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Au procès du 13-Novembre, un Salah Abdeslam loquace et intransigeant


Salah Abdeslam lors de son procès à Paris. Photo AFP

« Je n’ai tué personne », « je ne suis pas un danger pour la société ». Au procès des attentats du 13-Novembre, le principal accusé Salah Abdeslam, qui « hésitait » à s’exprimer, a donné mercredi à la cour de très attendues premières réponses, et en a réservé d’autres pour « plus tard ».

C’est son premier interrogatoire sur le fond du dossier, cinq mois après l’ouverture de l’audience. La salle est pleine. Quand le président de la cour d’assises spéciale de Paris Jean-Louis Périès l’appelle, le Français de 32 ans se lève dans le box, pose doucement sa veste noire.

Pendant « quasiment cinq ans d’enquête », rappelle le magistrat, Salah Abdeslam a exercé son droit au silence. « Pour tout vous dire, j’hésite encore à répondre à vos questions », commence le principal accusé, demandant à faire une déclaration spontanée.

« Je n’ai tué personne et je n’ai blessé personne », affirme d’une voix posée, une main sur le micro, le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015.

Tançant les peines « extrêmement sévères » prononcées en matière de terrorisme, Salah Abdeslam, chemise blanche, barbe brune sous un masque blanc, dit comprendre que « la justice veuille faire des exemples ».

« 50 kg d’explosifs »

Mais « à l’avenir, quand un individu montera dans un métro ou un bus avec une valise remplie de 50 kg d’explosifs et qu’au dernier moment il va se dire : +Je vais faire marche arrière+, il saura qu’il n’a pas le droit, sinon on va l’enfermer ou le tuer », juge-t-il.

La mission exacte de Salah Abdeslam le soir du 13-Novembre et la raison pour laquelle sa ceinture d’explosifs n’a pas été utilisée font partie des grandes questions en suspens de ce procès. Elles seront abordées lors de prochaines phases d’interrogatoires.

Pour l’heure, la cour s’intéresse à la période précédant les attaques et le basculement dans la radicalité de Salah Abdeslam.

Son interrogatoire tourne toutefois rapidement à la discussion de salon entre le président et l’accusé. Sur la peine de mort, l’esclavage, l’islam véritable, les différences entre bombardements sur les civils en Syrie et les attentats sur le sol français…

L’une des avocates de Salah Abdeslam, Me Olivia Ronen, se lève pour manifester son « irritation » face à certaines approximations, le magistrat grogne en retour. « Monsieur le président, respirons un petit coup », propose Salah Abdeslam, qui frôle parfois l’insolence.

Comme il l’avait fait dès l’ouverture du procès, il réitère son « soutien » et son « amour » du groupe État islamique (EI).

« À quel moment vous prêtez allégeance ? », demande le président. « 48 heures avant les attentats », répond Salah Abdeslam. Il rétropédalera plus tard en expliquant confusément avoir « prêté allégeance sans prêter allégeance, sans même le savoir ».

Mais lui n’a jamais véritablement envisagé de rejoindre la Syrie, à la différence de son « grand frère » et futur tueur des terrasses, Brahim Abdeslam, et de son « meilleur ami » Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des attentats parisiens.

Salah Abdeslam assure n’avoir « rien » su du départ en Syrie de ce dernier, et n’avoir découvert le bref séjour de son frère, début 2015, que « quelques mois après son retour ». À son frère Brahim, on « a dit : « Tu vas retourner en Belgique vivre ta vie, et on te donnera des missions » ». « Un peu comme dans l’intérim », ose Salah Abdeslam.

« Road trip »

Le président Périès semble pressé d’obtenir des réponses à des questions pourtant prévues plus tard dans son calendrier. « Vous, vous n’aviez pas de mission avant 48 heures avant les attentats ? », tente-t-il.

« Non, non… Après, mon frère va me demander des choses et je vais faire ces choses-là ». « Dont aller chercher des gens ? », pousse le président, interrompu par les protestations de la défense.

Le magistrat s’offusque : « On a la chance d’avoir des explications en direct de M. Abdeslam, c’est bien, j’aimerais qu’on continue ». Le président essaie à nouveau, Salah Abdeslam ferme la porte : « Si Dieu le veut, on pourra voir ça plus tard ».

La cour revient sur le programme du jour et cherche à en savoir plus sur un mystérieux et très court voyage en Grèce à l’été 2015 de Salah Abdeslam et l’un de ses coaccusés, où ils auraient pu rencontrer des responsables de la cellule jihadiste.

Salah Abdeslam conteste, parle de « road trip ». « On s’est arrêté en Italie, on a mangé des pâtes, on est allé en Grèce, on a visité plusieurs îles et voilà », continue-t-il sous le regard circonspect du président. L’accusé persiste. « Vous, vous pensez que tout est lié à l’Etat islamique, mais il y a aussi une vie sociale à côté ».

L’interrogatoire se poursuit avec les questions de l’accusation, des parties civiles et de la défense.

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