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À Lesbos, Kamal, réfugié irakien, vit les pires jours de sa vie


Un réfugié sur l'île grecque de Lesbos, ce mardi. (photo AFP)

Il a fui des menaces de mort à Bagdad. Mais à force d’attendre des heures sous une chaleur assommante pour obtenir des papiers, Ali Kamal soutient que ces cinq jours coincés sur l’île de Lesbos, en Grèce, sont les pires de sa vie.

Dépassées par l’arrivée de 20 000 réfugiés et migrants, les autorités de cette île touristique du nord de la mer Egée ont ouvert à toute vitesse lundi un nouveau centre d’enregistrement pour les réfugiés sur un ancien terrain de football. Pris de court et tourmenté par la crise économique, le gouvernement grec n’était pas préparé à les accueillir. Sans ombre ni eau sous un soleil de plomb, le seul équipement des autorités est constitué de quatre imprimantes reliées à un groupe électrogène.

Des bénévoles sont finalement arrivés mardi dans la journée pour installer des toilettes et distribuer de la nourriture et de l’eau. Mais des milliers de personnes attendaient sur ce terrain aride depuis 22h la veille.

Kamal, un grand Irakien aux yeux verts, brandit son papier confirmant son enregistrement et lui permettant de rejoindre le Pirée, le port d’Athènes. « J’ai l’impression que c’est mon anniversaire ! », s’écrie-t-il. Comme beaucoup d’autres, l’ancien vendeur de glaces a passé des journées difficiles, bloqué sur cette île, à attendre son autorisation de gagner le continent et espérer ainsi refaire sa vie dans le nord de l’Europe.

« C’est la misère »

Avec l’afflux de migrants et de réfugiés, les autorités sont débordées et des tensions sont apparues. Nuit après nuit, la police antiémeute se positionne sur le port pour éviter les débordements au sein de la foule cherchant désespérément à embarquer sur un des ferries qui se dirigent vers Athènes.

A Mytilène, il n’y a pas de toilettes en accès libre pour les migrants et la plupart n’ont pas trouvé de chambres d’hôtel. Des tentes sont montées le long des quais. Des détritus sont visibles un peu partout. « C’est la misère », lance un homme dans la file d’attente devant le centre d’enregistrement, pendant que sa femme exténuée serre son enfant dans ses bras.

« Beaucoup de femmes s’évanouissent et sont très faibles « , déclare Eva Jordung Nicolson, une humanitaire danoise de la Croix-Rouge qui distribue de la nourriture devant le centre d’enregistrement. « Quand tu leur demandes : quand avez-vous mangé pour la dernière fois ? Elles répondent +il y a deux jours+. Ce n’est pas une question d’argent. Mais nous ne voulons pas avoir à aller aux toilettes ensuite », devant tout le monde, raconte Eva Jordung Nicolson.

A la nuit tombée, sous les étoiles, une certaine quiétude reprend le dessus. Les enfants rient avec leurs familles, pendant que les adolescents fument et bavardent. Mais l’agitation reprend lorsque les ferries arrivent au port et que la foule s’y précipite. Les agents de la police antiémeute ont la matraque en main. Une femme hurle de douleur, un policier vient de la frapper aux genoux, sous le regard terrifié de ses deux petits enfants.

Moments de bonté

Outre ces violences et les conditions déplorables régnant sur l’île, les migrants doivent aussi faire face au coût de la vie dans cette zone touristique. Les prix de tout, des bouteilles d’eau à la recharge d’une heure d’un téléphone portable dans un café semblent exorbitants, disent-ils, accusant les habitants d’essayer de se faire de l’argent sur leur dos.

« Je sais que la Grèce est dans une situation difficile », lâche Khalil Ibrahim, un Kurde de 40 ans, originaire de la ville syrienne de Raqqa. « Mais ils (les habitants de Lesbos) ne devraient pas abuser de nous », ajoute-t-il. Rami Amer, un autre Syrien, explique que deux Grecs de l’île ont essayé de le voler avec une arme lundi. Mais malgré cette mésaventure, il soutient que Lesbos « est un lieu formidable avec des personnes chaleureuses ». « Il y a des moments de bonté tous les jours », poursuit-il, citant ce restaurateur qui a baissé ses prix quand il a vu qu’ils étaient réfugiés.

Kamal est cependant rassuré de ne pas avoir emmené avec lui sa femme et ses deux enfants dans ce voyage de misère. « Mon fils n’a que cinq mois. Il aurait pu mourir dans la traversée », souligne-t-il. Mais l’angoisse de les avoir laissés n’est pas facile à supporter. « Tous les jours, je leur parle au téléphone et je pleure », raconte-t-il.

 

AFP / S.A.

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