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Algérie/référendum : abstention record, désaveu cinglant pour le pouvoir


Seulement un électeur sur cinq en Algérie a voté en faveur de la nouvelle Constitution. (illustration AFP)

Le « oui » l’a emporté au référendum en Algérie sur la révision constitutionnelle proposée par le pouvoir, mais le scrutin a été marqué par une abstention record historique qui constitue un désaveu cinglant au président Abdelmadjid Tebboune hospitalisé à l’étranger.

Le « oui » a recueilli 66,8% des voix, a annoncé lundi Mohamed Charfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), lors d’une conférence de presse en saluant « l’intégrité et la transparence du scrutin ». Mais le taux de participation final s’est établi à 23,7%, selon l’ANIE, un plus bas historique pour un référendum en Algérie.

Seulement un électeur sur cinq en Algérie a voté en faveur de la nouvelle Constitution. La participation de la diaspora se réduit à un seul chiffre. Cette abstention record, seul véritable enjeu du vote dimanche boycotté par l’opposition, constitue un revers majeur, sinon humiliant, pour un régime confronté depuis février 2019 à un soulèvement populaire inédit, le « Hirak ».

« Il s’agit d’un camouflet pour un président en quête de relégitimation après une investiture contestée », a affirmé Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

« Les conditions dans lesquelles s’est tenu ce référendum étaient un défi pour toute activité politique de quelque nature que ce soit », a expliqué le président de l’ANIE, en allusion aux restrictions liées à la maladie Covid-19. En raison de la pandémie, l’accès dans les bureaux était limité à deux ou trois personnes à la fois et le port du masque obligatoire. « Le fait que le peuple ait pu s’exprimer en toute indépendance a été un autre défi dans la construction de la nouvelle Algérie qui a commencé avec le Hirak béni du 22 février 2019 », s’est-il félicité.

« Grande victoire du Hirak »

La victoire du « oui » ne faisait guère de doute tant la campagne électorale, qui a laissé la population largement indifférente, a été à sens unique.

Les partisans du « Hirak » ont prôné le boycott et les islamistes appelé eux à voter « non ». « Le résultat confirme l’échec des projets du pouvoir en place et son incapacité à concrétiser un consensus national autour de la Constitution », a réagi le président du principal parti islamiste, le MSP (Mouvement de la société pour la paix), Abderrazak Makri.

Après l’annonce des résultats, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, a tweeté : « Une grande victoire du Hirak (…) Le pouvoir doit prendre acte de son échec et reconsidérer sa feuille de route. Le processus de transition démocratique constituant est la solution ». Les « hirakistes » avaient rejeté « sur le fond et la forme » la révision constitutionnelle perçue comme un « changement de façade ».

Dans un message relayé samedi par l’agence officielle APS, le président Tebboune s’était dit persuadé que « le peuple algérien sera, une fois encore, au rendez-vous avec l’histoire pour opérer le changement escompté, dimanche 1er novembre, en vue d’instituer une nouvelle ère à même de réaliser les aspirations de notre peuple à un État fort, moderne et démocratique ».

La date du référendum n’avait d’ailleurs pas été choisie par hasard : le 1er novembre marque l’anniversaire du début de la Guerre d’indépendance contre la puissance coloniale française (1954-1962).

Grand absent du scrutin, Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, est hospitalisé en Allemagne pour des « examens approfondis » après l’annonce de cas suspects de coronavirus dans son entourage. Son état serait « stable et non préoccupant », selon la présidence.

Répression

Tebboune a fait de la révision de la Constitution, la énième depuis l’accession à l’indépendance en 1962, son projet phare et a tendu au début la main aux manifestants du « Hirak populaire authentique béni ». Mais les militants du « Hirak » réclament un profond changement du « système » en place depuis 1962. En vain jusqu’à présent, même si le mouvement a poussé Abdelaziz Bouteflika à la démission en avril 2019 après vingt ans de règne.

De fait, la nouvelle Constitution met en avant une série de droits et de libertés mais n’offre pas de changement politique majeur : elle maintient l’essentiel d’un régime « ultra présidentialiste ».

« Persister dans cette démarche et promulguer une constitution rejetée par 86,3% des électeurs, c’est ouvrir la voie au désordre porteur de tous les périls », a averti le Rassemblement pour la culture et la démocratie, un des principaux partis de l’opposition, dans un communiqué.

Le référendum s’est déroulé dans un climat de répression « implacable » ciblant militants du « Hirak », opposants politiques, journalistes et internautes, selon les défenseurs des droits humains.

LQ/AFP

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