. « On ne voyait jamais de migrants ici avant il y a trois ou quatre ans », rapporte ce marin de 40 ans, qui sillonne la Manche depuis 22 ans, fin connaisseur de la voie maritime la plus fréquentée au monde. « Mais ces dernières années, c’est de pire en pire ». L’homme, issu d’une famille de marins, est le premier à repérer le zodiac blanc surchargé, à huit kilomètres des côtes anglaises, alors que la police des frontières est déjà occupée avec deux autres canots. En s’approchant de l’embarcation, il suit la procédure désormais familière, qui consiste à communiquer aux gardes-côtes la position précise du bateau et le nombre de personnes à bord.

Très rapidement, Matt Coker repère un second esquif dans ses jumelles, un canot pneumatique noir avec cinq hommes à son bord, qui font des signes et lèvent le pouce en direction du Portia. Vêtus de shorts et de sweats – dont l’un arbore le logo de l’Université anglaise de Bath -, ils arrêtent alors le moteur de leur embarcation de fortune et expliquent venir du Soudan. À bord, pas de gilets de sauvetage, ni d’eau potable. « On a déjà essayé trois fois (de traverser la Manche), mais on n’a jamais réussi », explique l’un d’eux, ajoutant qu’ils avaient cette fois-ci pris la mer depuis huit heures déjà. Mais « on va bien », précise-t-il, quand Matt Coker les informe que les gardes-côtes britanniques sont en route pour les rejoindre.

La hausse du nombre de traversées est « inacceptable »

Le mois dernier, près de 1 500 migrants sont arrivés par ce biais au Royaume-Uni, selon l’agence de presse britannique PA. Signes matériels de la multiplication de ces voyages risqués, des dizaines de zodiacs flottent et ballottent dans la marina du port de Douvres. Les chiffres records des traversées illégales en août, presque aussi nombreuses qu’en juin et juillet réunis, ont ravivé les tensions diplomatiques entre Paris et Londres, dont le gouvernement conservateur fait publiquement pression sur la France pour qu’elle endigue davantage les traversées.

La hausse du nombre de traversées est « inacceptable », a dénoncé mardi un porte-parole du Premier ministre britannique Boris Johnson, accusant des gangs criminels de tirer profit de la situation. « La France est un pays sûr, avec un bon système de demande d’asile », a-t-il ajouté, « C’est un principe de longue date que les gens peuvent et doivent demander l’asile dans le premier pays sûr qu’ils atteignent ». La ministre de l’Intérieur britannique, Priti Patel, qui a promis de rendre cette route maritime « impraticable », a rencontré en juillet son homologue français Gerald Darmanin. Ils ont convenu de créer une unité commune de police pour lutter contre le trafic de migrants.

Mais malgré les avions et le personnel déployé récemment par l’armée britannique, les arrivées de mardi montrent que ces mesures sont loin d’être dissuasives. « Les gens qui arrivent maintenant veulent être trouvés et pris en charge » par les gardes-côtes, estime le skipper Matt Coker. « Ce sont des migrants différents de ceux qu’on voyait avant », ajoute-t-il. Selon lui, ces derniers espéraient plutôt échapper aux autorités et atteindre par leurs propres moyens les côtes anglaises, où leur prise en charge était organisée à l’avance.

LQ/AFP

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